La BCE abat la Bundesbank par KO : Mario Draghi a-t-il ouvert la porte aux folies de la finance anglo-saxonne en permettant le rachat de la dette des pays en crise ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Mario Draghi a certes mis KO la Banque centrale allemande, mais le combat n'est pas terminé.
Mario Draghi a certes mis KO la Banque centrale allemande, mais le combat n'est pas terminé.
©Reuters

Mario m'a tuer

Mario Draghi a gagné le premier round contre la Bundesbank. Le combat n'est pas fini car Jens Weidmann, le président de la Banque centrale allemande, a derrière lui tout le peuple allemand.

Bruno Bertez

Bruno Bertez

Bruno Bertez est un des anciens propriétaires de l'Agefi France (l'Agence économique et financière), repris en 1987 par le groupe Expansion sous la houlette de Jean-Louis Servan-Schreiber.

Il est un participant actif du Blog a Lupus, pour lequel il rédige de nombreux articles en économie et finance.

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Dans un monde à la dérive, sans ancrage, sans valeurs, sans moralité politique, plongé dans le relativisme financier, nous avons constamment glorifié la Bundesbank. C’était le dernier bastion de l’opposition au relativisme anglo-saxon fondé sur le deficit spending, la spoliation des détenteurs de monnaie et l’enrichissement de ceux qui avaient accès aux largesses des Banques centrales.

La Bundesbank jouait un rôle central dans le système global, sorte de statue du commandeur qui, à la fois marquait les limites de ce que la BCE pouvait faire, mais aussi les limites de ce que les Anglo-saxons pouvaient se permettre. La folle volonté des Anglo -saxons est de supprimer, d’annihiler tout référent à la valeur des monnaies. Libres, libérées, les monnaies devraient selon eux pouvoir être créées en quantité infinie autant que de besoin et être avilies, autant que nécessaire.

Nixon avait réussi un premier coup en libérant, ou croyant libérer le dollar de la dictature de l’or, mais il n’avait réussi que partiellement. En effet des alternatives monétaires au dollar subsistaient, alternatives qui pointaient du doigt, soulignaient la gestion impériale et calamiteuse de la monnaie mondialo-américaine.

Depuis ce temps, le Deutsche Mark, la Bundesbank avec ses conceptions orthodoxes étaient les ennemis. Les ennemis à abattre avec son bastion avancée, la Suisse.

L’euro, successeur du Deutsche Mark devait continuer à jouer ce rôle et il l’a fait tant bien que mal avec Jean Claude Duisenberg et Trichet. Jean-Claude Trichet a tant bien que mal préservé l’héritage de la Buba et nous devons lui en savoir gré.

Hélas les Allemands comme les Suisses n’ont pas vu que l’intégration de leurs banques dans l’internationale de la banque voulue par les États-Unis allait modifier toutes les structures financières et les intégrer dans un tissu de risques hors de toute nature et de toute proportion avec ce qu’ils connaissaient au plan national.

Les banques européennes n’ont pas pu résister au chant des sirènes des superprofits du recyclage des déficits américains, elles se sont insérées, constituant autant de chevaux de Troie dans le système européen. Elles ont introduit le vers Anglo-saxon dans le fruit européen.

Une fois le ver dans le fruit, à la faveur de la courte vue, de l’absence de clairvoyance des autorités européennes, le système bancaire européen s’est en quelque sorte anglo-saxonnisé. L’illusion d’une  spécificité européenne a subsisté tant que tout a tourné normalement, tant que le risque ne s’est pas manifesté. Lorsque la crise de surendettement est apparue, lorsque le facteur risque s’est manifesté, la réalité s’est découverte, crue, sinistre: les banques européennes étaient encore en plus mauvaise position que les anglo-saxonnes.

Voila la réalité que l’on vous a cachée depuis le début.

L’appât du gain facile a conduit le système bancaire européen à pratiquer la banque à l’anglo-saxonne, la banque du capitalisme d’arbitrage, la banque de spéculation, la banque du profit facile au lieu de la banque traditionnelle européenne et il s’y est brulé les doigts, les ailes et surtout les vôtres.

Des lors, les choses étaient jouées, enclenchées. Avec la crise, la BCE a découvert un système bancaire qu’elle ne connaissait pas, un système bancaire qui n’était plus le sien et la question s’est posée, que faire?

Retourner en arrière, sortir du marché global, réduire le risque bancaire européen était théoriquement possible mais c’était sans compter le lien organique avec les souverains d’Europe.

Sortir était impossible car le poids des dettes souveraines européennes était trop lourd, le système était trop imbriqué au niveau des refinancements de gros,  des assurances et des dérivés.

Alors l’histoire était écrite, votre histoire.

Si le système bancaire européen et suisse ne pouvait se ré-européaniser alors il fallait que la BCE cesse d’être la BCE, renonce à ses pratiques et principes hérités de la BUBA, il fallait que la BCE devienne anglo saxonne, évolue pour adopter les pratiques, la philosophie, l’absence de principes, l’absence de règles de la FED et de la BOE. Il fallait abandonner toute référence aux pratiques orthodoxes, au traditional banking et donc accepter la fin des référents, entrer de plein pied dans le relativisme.

  • Le relativisme des apprentis sorciers, de ceux qui croient que la Vérité n’existe pas, que seule la communication et les perceptions existent, que tout est manipulable etc.

  • Le relativisme des dominants qui ne supportent aucune limite, aucune concurrence fut ce celle de la Vérité ;

  • Le relativisme de ceux qui croient que les assets financiers n’ont pas de valeur en eux même et qu’ils suffit de baisser les taux d’intérêt à zéro pour que la valeur de ce qui rapporte encore quelque chose devienne infinie ;

  • Le relativisme de ceux qui croient qu’il n’y a pas de limite aux dettes, des lors que les détenteurs de monnaie et d’épargne  n’ont pas d’autre alternative pour placer leurs économies ;

  • Le relativisme de ceux qui professent qu’il n’y a pas de danger à créer toute la monnaie nécessaire à la liquidité d’un système et à la négation de son insolvabilité, des lors qu’il n’y a pas d’alternative monétaire, pas de monnaie concurrente. Des lors que le Deutsche Mark a disparu, dès lors que la BCE s’est anglo-saxonnisée et que l’euro ne peut plus se poser en concurrent du dollar. Des lors que l’euro lui aussi, devient libéré des principes et des pratiques de l’orthodoxie : dès lors que l’euro attrape la maladie de la monnaie fondante.

Tout système disait Mao se développe en fonction de ses contradictions internes. Il y avait contradiction entre la globalisation des banques européennes et suisses et les pratiques saines, restrictives de leur banque centrale, la contradiction est résolue, la banque centrale s’est ralliée. Les banques centrales se sont ralliées. Le rouleau compresseur est passé. Il va aussi passer, n’en doutez pas sur les spécificités nationales, regardez la Suisse.

Pour sauver ses banques, ses souverains, ses classes kleptos et ses super riches, la BCE a accepté de rallier le camp anglo saxon, elle a accepté de devenir une succursale de la FED, laquelle est peut être, il faudrait pénétrer le système de l’intérieur pour le prouver, en fait, une succursale de la Banque d’Angleterre. Nous disons cela parce que notre petit doigt nous dit que le vrai rôle central, pivot dans le monde bancaire, ce n’est peut être pas ce que l’on voit, la FED mais ce qui manipule les principes et les théories, la BOE. Le cerveau de la finance anglo saxonne ce n’est en tous cas pas les États-Unis avec leur économétrie simplette, leurs médiocres corrélations et autres petites recettes au jour le jour pour tondre les marchés. La pensée est ailleurs.

La presse allemande de ce jour, ce jour ou nous écrivons, au lendemain du crime d’Arturo Draghi , la presse allemande est unanime a dénoncer le coup d’état.

Die Welt est le plus clair, comme nous,  il titre :

« Jeudi, la BCE  a prononcé la mort de la BUNDESBANK».

Le Sud Deutsche Zeitung . « Vouloir sauver l’euro à tout prix peut, au bout du compte conduire a franchir la ligne rouge que l’on ne doit pas dépasser…. dans une société fondée sur des règles, la fin ne justifie pas les moyens. La rupture des contrats affaibli les bases déjà fragiles de l’Union Européenne…. Jeudi la BCE a franchit deux lignes rouges »

Tout le reste de la presse est à l’unisson.

Fait très rare, la Bundesbank a publié un communiqué adressé au grand public . Son porte parole a déclaré :

« Weidmann considère que l’achat de bonds souverains est équivalent à un financement des gouvernements par l’impression de banknotes. Cette pratique porte en elle le risque que finalement, on redistribue des risques considérables sur les contribuables des differents pays. » 

Notez la force des propos et ils viennent d’un des plus grands experts du monde en matière de vrai central banking, on dit les choses crument pour ce qu’elles sont, on parle de financement par l’impression de billets de banque pour que tout le monde comprenne bien. On parle de risques considerables. On dit bien que, in fine, ce seront les contribuables qui paieront, on ne fait pas semblant de croire que l’argent tombe du ciel et que tout cela ne coute rien. On ne fait pas semblant de croire que l’on peut donner sans prendre.

Le Draghi s’est, au cours de sa conference de presse, gaussé de Weidmann, il a parlé d’une personne au Board qui s’était opposée à son crime, il en parle comme d’une personne de rien, négligeable, de peu d’importance. C’est allier l’insolence à l'imbécilité car Weidman, il suffit de lire la presse allemande, Weidmann a tout le peuple allemand derrière lui, la presse est unanime, ce qui est exceptionnel. 

Draghi oublie une chose, on n’anéantit pas toute une culture par un coup d’état monté avec des économiquement faibles, des banquiers irresponsables et des médias aux ordres. 

“Chassez le naturel , il revient au galop” disait Aristote, nous ajoutons: chassez le culturel il revient au galop, encore plus vite. Draghi 1, Buba 0, mais nous voulons croire que le combat n’est pas terminé.

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