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Créations de postes, refus de restructurations : les entreprises publiques sont-elles capables de vivre dans un univers de concurrence ?
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Dur réveil

Alors que les salariés de France Télévisions protestent contre la fusion des rédactions de France 2 et France 3, un rapport prône l'embauche de 4 500 personnes à la Poste pour répondre au malaise social. Les salariés et syndicats du secteur public ont-ils tant de mal à s'adapter aux réalités d'une économie concurrentielle et mondialisée ?

Stéphane Sirot

Stéphane Sirot

Stéphane Sirot est historien, spécialiste des relations sociales, du syndicalisme et des conflits du travail.

Il enseigne l’histoire politique et sociale du XXe siècle à l’Université de Cergy Pontoise.

Derniers ouvrages parus : « Les syndicats sont-ils conservateurs ? », Paris, Larousse, 2008 ; « Le syndicalisme, la politique et la grève. France et Europe (XIXe-XXIe siècles) », Nancy, Arbre bleu éditions, 2011.
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Atlantico : Les élus du comité central d'entreprise (CCE) de France télévisions ont vivement réagi au plan d'économies dévoilé par Rémy Pflimlin. Ils contestent l'hypothèse d'un plan social allant bien au-delà des 500 départs d'ores-et-déjà prévus d'ici 2015 ainsi que la fusion des rédactions de France 2 et France 3. Dans un second temps, le rapport Kaspar (sur les conditions de travail à La Poste) prône 4 500 embauches à dans l'entreprise pour répondre au malaise social dans l'entreprise publique. Dans les deux cas, les salariés et syndicats défendent-ils un acquis de confort professionnel ou en appellent-ils à des mutations nécessaires ?

Stéphane Sirot :Les deux situations ont un point commun. Il réside dans ce qui est depuis environ trois décennies une préoccupation centrale du syndicalisme : la défense de l’emploi.

Mais les deux entreprises présentent des problématiques assez différentes. A France Télévision, les suppressions de postes résultent de la baisse des recettes publicitaires et d’un cadrage budgétaire resserré. Les représentants des salariés sont ici confrontés à des choix politiques qu’un contre-pouvoir peut légitimement interroger. A La Poste, le rapport Kaspar répond à un profond malaise. Ici, il s’agit de restaurer la confiance, le dialogue et un climat social plus apaisé. D’ailleurs, les mesures d’embauche préconisées, si elles rejoignent une revendication des syndicats, n’émanent pas d’eux : c’est l’entreprise qui a demandé à l’ancien dirigeant de la CFDT de lui faire des propositions.

Si elles ont connu ces dernières années des changements considérables, France Télévision et France Télécom sont toujours censées remplir des missions de service public. Lesquelles ? Avec quels moyens et quelles perspectives ? C’est certainement bien davantage l’inquiétude que le confort professionnel qui domine.

Le secteur public ou semi-public est il capable de s'astreindre à vivre dans le même monde qu'un secteur privé concurrentiel, exposé à la mondialisation et aux fluctuations économiques ?

Le secteur public, par nature, n’est autant préparé que le privé aux règles de la concurrence. Historiquement, les entreprises nationalisées ont longtemps vécu en situation de monopole et la logique de service public s’est construite indépendamment des notions de compétitivité et de rentabilité. C’est d’ailleurs l’implosion de ce système qui explique pour une large part le mécontentement régulièrement exprimé par les salariés du secteur.

S’il n’est question pour quiconque de vivre hors du monde et des effets induits par ses évolutions, il n’en reste pas moins compliqué, voire contre-productif, de prétendre aligner tous les domaines d’activité sur les mêmes logiques. N’est-il pas plutôt souhaitable d’envisager des modes d’adaptation spécifiques à chacun ? C’est une condition nécessaire pour faire admettre les processus de transformation.

Les salariés et syndicats du public sont-ils allergiques à toute forme de changement ?

Salariés et syndicats ne sont pas par définition conservateurs. A l’opposé des idées reçues, plus que jamais dans notre histoire, ils considèrent aujourd’hui qu’il leur revient d’accompagner le changement plutôt que de systématiquement le contester. En même temps, la fonction du syndicalisme ne peut simplement consister à entériner des décisions remettant en cause des droits ou fragilisant le monde du travail. Comme toujours en démocratie, il y a un équilibre à trouver entre les attentes des différentes composantes de la société. D’où l’obligation d’un dialogue social nourri et d’une démarche de l’Etat soucieuse de compromis.

Plus généralement, comment caractériser l'approche des syndicats du public et celle des syndicats du privé ?

Rappelons d’abord que le secteur privé a tendance à devenir un « désert » syndical. Si la décrue existe aussi dans le public, elle n’est pas aussi spectaculaire. Cela produit un syndicalisme plus aligné sur les priorités du salariat du public que sur celles du privé.

Les enjeux n’étant pas identiques, la manière de voir des syndicats du privé et du public présente des différences de sensibilité. Pour grossir le trait, le syndicalisme d’entreprise tend à prendre davantage en considération les contraintes et les logiques économiques dominantes. Bien entendu, cette réalité varie selon les organisations, la CFDT étant plus ancrée dans cette dynamique que la CGT ou FO.

  1. Quelle a été la dernière grande "révolution" mise en place dans le secteur public et approuvée en large majorité par les syndicats et salariés ?

    Au cours des trente dernières années, la politique de l’Etat à l’égard du secteur public a surtout consisté, du point de vue des syndicats et des salariés, à l’ébranler et à le fragiliser. C’est pourquoi les « révolutions » ont été pour l’essentiel critiquées, voire combattues, telle récemment la révision générale des politiques publiques (RGPP).

    Au fond, les évolutions les plus efficaces ont été mises en œuvre de façon progressive. Et au final, bien des métiers et des entreprises de l’Etat ont changé : l’ouverture du capital a modifié la nature d’établissement comme EDF, GDF ou la Poste ; le métier d’enseignant a connu d’importantes évolutions ; l’administration de l’Etat a dû accepter des mutations non négligeables. En dépit des préventions, les lignes ont bougé. Il est même légitime de considérer, a contrario là aussi des idées reçues, que le salariat du public a digéré récemment au moins autant de modifications de ses conditions d’existence que celui du privé.

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