François Fillon : "Ce n'est pas en copiant les extrémistes que nous convaincrons nos électeurs et ceux du Front National"<!-- --> | Atlantico.fr
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François Fillon toujours en tête des sondages dans la course à la présidence de l'UMP
François Fillon toujours en tête des sondages dans la course à la présidence de l'UMP
©Reuters

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Fort du soutien récent de l'ex-Premier ministre Edouard Balladur, François Fillon est plus que jamais favori dans la course à la présidence de l'UMP qui l'oppose à Jean-François Copé.

François Fillon

François Fillon

François Fillon est député de la 2ème circonscription de Paris. Il a été pendant cinq ans le Premier ministre de Nicolas Sarkozy.

Il est actuellement candidat à la primaire de la droite qui se déroulera en novembre 2016.

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Atlantico : Edouard Balladur a annoncé qu’il soutient votre candidature à la présidence de l’UMP. Il vous qualifie d’ «homme à faire des réformes courageuses». En dehors de la suppression des 35H, à quelle réforme courageuse vous attaqueriez-vous si vous étiez aux commandes de l’Etat ? Comment définiriez-vous précisément votre projet ?

François Fillon : Mon projet se fonde sur l’urgence du redressement de la France. Ce mot de «redressement» est fort, mais il est adapté aux circonstances. La crise que connait l’Europe depuis 5 ans a accéléré le basculement du monde vers d’autres pôles de puissance. Le gouvernement actuel croit que cette crise est essentiellement financière et que quelques ajustements pendant deux ans suffiront à calmer les choses. Cette analyse ignore la vérité. La vérité, c’est que nous sommes face à la crise de la «vieille» civilisation européenne surendettée et défiée par la vigueur de la mondialisation ! La France est devant un choix existentiel : le déclin ou le sursaut.

Ce sursaut, Nicolas Sarkozy l’avait engagé avec audace. Il s’est attaqué à nos problèmes structurels. Mais l’élan réformiste est rompu. Nos handicaps – déficits et sous compétitivité française – vont s’aggraver sous les coups d’une politique démagogique et frileuse. Je crains que notre déclassement économique et social soit programmé.

L’essentiel pour moi, c’est de créer les conditions d’un rassemblement des Français autour de l’UMP pour surmonter les menaces de déclin. Il faut produire plus, innover plus, dépenser moins. Il faut abroger les lois sur les 35 H pour donner aux entreprises la possibilité de négocier la durée du temps de travail avec leurs salariés. Et la seconde réforme qui va de pair, c’est de remplacer l’indemnisation du chômage par l’indemnisation de la formation pour tous les demandeurs d’emploi. Cette réforme exige une refonte radicale de notre système de formation, par le biais du référendum si nécessaire. Il faut sortir du syndrome du chômage en bâtissant une société en formation. Et pour que tout cela marche, il faut baisser le coût du travail en mettant en place une TVA compétitivité.

Sur le fond  qu’est-ce qui vous différencie de votre concurrent ? Récusez-vous la notion de  « Droite décomplexée»?   L'attitude face au FN et à l'électorat FN est-elle la  ligne de partage à l'UMP ? 

Il est naturel que nous ayons des points communs avec Jean-François Copé. Nous sommes de la même famille politique ! Dans cette campagne, je ne me situe pas par rapport à mon concurrent, mais par rapport à mes convictions et par rapport aux défis que doit relever notre pays, avec l’UMP comme fer de lance.

Pour moi, la question n’est pas de savoir si l’UMP doit être au centre, à droite ou plus droite car pour rassembler le peuple français dans sa diversité il ne faut pas se replier sur une case politique et idéologique. La question n’est pas non plus d’imaginer des alliances partisanes avec la firme Le Pen qui ne tiendraient ni par des valeurs partagées ni par un programme commun. Nos adhérents sont furieux de voir que le PS puisse s’acoquiner avec l’extrême gauche, mais ils comprennent que l’UMP n’a rien à gagner à céder aux intimidations d’un parti qui a fait battre Nicolas Sarkozy et qui, au surplus, présente un programme qui ruinerait la France. La seule question qui vaille pour l’UMP, c’est de rassembler les Français, de toutes sensibilités, dont les électeurs du Front National qui ne doivent pas être méprisés.

Jean François Copé se réclame d’une droite « décomplexée » et craint que les militants se tournent vers le FN en cas d’opposition trop tiède. Comment éviter cette fuite ?

Personnellement, je n’ai jamais eu de complexes à défendre mes idées et mes valeurs, et je n’ai aucune complaisance à l’égard de la politique socialiste. Quant à Nicolas Sarkozy, il n’a jamais succombé à la fadeur du politiquement correct…  Nos militants et nos électeurs attendent de nous bien plus qu’une opposition frontale à la gauche. Ils attendent de la crédibilité politique, de la solidité dans nos valeurs, nos actes et nos propositions. Ca n’est pas en copiant les extrémistes que nous convaincrons nos électeurs ni mêmes ceux qui votent pour le Front National. Pour être fort, il faut être cohérent avec ce que l’on croit et ce que l’on veut pour la France.

Nicolas Sarkozy jouit toujours d’une grande popularité à l’UMP en dépit de son échec .Cette situation vous interdit-elle tout « droit d’inventaire » ?

J’ai travaillé durant cinq années auprès de Nicolas Sarkozy. J’assume notre bilan avec fierté et loyauté, et j’ai la conviction que l’Histoire soulignera les mérites du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Ceci dit, je n’ai aucune difficulté à expliquer que sur certains sujets nous aurions pu aller plus loin et que certains de nos engagements électoraux ont été percutés par la crise.  

Vous  avez créé un effet de surprise en revendiquant 45.000 parrainages ; dans le camp de Jean-François Copé, certains ont parlé de bluff. Faites-vous authentifier vos parrainages ?

J’ai déposé mes parrainages à la Commission qui est en charge de l’organisation de l’élection, présidée par le sénateur Patrice Gelard et composée de membres élus de l’UMP.  Ces parrainages sont listés, rangés par département. Je les ai aussi fait certifier par huissier. Cette commission peut parfaitement vérifier tout cela. Cette question des parrainages est derrière nous. Ce qui compte, c’est le vote du 18 novembre. 

Dans la campagne interne à l’UMP vous avez obtenu l’accès au fichier des adhérents du mouvement .Tous les problèmes que vous avez soulevé afin que le scrutin soit équitable (- à vos yeux), sont-ils aujourd’hui résolus ?

Il est indispensable que toutes les conditions d’un scrutin exemplaire soient réunies.  L’accès au fichier est en effet un point essentiel. Je regrette que dans la course aux parrainages tous les candidats n’aient pas été à égalité, et je persiste à penser qu’il aurait été préférable qu’il n’y ait pas de confusion entre le statut de candidat et celui de secrétaire général. Mais je n’ai pas le goût pour les causes perdues. Je préfère me consacrer au débat de fond et aux rencontres avec les militants partout en France.

Deux mois, c’est très long pour une campagne interne. Ne craignez-vous pas de lasser l’opinion avec ce duel ?

Deux mois, c’est le temps nécessaire pour aller à la rencontre de nos adhérents dans chaque département. C’est une élection militante qui doit être menée sur le terrain pour convaincre et discuter ensemble. Quant à l’opinion, il faut chercher à l’intéresser par des idées de fond et se faire respecter des Français en faisant de cette élection interne un moment véritablement démocratique et digne.

Vous, président de l’UMP, comment imaginez-vous votre présidence ?

Comme celle du rassemblement et de la crédibilité. L’UMP a trois défis à relever. D’abord, le Président devra s’atteler à rénover le projet de notre parti car il n’y aura pas de victoire possible sans domination intellectuelle. Ça n’est pas avec des postures que nous convaincrons les Français et que nous donnerons des armes à nos adhérents pour militer et afficher leur fierté de se dire UMP. Il faut pour cela un projet politique pour la France qui apporte des solutions et qui incarne des valeurs.

Ensuite, si j’ai l’honneur d’être désigné, je devrai assurer l’équilibre entre la nécessaire démocratisation de notre mouvement et son unité. Il faut plus débats, plus de pouvoirs aux adhérents, mais la contrepartie, c’est plus de responsabilité ! Je ne veux pas que l’UMP se balkanise et devienne, comme le parti socialiste, une machine à fabriquer des chapelles et des divisions.

Enfin, pour retrouver la confiance de nos concitoyens - qui sont si sceptiques à l’égard de la politique ! - il y a un profond travail de crédibilité à accomplir. Crédibilité dans notre attitude qui ne doit être ni sectaire, ni arrogante, mais tournée vers l’écoute des Français et le partage de nos convictions. Crédibilité dans notre façon franche et responsable de nous opposer à la gauche. Notre but ne doit pas être de nous enfermer dans le rôle d’opposant attitré du parti socialiste, mais de devenir le parti incontournable de l’alternance politique !

Le rôle du Président de l’UMP, c’est, selon moi, de créer les conditions l’un large rassemblement qui dépasse nos propres rangs. Aux yeux des électeurs modérés qui nous ont quittés et des abstentionnistes de plus en plus nombreux, aux yeux des électeurs du Front National qui se sont détournés de nous et des jeunes qui nous dédaignent, aux yeux aussi des intellectuels et du monde professionnel, il faut que l’UMP soit considérée comme un parti solide, moderne, capable d’assumer une politique de redressement national.

Serez-vous un parlementaire assidu  et offensif ? Interviendrez-vous souvent à la Tribune de l’Assemblée ? 

Les groupes UMP de l’Assemblée Nationale et du Sénat sont en première ligne pour dénoncer les incohérences de la politique socialiste. Je serai naturellement à leur côté. Notre travail est d’alerter les Français, il est de ne jamais laisser les socialistes en paix et d’exiger d’eux qu’ils rendent constamment des comptes au pays ! J’ajoute que le Président de l’UMP a pour devoir de contester au Président de la République le pouvoir de parler seul de la France. Notre critique doit être élevée au niveau des intérêts de la Nation.

Député de Paris, vous ne détenez qu’un seul mandat électif. Une façon d’approuver la règle de non-cumul ? Est-ce pour cette raison que vous ne serez pas candidat à la Mairie de Paris ?

Il ne faut pas mélanger les priorités et les calendriers. Pour l’heure, je me consacre totalement à cette élection interne. Si je suis élu, je créerai immédiatement un « pôle reconquête» qui sélectionnera et formera les candidats, coordonnera les primaires là où elles seront nécessaires, à commencer par Paris.

Le Ministre de l’Education vient d’annoncer le recrutement de 40.000 enseignants, pour remplacer les départs à la retraite et combler les besoins dans l’Education. Considérez-vous que cette mesure est inutile et qu’il y a assez de professeurs en France ?

Chacun sait que les problèmes de notre système éducatif ne sont pas liés au nombre d’enseignants, qui est l’un des plus élevés d’Europe, mais à l’organisation de ce système. Augmenter les effectifs ne résoudra pas les problèmes, et en revanche cela pèsera un peu plus sur nos déficits.

L’Education Nationale a besoin d’être respectée, avec des enseignants qui doivent pouvoir travailler dans un climat de sécurité et de considération vis-à-vis des maîtres. Chaque établissement doit nouer un partenariat avec les acteurs chargés de la sécurité; et les familles n’assumant pas leurs devoirs éducatifs vis-à-vis de leurs enfants doivent être alertées et sanctionnées en cas de démission flagrante. L’Ecole doit concentrer ses efforts sur la maîtrise des savoirs fondamentaux. Chaque année, 160.000 jeunes, sortent du système scolaire sans qualification. La faille de la République commence là ! Il faut garantir la maîtrise des savoirs fondamentaux à l’entrée du collège et à nouveau à l’entrée du lycée. Je propose un test d’évaluation à l’entrée en 6ème et la création au collège de classes de soutien pour les élèves ne maîtrisant pas le socle commun. De même, il faut revaloriser le brevet du collège, prévoir des modules intensifs de mise à niveau au lycée pour ceux qui échouent et créer des voies «appliquées» dès 14 ans débouchant sur l’apprentissage et la qualification professionnelle. Enfin, l’école doit se réorganiser. Comme dans les autres pays européens, les enseignants doivent être mieux payés, plus polyvalents, avec le même nombre d’heures que leurs homologues étrangers. Il faut avancer sur l’annualisation du temps de travail des enseignants pour augmenter leur temps de présence, y compris hors des classes.

Que vous inspire la perspective du retour de la TVA  sociale ?

En supprimant cette TVA  mise en place par Nicolas Sarkozy, le gouvernement socialiste a fait preuve d’un sectarisme coupable. L’intérêt national exige de réduire notre coût du travail qui est très supérieur à celui des allemands et de nos autres concurrents. C’est une question vitale qui n’est ni de droite, ni de gauche. J’espérais que François Hollande ne se montrerait pas aussi dogmatique sur ce sujet… Mais les intérêts du parti socialiste ont pris le pas sur l’intérêt de la France. Maintenant, le Président et le Premier Ministre se réveillent et prétendent être soucieux de la compétitivité française… Ce ne sont que des mots ! Où est l’encouragement à investir, quand on abandonne la TVA compétitivité, quand on prévoit dix milliards d’impôts supplémentaires pour les entreprises ? Où est la récompense du travail, quand on supprime les heures supplémentaires défiscalisées, quand on taxe, de façon confiscatoire, à 75 % certains revenus ? Où est l’incitation à innover quand on stigmatise la réussite ?

Si François Hollande a chuté dans les sondages, ca n’est pas tant parce que la situation économique est dure – cela  les Français le savent depuis le début de la crise ! - mais parce qu’il n’y a aucun cap sérieux, aucune réforme de fond qui s’attaque réellement aux racines de la productivité française. Ca n’est pas grave d’être peu populaire quand on fait des réformes de fond, des réformes difficiles dans l’instant mais dont chacun sent qu’elles sont nécessaires. Ce qui est grave, c’est d’être impopulaire parce qu’on ne fait rien de fort et de structurant pour moderniser et relancer le pays. François Hollande n’a pas un «petit problème d’image», il a un vrai un problème avec sa politique. Il paye la rançon d’une campagne présidentielle gagnée sur l’antisarkozysme et sur un programme qui promettait des lendemains plus faciles.

Comment voyez-vous la France dans 10 ans ? 

Si notre pays n’est pas amené à produire plus, s’il ne refond pas son modèle économique et social, s’il s’accoutume à l’idée qu’on peut survivre sans se réformer et se retrousser les manches, alors l’avenir de notre mode de vie sera définitivement compromis. Je ne prends aucun plaisir à jouer les cassandres, mais ce qui est arrivé à la Grèce, à l’Espagne, à l’Italie peut nous arriver. L’Histoire est implacable pour les nations qui baissent les bras. Ce scénario du déclin peut être enrayé. Il y a dans notre pays des forces de travail et d’innovation qui ne demandent qu’à donner le meilleur. Il faut soutenir la production, réorganiser l’Etat et baisser les dépenses publiques, rationaliser nos dépenses sociales, et il faut aussi bâtir l’Europe politique. Si la France et l’Europe se réveillent, je ne vois pas pourquoi dans la décennie qui vient notre continent ne resterait pas l’une des places fortes du XXIème siècle. Les 500 millions d’européens ont tous les atouts de la puissance et de la prospérité : une éducation de haut niveau, des chercheurs brillants, des pôles industriels majeurs, des ouvriers qualifiés, une agriculture moderne, une structure publique solide, des infrastructures de qualité, un pacte social et une démocratie qui gèrent pacifiquement nos disparités… Toutes les nouvelles puissances qui nous concurrencent n’ont pas les mêmes atouts. Leur atout, c’est la rage d’avancer vers le progrès. A nous d’avoir aussi cette volonté vitale.

Propos recueillis par Anita Hausser

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