Emplois d'avenir : encore un choix éphémère fait au détriment de la question fondamentale de la formation en alternance<!-- --> | Atlantico.fr
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Les principales cause du chômage des jeunes sont l’absence de diplômes, de formation et d’expérience.
Les principales cause du chômage des jeunes sont l’absence de diplômes, de formation et d’expérience.
©Reuters

Alternative

La Commission des Affaires sociales du Sénat a validé cette semaine le projet de loi concernant les emplois d'avenir à destination des jeunes. Plutôt que de revenir à une "recette miracle" qui n'a jamais fonctionné, pourquoi ne pas développer les contrats en alternance ?

Jérôme de Rocquigny

Jérôme de Rocquigny

Jérôme de Rocquigny est vice-président en charge de l’emploi et de la formation professionnelle au sein d'une association patronale, le Cerf

Il travaille également avec des représentants des autorités chinoises pour des projets de formation professionnelle. 

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Depuis près de 35 ans et la première grande crise de l’emploi post trente glorieuses, tous les gouvernements successifs, de Barre à Ayrault en passant par Maurois, Chirac, Rocard, Balladur, Jospin et autre Fillon, n’ont eu de cesse de penser qu’ils étaient détenteur de la solution, et qu’un interventionnisme légiféré suffisait à régler le problème. Nous ne citerons pas la longue liste des contrats mis en place pour régler de façon provisoire le chômage des jeunes en France, comme pour éteindre un incendie ou éviter le déluge. Tous ont en commun l’espoir, l’avenir, l’emploi, la jeunesse et l’urgence face à une catastrophe annoncée dans les chroniques économiques de chaque jour.

On est en droit de s’interroger sur l’opportunité de ces solutions apparemment magiques mais malheureusement éphémères, qui ne durent que le temps d’une «  rose » ou d’un « RPR ». En effet, aucune de ces recettes miracles n’a montré une réelle efficacité, à défaut de durer. Ayant parfois un mérite émotionnel et communicatif, elles n’ont jamais su résister au contexte : aucune des ses réformes ne s’est positionnée comme une solution durable. Elles étaient destinées seulement à éviter le pire : une génération sacrifiée, la colère de la rue.

Pourquoi ? Elles ne sont pas nées d’une réflexion, d’une maturation intelligente tenant compte de tous les paramètres ( contexte, âge, formation, secteur, coûts directs, coûts indirects, conséquences …). Et là-dessus, le silence complice des partenaires sociaux ne peut que renforcer l’idée que personne n’a la solution !

Mais le pire n’est pas là : permettre à certains d’embaucher des jeunes à des coûts modiques ne serait en soi pas une mauvaise idée si l’embauche était accompagnée d’une analyse environnementale du secteur d’activité, de la compétence et du niveau de formation du jeune, de son projet professionnel et de ses compétences, titre ou diplôme acquis à l’issu de la période d’activité à cout réduit. Mais là encore, les conseillers mal conseillé par une représentativité non représentative font preuve d’un manque inquiétant de sérieux ; les principales cause du chômage des jeunes, n’en déplaise à nos chers partenaires sociaux, sont l’absence de diplômes, de formation et d’expérience. Les seuls outils pour lutter contre cet état de fait étaient les contrats d’apprentissage et de qualification, mis à mal par ces mêmes partenaires sociaux, qui les ont transformés en contrats de professionnalisation. Au fur et à mesure des gouvernements successifs, ils ont perdu de leur attrait pour les entreprises, tant ceux qui sont censés lutter contre le chômage des jeunes dépensent de l’énergie pour que lesdits contrats disparaissent lentement dans l’oubli. Plus de 600 000 contrats perdus depuis la réforme...

Précarité, d’où viens-tu ?

De 450 000 jeunes au chômage il y a 8 ans, nous en sommes à plus d’un million ! Aujourd’hui, peut-être oserais-je dire qu’ils sont dans l’erreur... Que ça ne marche pas, leur « truc ».

Aujourd’hui, la formation, l’acquisition de diplôme et d’expérience en alternance sont en danger en France et toute les études de la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) le prouvent et le démontrent (peut-être que les conseillers n’en sont pas ou plus destinataires ?). Au Cerf, nous nous battons depuis 10 ans pour que nos préconisations soient écoutées, en vain. Bouger le curseur du coût du jeune en entreprise et son éligibilité à tout projet ou formation pourrait créer immédiatement 150 000 à  200 000 emplois en alternance. Alors, les conseilleurs travaillent-ils tous pour la même cause ? Le contrat d’avenir ne pioche-t-il pas dans les fonds des Opca (Organisme paritaire collecteur agréé) ? Oui ? Non ? Si c’est non, l’explication est peut-être là : les fonds censés être utilisés pour l’alternance iraient-ils nourrir d’autres causes ?

Maladresse ou cynisme et perversité, le contrat d’avenir va continuer d’affaiblir l’alternance par une concurrence déloyale et idiote ! Qui pourra reprocher à un employeur de répondre à un jeune cherchant une entreprise d’accueil pour passer un diplôme en alternance : « Pourquoi prendrais-je quelqu’un qui va me coûter plus et travailler moins, même si c’est mieux pour son projet de vie ? ». Dans le contexte très difficile de la crise actuelle, qui pourrait lui en vouloir ? Il serait temps que les conseillers reviennent fouler le sol de notre quotidien !

Eteindre le feu, oui, mais pas pour en rallumer d’autres derrière. Merci donc aux spécialistes de garder, s’ils le souhaitent, le contrat d’avenir pour eux : qu’ils cessent de se satisfaire des seuls effets de communication et qu’ils nous écoutent vraiment et mettent en place la reforme que nous demandons pour relancer toutes les formations en alternance et engager une lutte efficace contre le chômage des jeunes.

Faisons le pari, et regardons dans huit mois... qui aura un mois de mai difficile.

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