Les nutritionnistes vont-ils tuer la gastronomie française ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Aujourd'hui, la restauration contribue au rétablissement nutritionnel des Français.
Aujourd'hui, la restauration contribue au rétablissement nutritionnel des Français.
©Reuters

Miam

La fête de la gastronomie a lieu ce weekend. Mais alors que les ouvrages sur le régime et les études sur l'obésité se multiplient, peut-on vraiment célébrer les tartiflettes, aligots, cassoulets et autres kig ha farz ?

Périco Légasse

Périco Légasse

Périco Légasse est journaliste et critique gastronomique. Il est aujourd'hui rédacteur en chef de la rubrique "art de vivre" à l'hebdomadaire Marianne.

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Atlantico : La fête de la gastronomie se déroule ce weekend partout en France. Dans le même temps, de nombreuses études (et notamment celle-ci) attestent du fait que les Français mangent trop gras. Mais le « gras », ou la bonne bouffe consistante, n’est-il pas inhérent à la cuisine française ?

Périco Légasse : Absolument, ils mangent beaucoup trop gras : des saloperies sucrées vendues par l'industrie alimentaire dans la grande distribution. Vous imaginez bien que s'ils mangeaient trop gras parce qu'ils mangeaient du canard fermier, ça se saurait. L’obésité des Français, qui est croissante, surtout chez les adolescents, vient de la malbouffe.

Près de 90% des Français se nourrissent en grande distribution. Le commerce de proximité, l'artisanat, ou la vente directe à la ferme représente 8 à 10% des ventes. Et ça dépend aussi des milieux sociaux : certains se nourrissent à 100%, toute l'année, de produits venant de l'industrie agroalimentaire vendue en grande distribution, avec des graisses hydrogénées, du sucre partout... Car la graisse qui est dans l'organisme des Français ne vient pas du gras, mais surtout du sucre.

Ce n'est absolument pas la bonne bouffe copieuse à la Française qui est responsable de cela. Le bon gras, car il existe, avec des oméga, ne contamine qu'une élite. Et encore, il ne contamine pas, car il est dégusté avec mesure.

La dérive alimentaire des Français est bien d'origine industrielle, pas artisanale.

Ces différentes études, en créant l'amalgame, ne portent-elles pas atteinte à la bonne bouffe ?

Oui, mais seulement si les médias ne décryptent pas ce genre d'étude. Par exemple, une énorme étude américaine a été publiée il y a peu disant : « le bio n'est pas meilleur pour la santé ». Evidemment ! Il n'a jamais prétendu être meilleur ! Le bio est une sorte d'agriculture qui préserve l'environnement et qui limite l'usage de produits synthétiques et chimiques. Il n'est ni meilleur au niveau goût, ni au niveau nutritionnel. A vrai dire, il pourrait même être moins bien, car c'est un produit naturel fragile. Alors, les médias disent : « vous voyez, le bio ça ne sert à rien ». Eh bien si, il est respectueux de l'environnement.

Le gras, aujourd'hui, est d'origine industrielle. C'est donc à nous de faire notre boulot en le disant, mais les lobbies industriels, eux, ont intérêt à ce que perdure la confusion. C'est comme avec l'alcool : combien de jeunes se tuent chaque weekend après avoir bu du vin rouge ? Pourtant, les campagnes de prévention sont dirigées contre qui ? Contre le vin, pas contre les alcools forts vendus par les industriels.

Donc, oui, les Français mangent trop gras, mais c'est parce qu'ils mangent industriel. Le jour où la grande distribution vendra des produits fermiers, ça sera une grande victoire pour la gastronomie. Mais on en est loin.

La cuisine allégée, même dans les restaurants, est-elle tendance ?

On n'a jamais aussi bien mangé sur le plan nutritionnel que dans les restaurants – je parle des restaurants traditionnels, pas des chaînes.

Dans le restaurant tenu par un cuisinier, qui achète ses produits frais et fait sa cuisine tous les jours, il n'y a aucun problème de santé. Au contraire : aujourd'hui, la restauration contribue au rétablissement nutritionnel des Français. C'est grâce aux restaurants de tradition qu'aujourd'hui les Français mangent mieux.

Ca n'a pas toujours été le cas. Autrefois, on y mangeait des plats très riches, très copieux, très lourds. C'était la gastronomie à l'ancienne.
La cuisine nouvelle, dont le fondateur était Michel Guérard, consiste à introduire des paramètres nutritionnels et diététiques dans la gastronomie. Michel Guérard a été le premier à dire : « je veux une gastronomie gourmande, mais qui empêche de grossir ». Et aujourd'hui, 95% des restaurants conventionnels tiennent énormément compte de ces paramètres. On ne tombe pas malade dans un restaurant qui fait son boulot correctement.

Un restaurant de chaîne, par contre, se fournit dans l'industrie, c'est clair. Les pizzerias, les kebabs, les fast-foods sont des usines à graisse.

N’est-il pas paradoxal de se rendre dans un restaurant et de « compter les calories » ? Certains restaurants américains n’hésitent pas à faire figurer le nombre de calories dans les plats sur leurs cartes. Irons-nous jusque-là en France ?

Les restaurants qui font cela ont quelque chose à se reprocher. Les restaurants avec des cuisiniers qui font leur métier de façon respectueuse n'ont pas besoin d'indiquer leurs calories. Donc, ceux qui le font ont mauvaise conscience ; ou alors c'est une stratégie marketing, comme la mode qui consiste à mettre devant chaque produit le nom du producteur qui l'a fourni.

Vous imaginez, au moment de la commande, un client faire le calcul de ses calories ? C'est ridicule ! On ne va pas au restaurant pour calculer. Et si on y va et qu'on a l'impression d'avoir pris un repas trop copieux ou trop arrosé, la solution c'est de manger plus léger le soir ou le lendemain. Aujourd'hui, les Français ont compris leur organisme et gèrent leur apport calorifique sur la semaine : s'ils ont un peu trop mangé le weekend, ils prennent une salade, un fruit et un yaourt le lundi. Quant aux gens qui ont de réels problèmes alimentaires, des addictions ou de la boulimie, ce n'est pas l'indication des calories qui les aidera.

Propos recueillis par Morgan Bourven

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