Marine Le Pen veut mettre dehors les intégristes religieux mais le pourrait-elle ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Marine Le Pen pense-t-elle vraiment pouvoir mettre dehors "tous les intégristes étrangers" ?
Marine Le Pen pense-t-elle vraiment pouvoir mettre dehors "tous les intégristes étrangers" ?
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Jeanne d'Arc

La présidente du Front national s'est prononcée pour l'expulsion de "tous les intégristes étrangers". Un souhait pas si simple à mettre en oeuvre... Mais y croit-elle vraiment ?

Mouloud Haddad

Mouloud Haddad

Mouloud Haddad est sociologue, chercheur associé au Centre d’études turques, ottomanes, balkaniques et centrasiatiques (Cetobac, EHESS-CNRS) et enseignant à l’Université Paris VIII (Equipe d’accueil Erasme).

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Atlantico : Dans une interview au Monde, Marine Le Pen explique vouloir exclure tous les extrémistes étrangers. Si elle était élue, pourrait-elle de manière concrète mettre cette menace à exécution ?

Mouloud Haddad : Il ne s’agit pas d'une menace à proprement parler  - elle n'en a pas les moyens - mais plutôt d'un effet d'annonce qui doit marquer sa rentrée politique.

L’effet d’annonce est le contraire de la pédagogie. Il s’agit de marquer les esprits, de lancer le débat et la polémique. Qu’est-ce qu’un « extrémiste » ? A quel moment devient-on « extrémiste » ? Qu'en est-il des « extrémistes » qui seraient Français ? Personne n’en sait rien et ce n’est pas vraiment le sujet.

Pour Marine Le Pen, c’est également l’occasion de marquer sa différence et de mettre à équidistance le PS et l’UMP. Sarkozy a échoué et Hollande, son jumeau, puisqu’ils sont tous les deux « européistes », ne peut être la solution. Leur politique économique, sécuritaire et étrangère est, pour le leader du Front National, la même. Ils sont coupables de laxisme, voire même complice des grands dangers qui menacent la pérennité même de la France serait : l’intégrisme islamique, le mondialisme, l’euro et l’européisme.
Dans son discours, elle incarne littéralement la figure du sauveur messianique. Elle est la seule, dans la classe politique, à pouvoir sortir la France de l’ornière où elle se trouve. En somme, c’est elle où le chaos.

Cette posture de "sauveur de la France" a-t-elle un sens ?

Plus qu'un sens, Marine Lepen donne corps - au sens anthropologique du terme - à cette posture. Son père a réussi à faire de Sainte Jeanne d'Arc un des ses symboles de son parti. Au tour de Marine d’incarner le personnage. Femme providentielle, elle appelle au renversement de l’ordre établi (l’ordre UMPS), jugé injuste et décadent. Elle invoque l’idée d’une restauration d’un passé glorieux et de la puissance perdue.

Pourtant, Marine Lepen ne fait ici qu’intégrer un consensus qui traverse l’ensemble de la classe politique (souvenons-nous de l’affaire dite "de la candidate voilée" qui a secoué le NPA lors des Régionales de 2010). Laquelle classe politique a largement adopté la thèse des "Territoires perdus de la République". C’est pour cela qu’elle met en avant le rôle de l’école, qui aurait pour principale vocation de "fabriquer des Français".

Sur la défense d’une laïcité qui serait mise en danger, elle ne dit pas autre chose que Brice Hortefeux hier et que Manuel Valls aujourd’hui. Cette thèse nourrit, alimente, un imaginaire de l’invasion sur l’air de « on est plus chez nous ». Ces territoires, autrement dit les quartiers populaires, seraient le repaire, la base arrière pourrait-on dire, d’un Talibistan peuplé de femme voilées et d’hommes enturbannés à l’accent étranger, menaçant des centres villes laïcs et républicains.

Mais le marinisme, en tant que messianisme politique, a une spécificité : il prône un retour à l’ordre ancien, à un Age d’or mythique, qui mélangerait à la fois des éléments de l’Ancien régime, de l’Empire et de la IIIe République. La France, selon elle, n’est pas seulement la patrie des Lumières, elle est catholique et protectrice des Chrétiens d’Orient.

Marine Le Pen dénonce également des tentatives d’un retour au délit de blasphème...

Je ne suis pas sûr qu’il s’agisse de cela lorsque des musulman manifestent leur désapprobation voire leur colère. En France, nous ne pouvons pas ignorer la question sociale, notamment dans les quartiers populaires. Le sentiment collectif (j’insiste sur ce point) de ne pas trouver socialement sa place est renforcé par un autre sentiment, plus spécifique, celui d’être stigmatisé pour la religion que l’on est censé pratiquer.

En pays d’Islam, la situation est différente. Je crois que dans de nombreux pays musulmans, nous assistons à des aspirations de type eschatologique. Le film ou les caricatures  ne sont certainement que prétextes pour manifester et il y en aura assurément d’autres. Pour des populations qui se demandent si l’islam « tiendra le coup » face à un Occident chrétien perçu comme arrogant et conquérant, il semblerait que nombre de fidèles de la troisième religion révélée aient pris collectivement conscience qu’ils sont en train, depuis quelques années maintenant et à la faveur des révoltes des guerres et des invasions, de faire l’expérience tragique de la fin du monde.

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