Entre le FN et Mélenchon, la droite classique sait-elle faire son job d’opposition ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Luc Mélenchon serait le meilleur opposant à François Hollande selon un nouveau sondage.
Jean-Luc Mélenchon serait le meilleur opposant à François Hollande selon un nouveau sondage.
©Reuters

Où est l'UMP ?

Selon un sondage OpinionWay pour Le Figaro, Jean-Luc Mélenchon serait le meilleur opposant à François Hollande, devant Nicolas Sarkozy, qui s’est pourtant retiré de la vie politique. Une mauvaise nouvelle pour l'UMP, qui n'arrive pas à capitaliser sur la déception autour de François Hollande.

Thomas Guénolé

Thomas Guénolé

Thomas Guénolé est politologue et maître de conférence à Sciences Po. Son dernier livre, Islamopsychose, est paru aux éditions Fayard. 

Pour en savoir plus, visitez son site Internet : thomas-guenole.fr

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Atlantico : D'après un sondage OpinionWay pour Le Figaro, Jean-Luc Mélenchon serait  le meilleur opposant à François Hollande, devant l’ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, qui s’est pourtant retiré de la vie politique. Quant à Marine Le Pen, elle se présente comme "le leader de l'opposition au système". La déception autour de François Hollande ne semble donc pas profiter à l’UMP. Pourquoi la droite  reste-t-elle inaudible ?

Thomas Guénolé : En fait, aussi bien l’UMP que le PS sont inaudibles, pour des raisons diamétralement différentes. D’un côté, l’UMP, ayant quitté le pouvoir pour la première fois depuis dix ans, ne s’est pas encore réorganisée pour exercer pleinement son rôle de premier parti d’opposition. Réciproquement, l’essentiel des cadres du PS, eux, sont tenus à une certaine discipline dans les rangs, au gouvernement comme au parlement.

Hormis une poignée de ministres à gauche et une poignée de ténors en compétition interne à droite, on n’entend donc ni l’UMP ni le PS. La nature ayant horreur du vide, le reste du paysage politique en profite pour essayer de tirer son épingle du jeu. Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen aux extrêmes, les Verts dans la majorité, s’efforcent de capter à eux l’attention médiatique sur des thèmes porteurs dans leurs électorats respectifs, qu’il s’agisse de l’Europe pour les uns ou du nucléaire pour les autres.

La situation actuelle est-elle liée à l’élection du président de l’UMP ?

Non : la façon dont se passe l’élection du président de l’UMP est un symptôme, pas une cause. Fondamentalement, si l’UMP est inaudible, c’est parce que la droite dans son ensemble ne s’est pas encore remise du retrait de son chef. De fait, l’ombre de Nicolas Sarkozy écrase cette élection.

Celui qui l’emportera deviendra-t-il le leader naturel de l’opposition ?

Pour l’heure, auprès de l’électorat de droite comme auprès de la base militante, Nicolas Sarkozy est toujours le chef de la droite. Les candidats à la présidence de l’UMP ont d’ailleurs tous dû prendre position quant à son possible retour.

Au-delà des rivalités individuelles, l’UMP n’a-t-elle pas des difficultés à définir une ligne idéologique claire, entre le libéralisme économique ou le gaullisme social et entre la ligne Buisson ou la ligne centriste ?

Dans le ciel des idées, il y a quatre droites : libérale, sociale, morale, sécuritaire. À ce stade, Jean-François Copé incarne la droite libérale à tendances sécuritaires, François Fillon la droite sociale en faisant des concessions à cette même droite sécuritaire, et Henri Guaino incarne au plus près la droite sociale, sous la forme historiquement cohérente du gaullisme. Entre parenthèses, l’expression « gaullisme social, » très répandue, est un pléonasme, car quand on est gaulliste, on est nécessairement pour la participation et un dialogue social à la suédoise.

Sous l’angle de la tactique électorale, il y a trois lignes : Buisson, Guaino, Borloo.

La ligne dite Buisson, qui est en fait la ligne Sarkozy, consiste à se positionner sur des thèmes très conflictuels du débat public, afin d’à la fois polariser le débat sur les propositions de son propre camp et récupérer une partie du vote anti-système normalement capté par les extrêmes. Ce faisant, le score de premier tour est maximisé, ce qui est supposé créer une dynamique de victoire au second tour. Cette ligne perd des soutiens au fil des défaites aux élections locales puis nationales.

La ligne Guaino, qui est en fait la ligne gaulliste orthodoxe, consiste à s’inscrire dans la continuité rhétorique voire programmatique du général de Gaulle : le virage de la ligne Buisson à la ligne Guaino à quelques mois du premier tour de 2007 fut d’ailleurs très perceptible, avec un changement complet de vocabulaire. Ce faisant, il s’agit de perpétuer le lien plébiscitaire entre le chef et le peuple, ce qui a bien fonctionné en 2007 mais a échoué en 2012, crise, fautes comportementales et ligne Buisson aidant.

La ligne Borloo n’a personne à l’UMP pour clairement l’incarner aujourd’hui, ce qui est très significatif. Il s’agit du virage social défendu sans succès par le leader centriste fin 2010 au sein de la majorité d’alors. Tactiquement, il s’agit donc d’une rupture avec la droitisation pour se positionner davantage au centre, c’est-à-dire, en définitive, sur un discours social-libéral et fédéraliste européen.

Dans une certaine mesure, la ligne Buisson sera défendue dans cette élection par Jean-François Copé, qui a toujours assumé la stratégie de droitisation, notamment le débat sur la laïcité. La ligne Guaino aurait pu être défendue par son concepteur, si sa candidature avait été jusqu'au bout. Enfin, peut-être François Fillon défendra-t-il la ligne Borloo en se positionnant de facto comme candidat de centre-droit, ce qui serait assez surprenant pour qui connaît ses convictions sur l’orthodoxie budgétaire et le souverainisme.

Par ailleurs, sur le plan économique, la rigueur de droite ne serait sans doute pas mieux accueillie que la rigueur de gauche…

Il n’y a pas une politique unique de rigueur. Très concrètement, selon que la droite ou la gauche est au pouvoir, elle fait porter davantage les efforts sur les clientèles électorales de l’adversaire que sur les siennes. C’est d’ailleurs tout le problème de l’absence de gouvernement d’union nationale en temps de crise des finances publiques : selon la majorité en place, les efforts de réduction de la dépense publique frappent davantage un camp électoral qu’un autre.

Les questions de société (mariage homosexuel, droit de vote  des étrangers) seront-elles la planche de salut de la droite ?

Elles peuvent en tout cas créer un véritable espace à droite.Aujourd'hui, la droite morale n’est plus incarnée au sein de l'UMP. Un leader politique faisant campagne sur le refus du mariage homosexuel, de l’homoparentalité, de l’éclatement de la cellule familiale traditionnelle, pourrait émerger à l'avenir pour peu qu’il ne radicalise pas son discours au point de se marginaliser. Un tel positionnement marcherait assez bien, par exemple, auprès des militants UMP du grand Est.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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