PS, Front de gauche et UMP : les partis politiques sont-ils devenus les principaux ennemis de la démocratie ? <!-- --> | Atlantico.fr
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UMP, PS ou Front de gauche, chacun a sa propre technique pour verrouiller la tête du parti.
UMP, PS ou Front de gauche, chacun a sa propre technique pour verrouiller la tête du parti.
©DR

Kim Jong-ilisme

Guerre des chefs, vraiment ? Au PS, à l'UMP ou au Front de gauche, on assiste plutôt à des successions verrouillées aux militants.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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A une époque, la démocratie se définissait par le multipartisme. Ce qui distinguait les démocraties populaires et les démocraties libérales tenait tout entier dans cette définition : le parti unique dans un cas, le pluralisme dans l’autre.

La Constitution de la Ve République en a d’ailleurs tiré toutes les conséquences, puisque son article 4 précise que les partis et groupements politiques participent à l’expression du suffrage universel. Pour cette raison, la Constitution ajoute que les partis politiques doivent respecter les principes de la démocratie.

Ces dernières semaines, les Français peuvent être pris de doutes sérieux sur l’application concrète de cette disposition constitutionnelle.

Fin août, c’est le co-fondateur du Parti de Gauche, Franck Pupunat, qui annonçait se mettre en congé de la formation politique qu’il a créée avec Jean-Luc Mélenchon. En termes à peine voilés, l’intéressé mettait en cause le déficit de démocratie au sein de sa formation pour justifier son retrait.

Mais les sommets les plus impressionnants sont évidemment atteints et franchis par nos deux partis de gouvernement : le Parti socialiste et l’UMP, chacun avec sa technique propre.

Au Parti Socialiste, après des primaires ouvertes qui avaient marqué les esprits et qui firent autorité pour la désignation du candidat à la présidentielle, la phase post-électorale est nettement moins soucieuse d’expression du suffrage universel. Le duo Aubry-Ayrault est parvenu à imposer une motion unique dont le rapporteur, désigné dans des conditions d’une opacité digne d’une validation des comptes de campagne par le Conseil Constitutionnel, sera automatiquement l’héritier de la Première Secrétaire. Exit le débat militant donc.

Si l’on se souvient des polémiques qui avaient entouré la désignation de Martine Aubry à la tête du parti, cette procédure ne manque pas de sel. De mémoire, en effet, il semble bien que le combat Royal-Aubry s’était illustré par des tricheries réciproques, des bourrages d’urne, et des manœuvres en tout genre dignes d’une république soviétique d’Asie Centrale. Le vote semblait entaché de forts doutes sur le respect des principes démocratiques affichés par notre constitution.

De son côté, l’UMP rate quelques belles occasions de se refaire une image de marque démocratique, puisqu’elle organise un scrutin militant sur des bases fortement contestées par les candidats potentiels.

En particulier, l’exigence de recueillir une masse impressionnante de parrainages (près de 8.000 dans les faits) favorise ceux qui ont aujourd’hui l’appareil du parti entre les mains. Ce filtrage des candidatures a au moins le mérite de ne pas être voilé et d’afficher la couleur : pas question d’ouvrir les vannes de la démocratie. On ne choisit qu’entre quelques têtes d’affiche bien ciblées et déjà implantées dans la machine.

Intuitivement, on sent bien que ces procédés pas propres en vigueur dans les partis de gouvernement ne servent pas la cause républicaine.

Mais c’est un problème plus profond qu’ils posent : celui de la professionnalisation de l’action politique et de la captation de la souveraineté populaire par une minorité agissante qui a fait de notre vie collective sa propriété personnelle. Comment s’étonner que l’abstention aux élections ne cesse de monter, si tout est fait pour verrouiller la vie interne des partis politiques ? Et comment s’étonner que la démocratie représentative se meure, dès lors que les partis politiques sont tout entier organisés autour de la mise à l’écart des militants et des débats ?

Au moment où la France doit affronter l’une des pires crises économiques de son histoire, elle se met en danger politique par ces manœuvres d’états-majors parisiens. Dans la pratique, en effet, non seulement l’accession aux mandats est réservée aux serviteurs dociles qui font une allégeance très aristocratique à un étalon sur lequel ils parient, mais c’est le débat lui-même qui devient proscrit. Impossible d’aborder les sujets qui font sens pour les Français sans heurter la loi du silence imposée par tel ou tel chef de faction.

Ce comportement qui nous éloigne inexorablement de l’esprit initial de la République, qui dépossède jour après jour un peu plus le citoyen de son droit à participer au débat collectif, disqualifie en profondeur le processus de représentation nationale.

Plus que jamais, il justifie que nous rompions avec cette démocratie moribonde qui ne règle aucun problème d’intérêt général et ne sert que des intérêts particuliers. Dans cette attente, une mesure transitoire pourrait consister à imposer une démo-conditionnalité au financement public des partis politiques (puisque les citoyens financent les partis...). Il ne serait pas absurde que des règles strictes de fonctionnement interne soient posées pour les partis politiques, et que soient exclus du financement public ceux qui ne les respectent pas.

Ce serait un premier pas salutaire vers un retour à la morale républicaine, dont rien ne justifie qu’elle soit imposée aux enfants par des professionnels de la politique qui s’en affranchissent allègrement.

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