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Si vous voulez qu’ils rendent votre entreprise capable de s’adapter et d’in­nover, les employés doivent se sentir absolument libres de remettre en question les règles.
Si vous voulez qu’ils rendent votre entreprise capable de s’adapter et d’in­nover, les employés doivent se sentir absolument libres de remettre en question les règles.
©Flickr/Victor1558

Inversion des rôles

L'entreprise doit se renouveler perpétuellement. Pour cela, Gary Hamel explique qu'il est bon de donner carte blanche à ses employés pour leur permettre de sortir des circuits habituels et d'innover. Extraits de "Ce qui compte vraiment : Les 5 défis pour l'entreprise" (2/2).

Gary Hamel

Gary Hamel

Gary Hamel enseigne depuis trente ans à la London Business School en qualité de professeur associé de management stratégique et international. Il a travaillé avec de nombreuses entreprises dans le cadre de missions de conseil ou  de formation au management.

Il est l'auteur de cinq livres dont "Ce qui compte vraiment, les 5 défis pour l'entreprise" aux éditions Eyrolles.

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Dans la plupart des entreprises, la liberté de décision des hommes et des femmes de terrain est très restreinte. Les représentants, le personnel des centres d’appels, les chefs de bureau et les ouvriers sont généralement enfermés dans un carcan de règlements et de procédures. C’est à mon avis un problème, car les salariés ne peuvent donner libre cours à leur talent personnel que si l’on commence par élargir le champ de leur autonomie. Si vous voulez qu’ils rendent votre entreprise capable de s’adapter et d’in­nover, ils doivent se sentir absolument libres de remettre en question ce qui a été fait auparavant, de « perdre » du temps, de sortir des circuits habituels, d’expérimenter, de prendre des risques et de se laisser guider par leurs passions.

Il est intéressant de constater que les systèmes sociaux les plus adap­tables, c’est-à-dire les démocraties et les marchés, sont ceux qui accordent le plus de liberté à leurs membres. Dans une démocratie, vous n’avez besoin de la permission de personne pour lancer un mouvement poli­tique, organiser une manifestation ou changer de parti politique ; dans les marchés, les individus sont libres d’acheter et d’investir comme bon leur semble.

À l’évidence, les politiques et les règles, c’est important – aucune entreprise ne peut survivre sans, mais la plupart d’entre elles souffrent d’un excès de contrôles. Pourquoi ? Parce que le contrôle fonctionne comme un système de crémaillère. Les managers sont incités à créer des règles, pas à les abolir. Plus de règles, cela veut dire plus de choses à contrôler : vous renforcez ainsi à la fois la sécurité de votre emploi et votre pouvoir. Les années passant, les règles et les réglementations s’accu­mulent et se superposent. C’est la raison pour laquelle les entreprises les plus anciennes sont plus sclérosées que les autres. Si vous doutez que votre entreprise soit victime de cette dynamique, procédez à une enquête simple. Demandez à des salariés de base s’ils ont l’impression d’avoir plus d’autonomie à l’heure actuelle qu’il y a cinq ans. À moins que votre entre­prise ne soit réellement exceptionnelle, la réponse sera probablement négative.

Imaginez alors la situation à cet égard d’une organisation qui s’ap­prête à célébrer son 150e anniversaire, une vénérable institution comme la Bank of New Zealand (BNZ). Cette filiale de la National Australia Bank offre, curieusement, un exemple des bienfaits de la décentralisation des responsabilités.

UNE EXPÉRIENCE IMPROMPTUE

Tout a commencé très simplement. En juin 2007, Chris Bayliss, respon­sable du réseau des agences, visitait la « boutique » située en centre-ville de Christchurch. (Dans la culture, orientée banque commerciale, de BNZ, on ne dit pas « succursales » mais « boutiques ».) Il était à peine 9 heures du matin, la banque n’était pas encore ouverte, mais une longue file d’at­tente se formait déjà sur le trottoir. La plupart du temps, les boutiques de BNZ ouvraient à 9 heures, mais c’était un mardi, et le mardi, ainsi que le mercredi, la journée commençait par une session de formation du personnel, aussi les portes ne s’ouvraient-elles qu’à 9 h 30 – d’où la queue. Chez BNZ, c’était le siège qui décidait des horaires d’ouverture au public et les 180 « boutiques » de la banque, d’un bout à l’autre du pays, avaient les mêmes.

Voyant la file de clients impatients s’allonger encore, Chris se tourna vers Sue Eden, la directrice de la boutique. « Si vous étiez propriétaire de cette agence, est-ce que vous l’ouvririez plus tôt, quitte à trouver une autre heure pour la formation ? – Évidemment, répondit-elle. Regardez dehors ! » Chris fronça les sourcils. Cette directrice de succursale ne demandait qu’à mieux servir les clients, mais une décision d’en haut l’en empêchait. « OK, lui dit-il. À partir de maintenant, c’est vous qui déciderez de vos horaires d’ouverture et de fermeture, mais ne comptez pas sur moi pour vous faire obtenir une rallonge si vous avez besoin de plus de personnel. » Elle donna très vite son accord et Chris la quitta sans se rendre compte qu’il venait juste de déclencher une mini-révolution de la liberté du personnel.

En quelques jours, la nouvelle de ce changement s’était répandue dans tout le réseau BNZ. Chris se retrouva très vite assailli de requêtes émanant de managers de toute la Nouvelle-Zélande, réclamant la même liberté que celle qu’il venait d’octroyer à la boutique de Christchurch. Inondé d’e-mails, il s’adressa à son collègue Blair Vernon, directeur du marketing. Dans la banque, les horaires d’ouverture étaient considérés comme « une question de marque et d’expérience client », et c’était le domaine de Blair Vernon. Adolescent, il avait travaillé chez McDonald’s, qui laisse ses fran­chisés décider de leurs heures d’ouverture et de fermeture. Jugeant que ce qui avait fonctionné pour McDonald’s fonctionnerait sans doute aussi pour BNZ, il donna donc son accord pour que les directeurs d’agence qui le demandaient fixent leurs propres horaires.

À Takapuna, une minuscule banlieue d’Auckland, la BNZ devint la première banque à ouvrir le dimanche matin. Cela lui permit de servir les milliers de clients qui fréquentaient le marché fermier local. Dans les stations de ski de South Island, les directeurs décidèrent de rester ouverts tard le soir, pour que les skieurs puissent faire leurs opérations de banque après leur journée sur les pentes. En centre-ville, beaucoup de directeurs d’agence choisirent d’abandonner leurs horaires traditionnels pour s’ali­gner sur ceux des magasins du quartier. Dans les six mois, près de 95 % des 180 boutiques de la BNZ avaient modifié leurs horaires d’ouverture.

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Extrait de "Ce qui compte vraiment, les 5 défis pour l'entreprise", Eyrolles (13 septembre 2012)

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