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Violences autour du film Innocence of Muslims : qui d'Obama ou de Romney pourrait en pâtir le plus dans la campagne ?
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Défaite électorale ?

Les événements dramatiques de Benghazi et du Caire ont remis la politique étrangère au centre de la campagne présidentielle américaine. Mitt Romney peut en tirer profit, s'il respecte d'abord le patriotisme des Américains.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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L’assassinat de l’ambassadeur américain en Libye, Christopher Stevens, et de trois autres membres de son équipe, ainsi que l’assaut contre l’ambassade américaine au Caire, viennent de remettre la politique étrangère, et tout particulièrement le Proche-Orient et la lutte contre le terrorisme, au cœur de la campagne électorale américaine, alors que le président Obama semblait avoir la maîtrise de ce sujet depuis le succès du raid des Navy Seals contre Ben Laden le 2 mai 2011.

Les images diffusées à la télévision montrant une foule d’hommes en colère grimper sur les murs de l’ambassade, déchirant puis brulant le drapeau américain ont rappelé celles de la prise d’otage du personnel de l’ambassade américaine de Téhéran en 1979. Un épisode qui, à l’époque, avait traumatisé l’Amérique et grandement contribué à la défaite électorale du président sortant Jimmy Carter, face à Ronald Reagan.

Depuis le début de la campagne électorale américaine, le président Obama tenait solidement la corde en matière de politique étrangère. Il pouvait se prévaloir d’avoir mis fin à la guerre en Irak et ramené les soldats au bercail. Il pouvait se prévaloir aussi d’avoir planifié le retrait des troupes d’Afghanistan, dans un certain ordre, malgré les défections d’alliés dont la France. Surtout, il pouvait se prévaloir d’avoir éliminé l’ennemi numéro un des Etats-Unis, Oussama Ben Laden, en autorisant un raid audacieux des Forces Spéciales jusqu’à l’intérieur du Pakistan. Le succès de cette opération avait valeur de satisfécit dans sa lutte contre le terrorisme.  Enfin, il pouvait se prévaloir d’avoir contribué à la chute du régime du colonel Kadhafi en Libye et d’avoir répondu aux aspirations « démocratiques » du peuple libyen. Tout cela sans même risquer la vie d’un seul GI.

L’avantage que lui procuraient ces succès vient d’être balayé par les événements dramatiques de Benghazi et du Caire. L’Amérique est à nouveau apparue comme l’ennemi désigné de la rue musulmane. Les efforts déployés pendant quatre ans par Obama pour combler ce fossé, notamment son grand discours du Caire de juin 2009, auront échoué. L’Amérique est aussi apparue comme une puissance affaiblie, que les foules n’hésitent pas à défier. Enfin, l’administration américaine est apparue comme déboussolée, dépassée par les évènements et manipulée par ceux-là même qu’elle était venue aider.

Les déclarations du secrétaire d’Etat Hillary Clinton donnent une mesure de l’embarras et de l’interrogation des Américains. « Comment cela a-t-il pu a arriver dans un pays que nous avons aidé à libérer, et une ville que nous avons aidé à sauver… ? Cette question reflète la grande complexité du monde…Cette attaque n’est pas le fait du gouvernement libyen mais d’un petit groupe sauvage et violent…»

La question qu’elle n’a pas soulevé est de savoir comment ce « petit groupe sauvage et violent » a pu s’installer impunément dans la région et mettre au point son action. Au nez et à la barbe des Libyens, mais aussi des services de renseignements américains. Les violences de Benghazi  illustrent un excès de confiance des Américains et une dramatique naïveté, voire une ignorance coupable, des réalités locales.  

Le sourire radieux invariablement arboré par l’ambassadeur Stevens et son amour professé du monde arabe offrent un contraste saisissant avec sa fin violente sous les balles des salafistes…

Nombre d’observateurs américains ont en effet noté que le film mis en cause comme élément déclencheur de la colère populaire n’était en fait qu’un prétexte. Pour eux, ces attaques ont été préméditées et planifiées pour la date symbolique du 11 septembre.  L’assaut de Benghazi, qui a duré quatre heures, l’armement utilisé, notamment des lance-roquettes , la complexité de l’attaques, et la détermination des assaillants, sont révélateurs d’un plan terroriste minutieusement mis au point.   

Mitt Romney, le candidat républicain à la présidence, a immédiatement tenté de capitaliser sur ces incidents dramatiques. Mais son empressement lui a valu les foudres des médias et des démocrates. Et c’est lui qui a du se défendre d’avoir voulu transformer des pertes de vies humaines en gain politique.

En fait, dans un communiqué, rédigé et publié avant l’annonce du décès de l’ambassadeur Stevens, Mitt Romney avait critiqué le fait que ni Washington, ni l’ambassadeur américain en Égypte n‘ait protesté contre l’invasion de l’ambassade américaine du Caire : « quand des assaillants pénètrent à l’intérieur de notre ambassade, quand notre sol est attaqué et envahi, la première réponse ne doit pas être de prendre le parti des assaillants mais de s’insurger contre une telle violation de souveraineté. S’excuser pour ses propres valeurs n’est jamais la bonne attitude. »

Dans son ouvrage « No Apology » (je ne m’excuse pas), paru à l’aube de la campagne électorale, Mitt Romney reproche au président Obama de « s’excuser sans cesse pour les fautes réelles et imaginées de l’Amérique ». Jusqu’à présent, il n’avait guère repris cet argument dans sa campagne. Cela pourrait changer désormais.

D’autant que les électeurs américains ont observé les événements du « printemps arabe » avec  méfiance et incrédulité. D’abord parce que ceux-ci pouvaient déboucher sur une menace accrue contre leur allié historique et de cœur, Israël. Ensuite parce que ce regain d’instabilité dans une région déjà instable laissait planer l’éventualité de futures interventions militaires lointaines, à un moment où une large majorité de l’opinion publique y est opposée.

En critiquant l’engagement hasardeux de l’administration Obama au Proche Orient,  Romney  pourrait se rapprocher de l’opinion publique dominante. Mais il devra suivre une règle établie en son temps par Ronald Reagan : toujours mettre l’intérêt, l’honneur et l’image de l’Amérique avant son intérêt politique personnel.

Les Américains sont des patriotes avant d’être des Républicains ou des Démocrates. C’est uniquement en parlant au nom de l’intérêt et de la fierté nationale que Romney peut se faire bien voir.

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