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Dans la cuisine des sondages
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Faire bouillir la marmite

Le sondage Harris interactive, publié dimanche 6 mars par Le Parisien, qui place Marine Le Pen en tête des intentions de vote au premier tour de la présidentielle, a relancé la polémique sur les sondages. Sont-ils fiables ? Dangereux pour la démocratie ? Voyage au cœur d'un business méconnu.

Alain Renaudin

Alain Renaudin

Alain Renaudin dirige le cabinet "NewCorp Conseil" qu'il a créé, sur la base d'une double expérience en tant que dirigeant d’institut de sondage, l’Ifop, et d’agence de communication au sein de DDB Groupe.

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2011, année pré-électorale, sera aussi une année à forte densité “sondagière”. Plus de 500 enquêtes d’opinion devraient être publiés : avec la tenue des primaires socialistes et la multiplication du nombre de candidats, les hypothèses à tester ne cessent d’augmenter.

Connaître l’opinion, c’est détenir le pouvoir

Si les hypothèses se multiplient, les clients à servir aussi : les candidats eux-mêmes, les partis politiques, mais surtout, concernant les sondages publiés, les médias. Des médias souvent critiques à l’égard des sondages et pourtant premiers donneurs d’ordres. Un appétit des journalistes alimenté par la nécessité perçue comme indispensable de "détenir" une information exclusive, dans le temps, ou à travers son contenu. Des rédactions qui ont besoin de se nourrir et de commenter les sondages politiques, sans doute autant pour leur propre culture et leur existence dans le microcosme, que pour informer le public. Quel directeur de rédaction ou journaliste pourrait aujourd’hui exercer son métier sans être à jour des dernières cotes de popularité ou intentions de vote ?

Il en va de même dans la sphère économique et des leaders d’opinion en général, qui souvent d’ailleurs reçoivent sous embargo les résultats des sondages à venir : détenir l’information, c’est détenir le pouvoir. Et plus cette information est récente, plus elle est perçue comme juste et pertinente, plus elle vous valorise. C’est alors la course au renouvellement, à l’usage éphémère, aux sondages jetables : comme en matière d’information, un sondage chasse l’autre.

Sondages d’opinion : une activité économique

Tous ces sondages n’existeraient pas s’ils n’étaient pas rentables (avec des différences très significatives selon la nature des enquêtes). Avant tout, il faut bien comprendre que les sondages publiés ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Ils ne reflètent pas l’ensemble de l’activité des instituts, qui tirent la majorité de leurs revenus des enquêtes marketing pour les annonceurs : études de satisfaction, d’image, de tests de produits, d’usages, d’attentes, de climat interne, ou autres qui par définition ont surtout vocation à être confidentielles ; "secrètes" comme diraient certains qui y verraient là d’obscurs instruments de connaissance et de manipulation.

Lorsque quelques milliers d’euros, ou un peu plus, sont nécessaires pour une intention de vote ponctuelle ou une poignée de questions sur un sujet d’actualité, la somme en jeu pour les études marketing d’une certaine envergure se situe davantage entre quelques dizaines de milliers voire quelques centaines. Toutefois les sondages publiés sur des sujets d’opinion ont l’avantage d’être très rodés méthodologiquement, d’être assez vite produits, d’être peut-être économiquement modestes à l’unité mais souvent renouvelés ou récurrents. Ils ont aussi l’avantage de procurer une certaine visibilité, donc notoriété, de nourrir auprès des équipes qui les réalisent une bonne connaissance de l’opinion et de ses attentes, et de fournir une certaine capacité d’influence.

De formidables outils de connaissance… pour qui saura les décrypter

Au delà de la course au chiffre exclusif, ces enquêtes sont de formidables outils de connaissance du monde dans lequel nous vivons. Toute personne en position de décider ou de réfléchir sur nos enjeux contemporains devrait largement se nourrir de ces enquêtes d’opinion, quantitatives et qualitatives. Cela lui permettrait de retrouver des réflexes de bon sens et de recoller à "la réalité". Ceci d’autant plus que nous avons souvent la fâcheuse habitude de chercher l’opinion publique dans le rétroviseur alors qu’elle nous précède bien plus souvent qu’on ne pense.

Surtout, cette opinion publique, encore faut-il savoir l’écouter et la comprendre. Le métier d’un institut de sondage n’est pas, contrairement aux apparences, de recueillir une opinion, mais de l’interpréter, de l’analyser. Il en va de même pour les commanditaires et les lecteurs : l’intérêt n’est pas tant de connaître tel ou tel pourcentage, mais d’essayer d’en comprendre le sens.

Aujourd’hui rien n’est plus facile que de mesurer les avis de tous sur tout, rapidement, brièvement. On connaît le pourcentage de Français qui envisagent de voter en faveur de tel ou tel candidat, pour ou contre telle idée, susceptibles d’acheter telle marque, etc.  On connaît le pourcentage, alors on sait. On sait, mais sans comprendre. Jusqu’alors il fallait comprendre pour savoir, aujourd’hui nous savons sans comprendre.

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