J-F Copé : "L'élection à la tête de l'UMP n'est pas une primaire avant l'heure mais la désignation de celui qui portera l'opposition la plus ferme"<!-- --> | Atlantico.fr
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"Moi, je défends l’idée d’une droite décomplexée qui assume sans honte l’héritage du Sarkozysme et ses valeurs."
"Moi, je défends l’idée d’une droite décomplexée qui assume sans honte l’héritage du Sarkozysme et ses valeurs."
©Reuters

Présidence de l'UMP

La bataille fait rage entre fillonistes et copéistes pour choisir qui prendra la tête de l'UMP, au centre d'une nébuleuse de candidats et de courants. Mais comment le parti pourra-t-il ensuite se pacifier et reprendre un rôle actif d'opposition ?

Jean-François Copé

Jean-François Copé

Jean-François Copé est député de Seine-et-Marne et Maire de Meaux. 

Il est candidat à la primaire présidentielle des Républicains de 2016.

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Atlantico : Les militants UMP sont appelés à voter pour un président et pour des motions représentant différents courants. Vous êtes secrétaire général de l’UMP, candidat à la présidence mais ne vous ne signez  pas de motion. Pourquoi ?

Jean-François Copé : Je conçois mon rôle comme celui d’un rassembleur ; ce serait donc compliqué pour moi de signer une motion plutôt qu’une autre. D'ailleurs, je signale que les militants ont la possibilité de ne signer aucune motion. Je voudrais rappeler que cette disposition figure dans les statuts depuis dix ans. Personne ne l’avait appliquée jusqu’à présent. C’est moi qui ai souhaité impulser ce mouvement parce que je voulais  que les diverses sensibilités de notre famille puissent pleinement s’exprimer et se structurer au sein de l'UMP.  

Ne prenez-vous pas le risque d’une balkanisation ?

Pas du tout ! Là n’est pas le débat ; la question est de savoir si on laisse ou non un certain nombre de sensibilités s’exprimer librement à l’intérieur du parti, avec une identification et des moyens, afin qu’elles apportent  leur contribution à notre réflexion globale. Il ne s’agit pas de faire des chapelles, des écuries présidentielles ou autres ; il s’agit de faire de ces mouvements, des lieux de débats internes, au bon sens du terme,pour présenter les idées nouvelles, pas pour des querelles de personnes.  Notre démarche est donc  très différente de celle  du Parti  Socialiste.

Mais on a quand même le sentiment que certains, notamment les libéraux s’organisent par exemple pour reconstituer l’ancienne UDF...

Non ! C’est un mouvement, un groupe organisé à l’intérieur de l’UMP pour faire connaitre sa sensibilité, ses réflexions, sa contribution et ça c’est très positif ; il ne s’agit en aucun cas de présenter des candidats aux investitures ou de récréer de vieilles fractures UDF-RPR. D'ailleurs, on constate que les mouvements rassemblent des élus venus d'horizon très différents : des anciens RPR signent avec d'anciens UDF. Preuve que les sensibilités au sein de l'UMP ne reflètent plus les anciennes chapelles.

Quel est le véritable ciment du parti ?

Le fait que nous avons envie d’être une grande force de Droite et de Centre Droit,  un parti dans lequel on est rassemblé  et dans lequel  il existe suffisamment de liberté de débat  pour que les uns et les autres n’aient pas envie d’aller à l’extérieur. En réalité il y a une ligne directrice, et autour de cette ligne il y a des gens qui peuvent agréger quelques différences. Pour ma part, je défends une ligne dans laquelle toute la droite et le centre droit peuvent se retrouver : une Droite républicaine bien sûr, moderne c’est-à-dire ouverte aux grandes questions européennes aux grandes questions économiques, à la compétitivité etc., mais aussi décomplexée au sens où je combats  le « politiquement correct » de la gauche bien pensante sur des sujets comme la laïcité, l’immigration, ou l’insécurité ; c’est cela qui, je crois, permet de faire une synthèse des propositions qui intéressent les Français de droite et du centre droit.

Où est aujourd’hui le politiquement correct ?

Le politiquement  correct,  c’est tout ce qui incarne le déni de réalité de ce que vivent les Français à l’extérieur  du périphérique !

Mais quand on voit le retournement ou la révision  de la politique du gouvernement à l’égard des Roms par exemple, on se dit que le politiquement correct a vécu !

Pas du tout ! En réalité les socialistes ont montré au contraire la profondeur de leurs contradictions ; quand Monsieur Valls veut démanteler des camps de Roms, et qu’à l’arbitrage final, il n’aura pas le droit de le faire, sans avoir proposé à chacun un logement et un emploi, on a bloqué le système ; c’est typiquement du «  politiquement correct », c’est ridicule ! Tout le monde sait qu’il n’y aura pas de logement et pas d’emplois dans notre pays qui compte plus de 3 millions de chômeurs et qui manque de logements. La vérité, c’est que la gauche veut donner l’illusion de l’action tout en restant paralysée par le conservatisme, les corporatismes et la bien-pensance. Monsieur Valls essaye de parler comme Nicolas Sarkozy mais agit comme Lionel Jospin !

Le courage serait quoi ? Les expulser ?

Ce qu’il faudrait faire, c’est continuer ce que nous avons fait : lutter contre l’immigration illégale et être très ferme sur nos valeurs pour réussir l’intégration de ceux qui sont légalement sur notre sol.

L’Assemblée vient de voter la création des emplois d’avenir. Vous êtes contre, mais des maires UMP vont profiter de l’aubaine...

C’est toujours la même chanson. Ces emplois sont le recyclage des "emplois jeunes" de Madame Aubry financés par des fonds publics, des emplois précaires dans l’administration pour des jeunes à qui on ne donnera aucune formation ni qualification ! Bien sûr, cela peut aider ponctuellement des jeunes en difficulté mais c’est une manière superficielle de traiter la question du chômage en dépensant de l’argent public pour proposer pendant quelques temps un poste dans l’administration à des jeunes. La manière courageuse, ce serait de faire des réformes de structure : en baissant le coût du travail, en assouplissant le marché du travail, en favorisant la formation et l’apprentissage,  en redonnant de la compétitivité à nos entreprises.  Ce n’est pas dans l’administration qu’il faut créer des emplois, c’est dans l’entreprise. Cette initiative va se traduire par  un endettement supplémentaire d’un milliard et demi d’euros ; ce n’est pas comme cela qu’on règlera le problème de l’emploi.

A ce propos, la Poste vient d’annoncer qu’elle allait recruter 5 000 personnes !

Tant mieux si elle a les moyens de les financer et si cela correspond à un  impératif de compétitivité. Dans ce cas  je m’en réjouis. Si en revanche, il s’agit de créer des  postes  publics qui ne correspondent à aucun besoin, cela n’aurait pas de sens.

Le premier ministre Jean-Marc Ayrault a annoncé un choc de compétitivité : vous l’attendez au tournant ?

On attend de voir ! Pour l’instant tout ce que le gouvernement fait  depuis 4 mois  est contraire à la compétitivité ; ils ont ré-augmenté les charges patronales en supprimant la fiscalité anti délocalisation ! Ils ont augmenté les cotisations des employeurs et des salariés pour financer la retraite à 60 ans ! Quand ils ont augmenté de 7mds  les impôts en juillet, dont une bonne part pour les entreprises et qu’ils annoncent encore une augmentation de 10 milliards d’impôts sur les entreprises, je ne vois vraiment pas  où on va faire un choc positif de compétitivité !

D’après vous, les 30 milliards d’économies annoncées par François Hollande vont-ils provoquer une récession ?

De l’aveu même du Président de la République, ces 30 milliards, ce ne sont pas des économies mais des hausses d’impôts ! Dans le détail, il y a 20 milliards d’augmentation d’impôts très détaillés et 10 milliards soi disant de baisse de dépenses, qui ne sont absolument pas rendues publiques. Est-ce qu’il baissera les crédits de la Défense Nationale ? Les crédits  pour les implantations d’entreprises ou de la recherche ? J’ajoute qu’en fait dans ces 10 milliards de prétendues économies, il y aura aussi des suppressions de niches fiscales, ce qui revient à augmenter les impôts des classes moyennes.

Autant dire que nous sommes très préoccupés par cette situation.

Il vaudrait mieux baisser les dépenses publiques, mais cela  demande infiniment plus de courage politique que d’augmenter les impôts. Et la marque de fabrique du gouvernement, ce n’est assurément pas le courage.  Je suis très inquiet : ce matraquage fiscal aveugle casse le pouvoir d’achat et ce qu’il reste de croissance. Je pense que cela explique la situation qu’on rencontre aujourd’hui.  Je le vois à  Meaux, qu’il s’agisse des entrepreneurs, des ménages, plus personne ne bouge !plus personne n’embauche, ne consomme, n’investit, n’exporte.

C’est de l’attentisme ?

Exactement ; or cela fait quatre mois que François Hollande est au pouvoir ! C’est clair que le niveau d’impréparation atteint  par cette équipe gouvernementale est ahurissant alors que la gauche a passé 10 ans dans l’opposition !

Les gens qui sont au pouvoir aujourd’hui ont fait campagne sur une imposture : ils ont fait croire que tous les problèmes de la  France  étaient dus à Nicolas Sarkozy et voilà qu’ils font croire maintenant que c’est lié à la crise, ce que nous avons toujours dit ! 

A propos de crise, pensez-vous que la décision de la Cour de Karlsruhe en Allemagne qui autorise la mise en place du Mécanisme Européen de Stabilité (MES) permettra enfin de résoudre la crise de l’euro ?

En tous cas c’est une bonne nouvelle, c’est la preuve que l’Allemagne participe pleinement à l’effort collectif de résolution de cette crise, ce qui est très important. Pour autant il ne faut pas se méprendre : ce feu vert au MES c’est une manière de  faciliter l’accès au financement, c’est une bonne chose pour la résolution immédiate de la crise mais ce n’est pas une réponse structurelle. La réponse structurelle c’est la nécessité pour les pays de la zone euro de faire des réformes : pour réduire les déficits publics, accroitre la compétitivité, assouplir  le droit et baisser le coût du travail pour créer des emplois.Tout cela doit se faire dans chaque pays et la France ne prend absolument pas le chemin de la réforme et c’est toute mon inquiétude.

Quelle sera la vision de l’Europe de l’UMP ?

Nicolas Sarkozy a fixé un cap très intéressant : il a parlé de l’Europe des  frontières. A l’heure où les Etats-Unis ou la Chine se protègent face aux aléas de la crise, il est indispensable que l’Europe réfléchisse à protéger ses marchés quand c’est nécessaire, comme d’ailleurs la circulation des capitaux et des personnes pour éviter les flux qu’on ne pourrait pas maitriser et qu’on ne pourrait pas absorber correctement.

Et puis je pense qu’il faut vraiment remettre la question de la gouvernance sur la table. Pour moi la question n’est pas de savoir si on fait plus ou moins de fédéralisme, la question est de voir comment sur un certain nombre de politiques publiques les pays qui travaillent ensemble peuvent servir d’impulsion comme cela a été le cas  sur Schengen pour l’immigration, ou l’Euro sur la politique monétaire. Ensuite il faut renforcer la gouvernance économique. Je  pense que l’idée d’un Ministre des Finances de l’Europe qui viendrait  faire l’interface avec la Banque Centrale Européenne est une très bonne idée. Pour ce qui me concerne, le renforcement du processus de décisions politiques au niveau des chefs d’état et de gouvernement est une piste très intéressante. Enfin, comme tout ceci est encore en gestation, il faut absolument que le couple franco-allemand soit  le moteur de l’Europe or la distanciation de Hollande vis-à-vis de l’Allemagne est pour moi une erreur majeure.

Vous avancez là des idées fédéralistes, vous êtes dans un processus d’intégration européenne ?

Ce n’est pas le sujet, ce qu’il nous faut, c’est une Europe qui marche, une Europe qui soit une source de solutions plutôt que de blocages, une Europe qui tienne compte des aspirations des nations et que les peuples ne se voient pas imposer des lignes qui ne correspondent pas à leurs attentes. Il y a un déficit démocratique qui est aujourd’hui majeur.

Dans cet esprit, il faut consulter les peuples européens !

Cela veut dire que dans un certain nombre de sujets il faut tenir compte de ce qu’ils souhaitent, ça c’est sûr !

Sur quels thèmes ?

Les scrutins nationaux montrent qu’il y a des inquiétudes très fortes sur les politiques d’immigration par exemple. Et cela, il faut en tenir compte. On sait que beaucoup de citoyens en Europe sont inquiets de vagues migratoires qui ne sont pas contrôlées.  Il n’y a pas besoin de référendum pour savoir que c’est un sujet qui nécessiterait par exemple la remise à plat de la convention de Schengen. Si on ne le fait pas, on va  voir monter les extrémismes.

Revenons à l’UMP. Ferez-vous une campagne différente lorsque l’on connaitra officiellement les candidats ?  

Je  continuerai ma campagne parmi les militants : je me rends tous les jours dans un département différent.

Quel est l’état d’esprit des militants que vous rencontrez ? 

Je crois que les militants veulent se faire eux-mêmes une idée en regardant les projets de chacun des candidats. Moi, je défends l’idée d’une droite décomplexée qui assume sans honte l’héritage du Sarkozysme et ses valeurs. Je pense que cette élection n’est surtout pas une primaire avant l’heure, 5 avant 2017, mais  qu’elle est la désignation de celui qui portera l’opposition  la plus ferme qui soit face à la Gauche dans ce contexte et pour créer les conditions d’un vague bleue de 2014 , aux  municipales.  Dans mon esprit il s’agit de reconquérir le cœur des Français, ville par ville.

Vous dites que cette élection ne s’inscrit pas dans la perspective de 2017. Et si demain Nicolas Sarkozy était tenté par un retour ?

Je l’ai dit clairement. Quels que soient ses choix pour l'avenir, je serai à ses côtés. 

Comment l’UMP pourra-t-elle être pacifiée après la bataille qui vous oppose à François Fillon ? Si vous perdez, face à lui, qu’attendez-vous de sa part ? Si vous gagnez, comment allez-vous lui tendre la main ? 

La seule chose que je dis, c’est que si les militants me font confiance et me conservent à la tête de notre parti je ferai en sorte qu’il n’y ait ni vainqueur ni vaincu et que nous soyons tous  rassemblés !  L’UMP est notre bien commun, il est précieux. L'UMP est une seule et même famille politique, il ne faut pas qu’il y ait de clans !  

Propos recueillis par Anita Hausser

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