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Sur son blog, le professeur d’économie Scott Sumner avance l’hypothèse qu'à l’instar de la dépression de 1929, la crise de 2008 est de nature monétaire.
Sur son blog, le professeur d’économie Scott Sumner avance l’hypothèse qu'à l’instar de la dépression de 1929, la crise de 2008 est de nature monétaire.
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Injection de liquidités

Rachat de dettes souveraines par la BCE, plan de soutien illimité à l'économie par la Réserve fédérale américaine : les banques centrales, pour relancer la croissance. Un changement de politique basé sur le courant de pensée néo-monétariste, selon lequel la crise a été engendrée par une politique monétaire trop restrictive.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Alors que la crise bat son plein en ce début d’année 2009, le professeur d’économie Scott Sumner, de l’Université de Bentley, décide de publier un blog économique retraçant sa vision des évènements. Le professeur avance l’hypothèse qu’à l’instar de la dépression de 1929, la crise de 2008 est de nature monétaire.

Dans un monde alors obnubilé par une peur de l’inflation consécutive aux décisions des banques centrales de baisser leur taux à des niveaux proches de 0, cette hypothèse est perçue comme négligeable, voire ridicule. Les taux étant au plus bas, la crise ne serait être la conséquence d’une politique monétaire restrictive.

Pourtant, l’influent économiste Tyler Cowen cite de plus en plus souvent le professeur Sumner et le blog trouve lentement son public. Les arguments avancés se réfèrent notamment de Milton Friedman, qui déclarait en 1998 : « Des taux bas sont en général le signe d’une politique monétaire restrictive, et des taux élevés le signe d’une politique monétaire accommodante ». En s’appuyant sur les écrits de Ben Bernanke, Sumner apporte tout d’abord une méthode permettant de mesurer le caractère d’une politique monétaire, est-elle trop souple, ou trop stricte ?

En 2003, l’actuel président de la Fed, alors Universitaire, déclarait : « les taux d’intérêts nominaux ne sont pas de bons indicateurs de la position de notre politique, un taux élevé pouvant aussi bien indiquer une politique accommodante que restrictive, en fonction du niveau des anticipations d’inflation. De fait, la confusion découlant de taux faibles a été la source de problèmes majeurs au cours des années 30, et a sans doute également été un problème au Japon au cours des dernières années. Le taux d’intérêt réel à court terme, un autre candidat à la mesure de notre politique est aussi imparfait (…). Finalement, il apparait que l’on ne peut déterminer si une économie dispose d’une politique monétaire stable que par l’observation d’indicateurs économiques tels que la croissance du PIB nominal et de l’inflation ».

Pour le professeur Sumner, seule la stabilité de l’évolution du PIB nominal est à même de nous renseigner sur le caractère d’une politique monétaire. Il parvient ainsi lentement à démontrer qu’une politique monétaire trop restrictive est l’origine de la crise, et propose une alternative à la méthode employée : le NGDP Targeting (Nominal Gross Domestic Product Targeting  ou plus simplement objectif de PIB nominal).

A partir de ses éléments, le blog est classé parmi les plus influents des Etats-Unis par le New York Times. Sumner se voit cité par les plus grands chroniqueurs de The Economist, ou encore du Financial Times. A l’automne 2011, le soutien devient politique, l’ancienne première conseillère économique du président Obama, Christina Romer, rédige une tribune dans le Washington Post afin de soutenir sa vision, et sa proposition : une Banque centrale ne doit plus se focaliser sur la maîtrise de l’inflation, mais sur la stabilité de la croissance nominale.

La Réserve Fédérale américaine évoque la question en octobre 2011, et la rejette. Malgré ce contretemps, de nombreux soutiens apparaissent à nouveau jusqu’au mois de mai 2012, ou le président de la Réserve Fédérale de Chicago, Charles Evans, manifeste son intérêt pour la théorie.

La fin août 2012 est un tournant décisif. L’éminent et très influent professeur Michael Woodford (université de Columbia) reprend à son compte la notion de NGDP Targeting et met en cause la Réserve Fédérale pour son action au cœur de la crise. Le discours prend place au symposium de Jackson Hole. Woodford met les pieds dans le plat au beau milieu du plus grand congrès macroéconomique mondial.

Deux semaines plus tard, Ben Bernanke révolutionne l’approche monétaire de la FED, en admettant la nécessité d’intervenir largement. Les modifications apportées sont nombreuses et directement issues du rapport Woodford. L’importance de cette décision est considérable, et met en évidence les erreurs commises par les différentes autorités à travers le monde. En acceptant d’amorcer une modification de sa politique, la FED admet ses erreurs passées.

C’est ainsi qu’un blog économique est venu interférer dans la tenue de la politique monétaire américaine. Le Professeur Sumner est aujourd’hui présenté comme le « sauveur de l’économie américaine » et ce, dans un silence assourdissant de notre côté de l’Atlantique.  

Pourtant, et selon les critères développés, (voir le graphique ci-dessous) la responsabilité de la Banque Centrale Européenne est totale. La variable présentée étant sous contrôle de l’autorité monétaire. Celle-ci nous permet de mesurer le rôle de la BCE au cours de la crise.

Variation de la croissance nominale par rapport à sa tendance longue 95-2012

La crise de la dette, le chômage, l’absence de croissance, ne sont que les conséquences de cette situation, qui est d’ordre monétaire.
Le Market Monetarism, courant développé par le professeur Sumner aura mis quatre années pour influer sur la politique monétaire américaine. Il sera intéressant de connaître le temps de réaction des autorités européennes.

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