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DSK prof d'économie, le retour : l'hommage du vice à (l'ennui de) la vertu
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DSKbis

Sur les rives de la mer Noire, à l'occasion du forum YES (Yalta European Strategy), l'ancien directeur général du Fond monétaire international (FMI) a prêché la bonne parole pour éviter l'endettement des pays du de l'Europe. Sa solution : une alternative pour palier l'absence d'eurobonds.

Bruno Bertez

Bruno Bertez

Bruno Bertez est un des anciens propriétaires de l'Agefi France (l'Agence économique et financière), repris en 1987 par le groupe Expansion sous la houlette de Jean-Louis Servan-Schreiber.

Il est un participant actif du Blog a Lupus, pour lequel il rédige de nombreux articles en économie et finance.

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DSK refait surface. Au bras de Myriam, bien sûr. Mais pas seulement. Notre DSK est intervenu aussi à l’occasion d’une réunion organisée par le Yalta European Strategy Forum.

L’ancien pressenti-candidat à la présidence de la République française a suggéré que  les pays les mieux notés et dont les taux d’intérêt de la dette sont très faibles, voire négatifs, « remettent au pot une partie de l’écart de taux » au profit d’autres en difficultés comme l’Espagne ou l’Italie. L’objectif de la proposition de DSK serait de  ramener les taux d’intérêt à des niveaux raisonnables et de (permettre) retrouver le calme sur le marché de la dette. Selon DSK, les pays en bonne santé ont intérêt à une telle solution « pour éviter l’explosion de la zone euro ». Les Allemands dit-il ne veulent pas assumer le stock de dettes donc il faut agir au niveau des flux.

Cette mesure, au premier abord, fait penser à un retour masqué, avec des bretelles et des moustaches, des fameux eurobonds. A priori, il s’agirait d’une forme de mutualisation, une forme de répartition des avantages des uns au profit des autres qui en sont privés. Il est évident qu’il faudrait passer du temps pour décortiquer une telle proposition sous tous ses aspects.

Cette mesure au premier abord fait penser à un retour masqué, avec des bretelles et des moustaches, des fameux eurobonds. A priori, il s’agirait d’une forme de mutualisation, une forme de répartition des avantages des uns au profit des autres qui en sont privés. Il est évident qu’il faudrait passer du temps pour décortiquer une telle proposition sous tous ses aspects. Il n’est pas sûr cependant que cette proposition vaille le temps perdu.

Pour deux raisons. La première est que si elle s’apparente vraiment à une mutualisation, les Allemands auront vite fait de l’analyser comme tel et donc s’y opposeront. Le seconde est que la ristourne d’intérêts au profit de ce que l’on appelle les plus mal lotis mais qui sont en réalité les plus mal gérés, ne changera en fait strictement rien à leur solvabilité.

Les ristournes d’intérêt représentent des masses de capitaux sans commune mesure avec les besoins de ces pays. Ainsi selon l’exemple de DSK lui-même, un bonus de 1,5 point de base de ristourne obtenu grâce à la bonne cote de l’Allemagne appliqué à un besoin de 100 milliards ne fait jamais que 1,5 milliard. 1,5 milliard, c’est un cadeau dérisoire eu égard aux problèmes des pestiférés. Ce genre de somme, cet ordre de grandeur, c’est ce que la BCE transfère en catimini par ses opérations préférentielles, non-conventionnelles, au couple banques/souverains des pestiférés. Par ailleurs, DSK précise lui-même ce que nous avions compris que la mesure qu’il propose ne change rien « puisque chaque pays reste responsable de sa dette ».

Si chaque pays reste responsable de sa dette, alors, rien n’est vraiment résolu. En effet, la question centrale de la crise, c’est la solvabilité des pays surendettés. La perte d’accès aux marchés n’en est qu’une conséquence, un symptôme. Les eurobonds n’ont pas seulement un aspect « taux d’intérêt », ils ont un aspect « solvabilité ». Avec eux, les investisseurs sont sûrs de retrouver leur capital puisque ce serait la solvabilité de l’Allemagne qui se substituerait à celle, défaillante, des pays surendettés. Dans le dispositif DSK, les investisseurs en fait ne voient guère leur situation modifiée. En effet, la question de savoir qui, in fine, paie les taux d’intérêt demandés aux pestiférés est relativement secondaire pour eux. Ce qui leur importe, c’est de savoir qui va les rembourser du principal. Accordons un mérite à la proposition DSK, elle permet aux pestiférés d’augmenter leur stock de dettes et limite l’aggravation de leur situation à hauteur du bonus dont ils bénéficient.

DSK confond l’éventuelle possibilité d’accès aux marchés avec ce qui conditionne un vrai retour aux marchés, la solvabilité.

Dans cette proposition, on voit mal enfin comment les pays mal gérés auraient une incitation quelconque à mettre en œuvre les politiques de redressement budgétaire nécessaires et les efforts qu’elles impliquent.

DSK a beau dire que malgré cet allègement du coût de la dette, les pays devraient quand même procéder aux réformes et à la consolidation budgétaire ; cette affirmation n’est pour ainsi dire plus d’actualité car la question centrale, et on le voit avec l’Espagne ces jours-ci, est que les pays en difficultés sont maintenant très réticents, voire refusent, pour des raisons politiques et sociales, d’imposer l’austérité à leurs citoyens.

DSK, s'il n'existait pas, il faudrait l'inventer. C'est un  personnage absolument indispensable dans nos sociétés.

Sa fonction dans le système politique est une fonction qu’il accomplit malgré lui, on pourrait dire par défaut. Elle est de nous rappeler qu'après tout, nous ne sommes que des hommes et que, pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes. Des êtres faillibles. Des êtres de désir, de failles et de faiblesses; avec DSK, pas question de se laisser berner et d'admettre que nous ne sommes que de purs esprits, positifs, rationnels, bons pour le fascisme  et sa positivité débridée.

Il a mis au grand jour, comme Wikileaks et beaucoup d'autres « whistleblowers » type Kerviel, que le monde est ce qu'il est et que, qui veut faire l’ange, dixit Pascal, fait la bête.

DSK, Trierweiler, même combat, c'est la réintroduction des passions dans la politique; DSK finalement, c'est lui le vrai, l'homme normal, ce n'est pas Hollande; lequel malheureux a déjà endossé le paletot de Maître au-dessus de tout, qui sait tout et fait taire les voix discordantes, au besoin en faisant des abus de biens nationaux en cherchant un point de chute, prise illégale d'intérêt, pour la mère de ses enfants.

DSK est là pour nous rappeler, nous empêcher d’occulter, le fait que le mal existe et qu'il est en chacun de nous.

La fonction de fou utile ou de déviant utile de notre DSK est de démystifier le Pouvoir.

Avec lui, on est sûr que le Pouvoir, ce sont des hommes comme vous et moi, pas mieux, peut-être un tout petit peu pire; en tous cas peut-être un peu plus pervers.

Car le Pouvoir, qu'on l'admette ou non rend pervers, suscite des besoins « testostéronesques » démesurés; confère le comportement de  notre ami Poutine en ce moment, qui, dit-on, pour satisfaire sa libido galopante, va jusqu'à se faire tirer et retendre afin d'être sûr d'être aimé par ses partenaires.

DSK, Poutine, Berlusconi, sont des êtres sympathiques qui font plus pour la démocratie que tous les hiérarques bien-pensants, secrètement vicieux, qui occupent les sommets des Etats. Ils donnent à voir ce que les autres cachent.

Ceux-là, au moins, montrent que nous ne sommes pas gouvernés par des êtres infaillibles, des Maîtres, mais par des hommes comme nous et que nous sommes, par conséquent, légitimes à les combattre. On  ne combat pas Dieu sur terre, mais on est validé à combattre des hommes de chair et de sang comme nous. Les De Gaulle, par exemple, ouvraient la voie à des tyrannies, puisque demi-dieux, ils n'avaient pas de faiblesse, ils étaient au-dessus de nous, participant d'un autre monde.

Tous ces gens donnent le feu vert à nos refus, à nos révoltes, à nos combats.

Nous avons finalement beaucoup de sympathie pour cet homme qui a choisi, accepté, de se perdre socialement et politiquement pour satisfaire sa passion du sexe féminin. Au moins, avec lui, on ne risque pas l'apologie du mariage et des pratiques homosexuelles; au moins, on ne risque pas le monde Père Fouettard, l'ordre moral des peine-à-jouir de la rigueur et de l'écologie réunies. Notre DSK nous autorise à revendiquer, nous aussi, notre liberté. Notre liberté de vouloir vivre notre vie et non pas celle des Ayrault, Mélenchon et autres Copé et Fillon.

DSK, c'est la brèche ouverte dans ce système du Maître, négation de la démocratie qui, au lieu de représenter le souverain, les hommes, prétend les modeler à son image; à son image, bien sûr, pas à ce qu'il est vraiment. A ce Pouvoir qui ose crier et ordonner : « faites ce que je dis, pas ce que je fais ». Soyez humbles, baissez la tête, obéissez surtout, n'ayez ni désir de puissance, ni désir de richesse. On est là pour cela, à votre place et sur votre dos.

Notre DSK vient de ressortir de ses résidences vacancières et de déclarer: « les pays en bonne santé devraient rétrocéder aux pestiférés le bénéfice qu'ils font grâce aux taux d'intérêt plus bas dont ils jouissent ».

C'est exactement ce que nous attendions de la part d'un être immoral, Raspoutine aux petits pieds : si vous êtes vertueux, vous ne devez pas toucher les fruits, les récompenses de votre vertu, non, vous devez les abandonner à ceux qui n'ont pas eu, qui n'ont pas la chance d'avoir votre vertu.

Merci DSK de caricaturer et donc étaler le fond de la pensée de nos socialistes, socio-démo et autre répartiteurs. Venant de vous, les citoyens comprennent mieux; les gens comme vous ont une véritable vocation didactique.

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