François Rebsamen : "Deux ans avant les élections locales, appliquer la règle du non cumul des mandats serait nous tirer une balle dans le pied !" <!-- --> | Atlantico.fr
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Juste après les législatives de juin, on dénombrait 76 % de députés cumulards.
Juste après les législatives de juin, on dénombrait 76 % de députés cumulards.
©Reuters

Cumulard assumé

Les militants socialistes ont voté en 2010 une règle obligeant tout parlementaire à quitter ses mandats locaux dans les trois mois suivant son élection. De nombreux élus, comme François Rebsamen, président du groupe socialiste et maire de Dijon, restent pourtant favorables au cumul des mandats.

François Rebsamen

François Rebsamen

François Rebsamen est membre du Parti socialiste, maire de Dijon, président de la communauté d'agglomération dijonnaise, sénateur de Côte-d'Or et président du groupe socialiste au Sénat.

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Atlantico : Les militants socialistes ont voté en 2010 une règle obligeant tout parlementaire à quitter ses mandats locaux dans les trois mois suivant son élection. Ce lundi 19 septembre est la date butoir pour les députés élus cette année.  Vous êtes maire de Dijon, président de la communauté d'agglomération dijonnaise et président du groupe socialiste au Sénat : allez-vous vous plier à cette règle ?

François Rebsamen : Non. Cette règle concerne soit les parlementaires élus en 2011, c'est-à-dire les sénateurs, soit essentiellement les députés élus en 2012. Personnellement, j'ai été élu sénateur en 2008. C'est pourquoi je ne suis pas concerné par la jurisprudence Aubry.

Chaque parlementaire socialiste a signé, lors de son investiture, une lettre par laquelle il s’engage à démissionner de son exécutif local d’ici à la fin du mois de septembre.... Pas vous ?

Non, ayant été élu en 2008, on ne me l'a pas demandé. La jurisprudence Aubry n'est pas rétroactive.

Mais sur le fond, êtes-vous opposé à cette règle du non cumul des mandats ?

C'est un sujet vaste et complexe. Le Président de la République a pris l'engagement, durant la campagne, de faire adopter la limitation du cumul des mandats. Le gouvernement déposera donc un projet de loi qui tendra à limiter le cumul des mandats locaux et nationaux des parlementaires. Je ne repousse pas la proposition du Président de la République, puisque j'ai fait campagne pour lui.

Je plaide, en revanche, pour une réflexion plus approfondie sur l'organisation des institutions et sur le fait qu'il y a en France un bicamérisme. Interdire à un sénateur de cumuler un mandat exécutif local me paraît surprenant, dans la mesure où le Sénat représente les collectivités locales. Contrairement aux députés, les sénateurs ne sont pas élus par les citoyens, mais par les élus locaux eux-même. Le Sénat devrait donc bénéficier de dispositions particulières. Il ne s'agit pas de cumuler les indemnités. Je proposerai sûrement que l'exécutif local assumé par un sénateur soit bénévole. Il s'agit d'une question d'organisation de la République : s'il faut supprimer les différences entre sénateurs et députés, ce n'est pas la peine d'avoir un Sénat. D'autres pays européen ont eu cette réflexion. En Allemagne, les membres des exécutifs des grandes villes et les présidents des Land sont membres de droit du Bundesrat, le Sénat allemand.

Par ailleurs, je tente d'expliquer contre l'opinion et les médias que la réflexion doit commencer par une disposition sur le statut de l'élu local. S'il n'y pas d'abord de statut de l'élu, le non cumul des mandats "sec" ne sera pas une grande avancée démocratique. J'ai d'ailleurs constaté avec satisfaction que Martine Aubry, dans sa dernière intervention, avait repris cette proposition.


Juste après les législatives de juin, on dénombrait 76 % de députés cumulards. Cela ne favorise pas le renouvellement de la classe politique... Le cumul des mandats ne sclérose-t-il pas la démocratie ?

Le non cumul des mandats pour les députés ne me paraît pas anormal. Mais je ne tiens pas trop à m'exprimer sur l'Assemblée nationale, plutôt sur le Sénat. Je ne suis pas en opposition avec la proposition du Président de la République. J'essaie d'expliquer que le gouvernement ne peut pas agir de manière uniforme pour les deux assemblées.

Cette règle appliquée brutalement risque-t-elle d'affaiblir le PS, qui est un parti d'élus locaux, en vue des municipales de 2014 ?

Si cette règle était appliquée de manière unilatérale, oui ! Le PS n'avait pas pris l'engagement, contrairement à ce qu'on entend parfois, d'appliquer cette disposition unilatéralement. Notre engagement était de proposer une loi en cas de victoire à la présidentielle. C'est ce qui sera fait. Mais renoncer à nos mandats de manière unilatérale serait nous tirer une balle dans le pied !

Vous êtes actuellement sénateur et maire de Dijon. Si vous deviez, malgré tout, vous plier à cette règle, quel mandat choisiriez-vous de conserver ?

Quoi qu'il arrive, en mars 2014, je serai candidat au renouvellement de mon mandat de maire de Dijon. Si, par la suite, la loi m'impose de choisir, je ferai un choix. Mais je verrai à ce moment-là.

Martine Aubry compte bien rester présidente de la communauté urbaine de Lille (plus d'un milliard d'euros de budget) et maire de la dixième ville de France. Prône-t-elle des règles qu'elle ne s'applique pas à elle-même ?

J'évite de porter un jugement sur le comportement des autres et m'efforce de rester dans une réflexion plus globale sur l'organisation territoriale de la République. C'est pourquoi j'ai commencé par le statut de l'élu. Je viens de réunir l'assemblée des maires de mon département et ils demandent un statut qui leur permette d'assumer convenablement leur mission d'élu local. Cela passe par le droit à la formation. Les fonctionnaires ou les retraités ne doivent pas être les seuls à pouvoir être candidat à des fonctions d'élu local. S'il n'y a pas de statut de l'élu, si vous perdez les élections et que vous n'avez pas de garantie de garder votre emploi, eh bien vous perdez en même temps votre emploi.

Ses 6000 communes et ses 550 000 élus locaux font la grandeur de la France. Je ne voudrais pas qu'on les stigmatise comme on le fait actuellement. Dans les pays totalitaires, il n'y a pas d'élus locaux, c'est plus simple !

Le mode de désignation du nouveau Premier secrétaire a été très critiqué. De manière générale, le PS n'a -t-il pas un problème de démocratie interne ?

Le Parti socialiste a tout de même réussi cette grande avancée démocratique qu'a été la désignation de son candidat à la présidentielle par le mécanisme des primaires. Si j'ai bien compris, même l'UMP va y venir. Je suis pour que le PS reste un grand parti démocratique. Cela dit, lorsqu'il y a un consensus, on ne peut pas nous le reprocher. C'est tout de même mieux que de se diviser. Harlem Désir souhaitait lui-même se soumettre au vote des militants. C'est ce qu'il fera. Il sera vraisemblablement soutenu, car en ce moment le Parti socialiste est rassemblé. C'est cela qui a permis la victoire du président de la République.

Vous envisagiez vous-même d'être candidat au poste de Premier secrétaire. On dit que Martine Aubry avait mis son veto sur votre nom. Est-ce pour cela que vous avez renoncé ?

Pour les raisons que je vous ai indiqué, il fallait rassembler largement et visiblement ma candidature n'aurait pas rassemblé autant qu'on pourrait le penser.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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