La course à l'équilibre budgétaire fait-elle de Jérôme Cahuzac l'homme le plus puissant (et le plus détesté) du gouvernement ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Jérôme Cahuzac présente ce vendredi le projet de loi de finances pour 2013 en conseil des ministres.
Jérôme Cahuzac présente ce vendredi le projet de loi de finances pour 2013 en conseil des ministres.
©Reuters

Rigueur de gauche

Pour respecter les engagements de François Hollande, le ministre du Budget devra réduire le déficit public à 3% du PIB l'année prochaine, avec à la clé un effort historique de 30 milliards d'euros.

Marc de Scitivaux

Marc de Scitivaux

Marc de Scitivaux est économiste, fondateur et directeur des Cahiers verts de l'économie. Proche d'Alain Madelin, c'est un ancien membre de son cabinet ministériel.

Voir la bio »

Atlantico : Jérôme Cahuzac présente le projet de loi de finances pour 2013, ce vendredi, en conseil des ministres. Le ministre du budget, a la charge difficile de tailler dans les dépenses de ses collègues du gouvernement. Soit pas moins de 10 milliards d'euros, dès cette année, pour ramener le déficit budgétaire à 3% du PIB en un an. Cela fait-il de lui l’homme le plus puissant au sein gouvernement ?

Marc de Scitivaux : J'imagine que Jérôme Cahuzac va exercer une pression sur ses petits camarades. Mais la vraie question est de savoir si ce challenge va vraiment lui permettre de se présenter l'année prochaine comme un homme qui a réussi. Ma réponse est évidemment non ! Les dépenses des administrations publiques en France représentent environ 56,5% du PIB. La moyenne européenne est inférieure à 50% du PIB et en Allemagne la dépense publique ne représente que 45% du PIB. Il faut donc effectivement couper dans les dépenses. Le problème c'est que la seule manière de réduire rapidement les dépenses, c'est aussi de réduire le nombre de fonctionnaires, frapper les salaires de ces derniers, ou réduire les transferts sociaux. Or, la consommation française est déjà en baisse. La continuation de la baisse de la consommation est donc assurée.

L'autre versant du budget de M. Cahuzac c'est aussi l’augmentation des prélèvements. Les prélèvements obligatoires français sont de 51,5% contre un peu moins de de 46% pour la zone euro et 44% pour l’Allemagne (en 2012, selon l’OCDE). Si l’augmentation des prélèvements a lieu par les impôts sur les personnes, la consommation sera frappée une nouvelle fois. Les fonctionnaires et les pauvres sont frappés d’un côté par la baisse des transferts sociaux alors que les classes moyennes sont frappées par l’augmentation des impôts.

Quant à la partie qui concerne les entreprises, je rappelle que l’investissement en France est en hausse d’à peine de 2%. La probabilité que l’augmentation des prélèvements sur les entreprises entraine une baisse des investissements est donc très grande.

En additionnant la baisse de la consommation et de l’investissement, comment pourrions-nous avoir l’an prochain une croissance PIB qui permettrait l’augmentation des recettes fiscales en général ? C’est impossible !

M. Cahuzac qui aujourd’hui embête peut-être ses camarades sera l’année prochaine, comme beaucoup de ministres du budget d’ailleurs,  obligé de présenter des résultats qui ne seront pas au rendez-vous. Je ne sais pas s’il est un homme puissant aujourd’hui, mais je peux dire qu’il sera très probablement qu’il soit un homme malheureux demain…

Dix milliards d’euros de baisse de la dépense publique en début de mandature, c’est inédit même pour un gouvernement de droite. Sa tâche n’est-elle pas impossible pour un homme de gauche ?

Il vaut mieux faire cela en début de mandature qu’à la fin. Le vrai problème est que cela ne fonctionnera pas. Le scénario que nous avons connu en Grèce arrivera en France : la diminution à marche forcée des dépenses publiques, s’il n’y a pas de l’autre côté une augmentation de l’emploi et des ressources privées, conduit à une espèce d’engrenage déflationniste et  récessionniste qui ne fait qu’empirer les choses.

Le problème ne vient pas de M. Cahuzac en particulier. Vous ne pouvez pas réparer 30 ans de laxisme en deux ans. Il faudrait qu’il puisse avoir du temps devant lui. On pourrait imaginer la remise en marche des dépenses publiques en étalant un plan d’action sur 8 à 10 ans. Mais nous sommes obligés de maintenir cette marche forcée vis-à-vis des marchés financiers. Or cette marche forcée, comme je vous l’ai dit, ne pourra atteindre ses résultats. Il y a là une sorte de malédiction épouvantable !

Peut-il réussir à conjuguer rigueur et justice sociale ?

Absolument pas ! Quelqu’un avait dit que le gouvernement de François Hollande aurait le choix entre désespérer son électorat ou mettre la France dans le mur. Ma thèse est que le deux peuvent coexister, il est possible à la fois de désespérer son électorat et de mettre la France dans le mur...

La création de richesse est l’apanage du secteur privé. Le secteur public ne fait jamais que dépenser. On peut créer tous les emplois qu’on veut avec des subventions. Encore faut-il pour le faire que l’on continue à avoir des gens qui nous prêtent. Si vous ne les avez pas, la seule source possible est le secteur privé. Mais en lui augmentant ses charges, et s’il n’est pas compétitif dans un monde ouvert, la probabilité qu’il créer de la richesse est inexistante.

Je ne crois pas qu’à court terme la diminution des salaires ou du nombre de fonctionnaires dans les douze mois qui viennent pourrait avoir un impact quelconque sur la création d’emploi dans le secteur privé. C’est une opération qui demande 7 à 8 ans.

Son pouvoir est-il réel ou est-il contraint par les règles du traité budgétaire européen et notamment la règle d’or ?

Son pouvoir est extraordinairement limité car il est contraint par la nécessité de faire apparaître une volonté de baisse des dépenses qui ne résoudra pas les problèmes mais qui permet de gagner un peu de temps. Si on ne le faisait pas, les taux d’intérêt monteraient et ce n'est plus 30 milliards qu'il faudrait trouver mais plutôt 50.

Celui qui coule a en effet le pouvoir de surnager pendant un certain temps... Mais a-t-il le pouvoir de s'en sortir réellement ? Surtout avec deux gros boulets au pied...

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !