La crise 4 ans après : ces blocages qui empêcheront toute véritable reprise tant qu’on ne les aura pas réglés<!-- --> | Atlantico.fr
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Les remises en ordre nécessaires ont été systématiquement différées. C’est le cas en matière de finances publiques.
Les remises en ordre nécessaires ont été systématiquement différées. C’est le cas en matière de finances publiques.
©Reuters

Le jour d'après

Retour sur les conséquences de la crise sur l'Union européenne. Sixième épisode : si le ralentissement économique s’est fait selon le schéma habituel des cycles économiques, la crise actuelle a tout de même quelques spécificités. Démonstration en quatre temps.

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel est professeur à l'ESCP-Europe, et responsable de l’enseignement de l'économie aux élèves-ingénieurs du Corps des mines. Il est également directeur de la revue Sociétal, la revue de l’Institut de l’entreprise, et auteur de plusieurs ouvrages sur l'économie, en particulier américaine.

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A (re)lire, les épisodes précédents :
1 - Pourquoi le monde n'est-il plus le même ? Premier volet : les chiffres et les po
litiques économiques.
2 - La crise, 4 ans après : l'Europe abandonnée par les Européens
3 - La crise, 4 ans après : la vérité des chiffres
4- 4 ans après la crise, la fracture : le Sud de l'Europe est-il sur le point de se révolter contre l'Union pour survivre ?
5 - 4 ans après la crise : l'Allemagne, nouvel homme über-fort de l'Europe

Il y a quatre ans, Lehman Brothers déposait son bilan. Depuis le monde vit des soubresauts économiques que l’on décrit du mot passepartout de "crise".

Que s’est-il passé et comment caractériser les événements qui se sont enchaînés entre septembre 2008 et aujourd’hui ?

En fait, en 2009, l’économie mondiale a subi un ralentissement cyclique qui avait commencé avant Lehman Brothers et dont le déroulement s’est fait selon le schéma habituel du cycle économique tel que décrit notamment par Keynes dans le chapitre XXII de sa théorie générale. Les entreprises américaines, après une phase de surinvestissement, ont d’une part réduit leur stock et d’autre part limité leurs investissements. La contraction générale de la demande qui en a résulté a réduit la croissance et fait apparaître un volume important de capacités de production inutilisées. La réponse de la politique économique, insufflée notamment par le gouvernement britannique à l’automne 2008, a été d’essayer de faire jouer toutes les composantes de la politique économique dans le sens de la relance. En termes de phasage dans le temps, nous avons eu quatre périodes : destockage/desinvestissment ; rupture financière amplifiant les conséquences du retournement cyclique ; réponse de la politique économique par une relance ; une fois la reprise en marche, apurement des comptes publics par des politiques d’austérité, phase mise en œuvre très -trop- tôt en Europe et toujours en débat aux Etats-Unis.

Par rapport à ce schéma, qui fut également celui du début des années 90 en Europe ou du début des années 80 aux Etats-Unis, la crise actuelle a quatre spécificités rendant la situation plus problématique :

Elle intervient alors que la politique monétaire américaine du début des années 2000 avait cherché à effacer le ralentissement cyclique de 2001 : tout se passe comme si le monde avait concentré sur un cycle les récessions de deux cycles... La correction de croissance aura donc été d’autant plus forte que dans les années 2000, le laxisme monétaire ayant conduit à un surinvestissement massif notamment dans l’immobilier ;

- La reprise s’est révélée décevante, c’est le moins que l’on puisse dire, avec ceci de particulier que ce que les économistes appellent la croissance potentielle, c'est-à-dire la croissance moyenne sur la durée du cycle a fortement baissé : les entreprises cherchent les lieux de profitabilité et surtout ont une situation financière toujours dégradée, surtout en Europe, si bien que le moteur de croissance de long terme, le vrai moteur de croissance, c'est-à-dire l’incorporation de progrès technique par un renouvellement accéléré du stock de capital patine.  La croissance potentielle est passée en France de 5,5% entre 1950 et 1973 à, pour les cycles suivant, 4,4% entre 1974 et 1983, 3% entre 1984 et 1993, 2,3% entre 1994 et 2001, et 1,4% entre 2002 et 2009. Elle n’est plus évaluée qu’à 1%. La baisse la plus spectaculaire est survenue aux Etats-Unis. La croissance potentielle qui était restée à  3% entre 1970 et 2000 est descendue à 2,5% entre 2000 et 2009 et serait désormais de 1,5%.

- Les remises en ordre nécessaires ont été systématiquement différées. C’est le cas en matière de finances publiques, où les périodes de reprise n’ont pas été utilisées pour réduire le déficit. Il y a dans le déficit public deux composantes : le déficit conjoncturel, qui répond aux nécessités du cycle et le déficit structurel qui devrait être égal à 0 (c’est en particulier ce que prévoit le nouveau pacte budgétaire européen). Or, ce déficit structurel n’a cessé de se creuser depuis le choc pétrolier et 2009 a encore aggravé la situation. En France, ce déficit qui était de 1,6% en moyenne entre 1974 et 1981 était début 2012 de 4,5% du PIB. De même, les crises financières qui devraient se traduire par des faillites bancaires sanctionnant l’imprudence des banques ont conduit à des colmatages coûteux laissant l’impression aux banques que l’enjeu n’est pas la qualité de leurs prêts mais la quantité, l’augmentation de leur bilan leur permettant, au nom du « too big to fail » d’échapper à la sanction de la faillite.

- Le maintien de rigidités fortes sur le marché du travail conduit à une augmentation régulière du taux de chômage et les périodes de reprise ne permettent pas de retrouver le plein emploi. Le taux de chômage en France vient de dépasser les 10%. En zone euro, il est au-dessus de 10% depuis un an et demi. Et les politiques de l’emploi semblent n’avoir comme objectif que d’attendre la correction démographique induisant une baisse de la population active (amorcée  en Allemagne où elle baisse de 300 000 personnes par an). 

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