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Onde Marine

Marine Le Pen en tête du premier tour de la présidentielle en 2012, selon Harris Interactive (Le Parisien 6 mars 2011) ? Retour sur la méthodologie d'un sondage qui fait beaucoup de bruit, et qui signe une très belle opération politico-marketing...

Flash back : Emoi samedi matin (5 mars) parmi les "insiders", ceux qui savent à l'avance de quoi les titres de vos media seront faits.

Un sondage explosif sous embargo circule dans les rédactions et dans les QG politiques. Pourquoi suscite-t-il tant d'attentions ? 
Marine Le Pen y est créditée de 23% des intentions de vote, et passe pour la première fois en tête du premier tour de l'élection présidentielle de 2012, devant un Nicolas Sarkozy et une Martine Aubry au coude à coude.
Samedi 18h, fin de l'embargo :  les commentaires fusent. Martine Aubry estime que Nicolas Sarkozy a propagé l'incendie. Marine Le Pen sur I-télé affirme haut et fort qu'elle est là pour gagner. Très belle tempête médiatique. 
Mais au milieu du charivari engendré par la poussée sondagière de la candidate du FN, quelques rares voix questionnaient... le sondage en lui-même. Pourquoi ce choix de ne pas tester Dominique Strauss-Kahn comme candidat ? Sans doute parce que les résultats auraient été... bien différents, et beaucoup moins vendeurs.

On se souvient en 2007 de sondages de l'Institut CSA, piloté à l'époque par Jean-Daniel Lévy (aujourd'hui chez Harris Interactive, à l'origine du sondage explosif de ce week-end- et Stéphane Rozés. CSA plaçait, le 20 avril, Jean-Marie Le Pen à 16 %, talonnant François Bayrou à 17 %. La dernière enquête avant le premier tour ne donnait donc que dix points d'écart entre Jean-Marie Le Pen et Nicolas Sarkozy, là où en réalité, deux jours plus tard on constaterait... le double ! 
On se souvient aussi de sondages CSA, juste avant les européennes de 2009, qui donnaient François Bayrou à 14 %, loin devant Daniel Cohn-Bendit à 9 %. Très exactement l'inverse de ce qui se passa en réalité !
A croire qu'il y a parmi les sondeurs une "école", adepte des coups médiatiques et politiques...
Pour Jérome Saint-Marie, directeur général adjoint de l'institut CSA depuis octobre 2010 "il y a une tentation dans les sondages qui existe, permanente, de pousser à l'extrême certains chiffres pour assurer une bonne reprise médiatique pour vous même et pour votre partenaire média commanditaire. Et on sait par exemple que mettre à un haut niveau Le Pen est toujours rentable médiatiquement. La plupart des sondeurs résistent à cette tentation, mais cela n'est pas forcément toujours le cas".
"Je n'ai pas fait de terrain d'intentions de vote cette semaine mais mon dernier terrain donnait Marine le Pen à 17 %. J'aurai pu avec les pondérations la placer plus haut, mais j'ai choisi dans mon dernier sondage celle qui me paraissait la plus vraie, et non pas la plus rentable médiatiquement."
"Bien sur, je ne remets pas en cause les données brutes du sondage Harris Interactive, que je ne connais évidemment pas, mais en revanche ne prendre qu'une seule hypothèse de vote, à savoir ne pas tester la présence de Dominique Strauss-Kahn, provoque un trouble".
D'autres sondeurs n'hésitent pas à glisser en "off" que l'amplitude des données brutes lors des "terrains", sur la candidate du Front National, s'étend de 10 à... 24 %, avant correction. Donner 23 % à Marine Le Pen paraît clairement être le fruit d'un choix, situé dans la fourchette haute des résultats bruts de l'enquête Harris Interactive.

Les corrections, tout est là. Quels sont les coefficients employés par les différents instituts de sondage ? On entre au coeur de la cuisine sondagière, mystérieuse, pour ne pas dire magique. Chacun garde précieusement son Codex par-devers lui, avec ses formules.
Pour Jean-Marie Le Pen, avant le 21 avril 2002, les instituts doublaient, parfois plus, les résultats en déclaratif du vote Front National, avant de publier leurs chiffres. Conséquence d'un vote FN non assumé.
Mais il en est tout autrement de Marine Le Pen car sa stratégie de dédiabolisation paye. Il devient possible "d'avouer" un vote Le Pen... fille.

Ce sondage intervient aussi la semaine où Marine Le Pen proposa sur RTL de repousser les immigrants venus d'Afrique du Nord en haute mer. Si la fille gomme les excès de langage du père, le FN est plus que jamais sur une ligne extrêmement dure, quant aux questions d'immigration. 
Autre enseignement un peu passé à la trappe de ce sondage : le total des candidats qui mettent les questions identitaires au coeur du débat public atteint 44 % (Nicolas Sarkozy/ Marine Le Pen). Jeu dangereux, ou tentative de captation des inquiétudes plus ou moins maladroite de la part du chef de l'Etat, à l'aulne de ses dernières déclarations ? S'il était possible de créer des contextes d'opinion ex nihilo, on imagine que l'Elysée et le gouvernement ne s'en priveraient pas, sur l'ISF comme sur la diplomatie française.
A contrario, si toute une partie de l'UMP est fortement troublée par la stratégie de Nicolas Sarkozy, on entendait aussi dans les rangs de la majorité un autre son de cloche, notamment dans l'aile dure : "réalise-t-on que Marine Le Pen serait à 30 % si Nicolas Sarkozy ne parlait pas d'identité française ?" murmurait-on dans les couloirs de l'Assemblée ces derniers jours.
Sarkozy, pyromane ou rempart ? Les semaines et les mois qui viennent vont être rudes pour le gouvernement et l'UMP qui ne semblent pas avoir définitivement tranché la question.
Ce sondage marque en tout cas l'entrée dans une campagne de combat.  C'est également un très beau coup médiatique pour le Parisien Dimanche, le jour du lancement de la nouvelle formule du JDD, son concurrent direct du week end. 

Jean-Sébastien Ferjou, directeur de la rédaction,
Jean-Baptiste Giraud, rédacteur en chef
et la rédaction d'Atlantico.fr

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