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L'Azerbaïdjan réveille les démons de la revanche en érigeant en héros l'assassin d'un Arménien
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Héros pas super

Le président de l'Azerbaïdjan a récompensé un soldat de retour de huit ans de prison en Hongrie. Il avait été condamné pour la décapitation d'un collègue arménien. Un geste qui réduit les perspectives de réconciliation entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani est avocat et essayiste, spécialiste du Moyen-Orient. Il tient par ailleurs un blog www.amir-aslani.com, et alimente régulièrement son compte Twitter: @a_amir_aslani.

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On dit communément que l‘on se souviendra des nations en fonction des héros qu’elles se choisissent. Quelle postérité donc l’Azerbaïdjan souhaite-t-il se réserver en élevant au rang de héros un assassin qui a coupé à la hache la tête d’un collègue arménien, pendant son sommeil, lors d’un séminaire de l’Otan en Hongrie ? Le héros en question, Safarov, vient d’être libéré par les autorités hongroises après huit années de prison sous condition pour son pays d’origine de le maintenir en détention pour encore 25 ans. Or, loin de regagner les geôles de Bakou ce dernier a été accueilli par le Président Azéri, Ilham Aliev qui lui a fait cadeau d’un appartement et lui a versé huit années d’arriérés de soldes.

Quelle perspective pour la paix et la réconciliation entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan peut-on espérer, si la haine et la vengeance sont ainsi récompensées ?

Quand un pays turcophone célèbre un des siens qui se transforme en bourreau et qui met à mort autrui parce qu’il est arménien, on ne peut s’empêcher de se rappeler les pogroms du début du siècle dernier au sein de l’empire Ottoman, où plus de deux millions d’Arméniens ont trouvé la mort dans les conditions que l’on connait.

Le choix de ce « héros » est d’autant plus inquiétant que les perspectives de paix entre ces deux pays ne cessent de s’éloigner. Le conflit du haut Karabach est loin d’être apaisé et ce territoire envisage de déclarer prochainement son indépendance. Le cas Safarov est hélas emblématique des régimes qui, faute de réalisations tangibles à leur actif, cherchent à se légitimer en mettant de l’huile sur le feu du nationalisme et en ranimant les vieux démons de la revanche.

Et pourtant, à l’instar des tours flambant neuves de Bakou, nouvel emblème de la percée de cette pétro-république héréditaire du Caucase, l’Azerbaïdjan, à coup de campagne de publicité et d’Eurovision était sur le point de devenir l’enfant chéri de l’occident, réussissant même à faire oublier qu’il s’agit d’une république dont on hérite de la présidence de père en fils. En effet, 2013 marquera deux décennies sans discontinuité du règne des Alievs à la tête de ce Qatar de la Caspienne.

Il est difficile de ne pas établir un parallèle entre l’affaire Safarov et celle de « Megrahi », le commanditaire libyen de l’attentat de la Pan Am, libéré par l’Ecosse et accueilli en héros par le fils du colonel Kadafi, Seif Al-Islam, dont le procès va s’ouvrir cette semaine à Tripoli. A l’instar de la Libye, l’Azerbaïdjan connait des difficultés avec ses voisins, la dernière en date, ayant failli entrainé un conflit armé, étant celle l’opposant au Turkménistan à propos d’un gisement minier d’hydrocarbures en mer Caspienne.

Les élections présidentielles azerbaidjanaises sont proches. Bien entendu, le Président actuel est candidat à sa propre succession, à moins qu’il ne s’agisse de son épouse. Il est à craindre, hélas, que le million d’Azéris déplacés par le conflit avec l’Arménie n’ait que le sacre de l’assassin Safarov à se mettre sous les dents, tellement les perspectives de paix s’éloignent de jour en jour.

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