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Contrats de génération, emplois d'avenir : la gauche se défera-t-elle un jour de son obsession malthusienne ?
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Encore une petite part...

Le ministre du Travail, Michel Sapin, a présenté ce mercredi en conseil des ministres ses propositions pour lutter contre le chômage, notamment le contrat de génération, qui vise à réduire le chômage des jeunes et des séniors.

Olivier Babeau

Olivier Babeau

Olivier Babeau est essayiste et professeur à l’université de Bordeaux. Il s'intéresse aux dynamiques concurrentielles liées au numérique. Parmi ses publications:   Le management expliqué par l'art (2013, Ellipses), et La nouvelle ferme des animaux (éd. Les Belles Lettres, 2016), L'horreur politique (éd. Les Belles Lettres, 2017) et Eloge de l'hypocrisie d'Olivier Babeau (éd. du Cerf).

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Guère de « changement » dans la façon dont la nouvelle équipe gouvernementale traite le problème du chômage. Nous voyons la répétition des mêmes coups de mentons et incantations médiatiques : « nous menons la bataille », « nous allons mettre le paquet », « c’est notre priorité » etc.  Antiennes connues et entendues tant de fois depuis trente ans. L’emploi du vocabulaire martial révèle, dans son outrance, l’ampleur de l’impuissance qu’il cherche à cacher. La liste des mesures correspondant à cette « bataille » est en effet surprenante de superficialité et il est inutile de revenir sur l’absurdité économique de ces emplois qualifiés « d’avenir » alors que, de façon évidente, ils n’en offrent aucun. La politique française de l’emploi trahit en réalité une profonde méconnaissance des mécanismes réels de création des emplois marchands.

Voici donc quelques réalités que la formation économique déficiente de notre système éducatif ne parvient visiblement pas à transmettre.

Les entreprises n’ont pas pour vocation de créer des emplois. Elles sont tendues vers le but de la production et de la mise sur le marché d’un produit ou d’un service. Les personnes employées sont, à l’égal des machines, les moyens de cette production (ce qui n’enlève rien à leur dignité d’être humain). L’entrepreneur n’embauche pas ou ne licencie par pour le plaisir : profondément rationnel dans sa démarche, il va avoir recours à un travailleur s’il pense que son coût sera inférieur à la valeur qu’il permettra de créer. Dans le cas contraire, il est plus rationnel de renoncer à ce travail, et donc malheureusement de ne pas embaucher ou de licencier.

On le comprend, il entre une dose immense d’incertitude dans cette décision d’embauche : on doit non seulement évaluer la productivité d’un travailleur (d’où l’importance des « signaux » que sont les diplômes, l’expérience, les recommandations…), mais aussi prévoir l’évolution du carnet de commande et les coûts induits. C’est pour cela que la décision d’embauche dépend en grande partie des perspectives de croissances sur les marchés nationaux et internationaux, et qu’aucun dispositif fiscal ne peut contrebalancer des anticipations économiques négatives.

Si la situation économique change brutalement, la terreur de l’entrepreneur est de se retrouver avec des coûts fixes difficiles à faire baisser, exactement comme un particulier qui emprunte peut avoir peur de se retrouver incapable de rembourser ses traites. C’est pour cette raison qu’un entrepreneur aura d’autant plus de réticence à embaucher quand la flexibilité du contrat de travail est faible, et qu’à l’inverse une façon de susciter des embauches serait de rendre les licenciements plus faciles. C’est pour cela aussi que la complexité ahurissante de notre code du travail et de l’embauche d’une personne (trente lignes sur notre fiche de paie !) est un frein réel à l’embauche : elle brouille les anticipations et ajoute d’important coût de gestion. Une simplification radicale permettrait aux entrepreneurs de se concentrer sur leur tâche essentiel : développer et conquérir des marchés.

Enfin, la nature des emplois évoluent : les dix emplois qui recrutaient le plus en 2010 n’existaient pas en 2004 ! Si le gouvernement actuel avait été aux commandes au début du XXe siècle, il aurait probablement cherché à protéger à coup de subvention la profession des sabotiers et des rémouleurs qui licenciait à tour de bras. Pour remédier au chômage des jeunes, il faudrait que nos formations soient suffisamment flexibles pour permettre cette adaptation aux besoins de l’économie. Aujourd’hui malheureusement, nos universités (même en économie !) sont encore trop rigides voire, par idéologie, récusent purement et simplement cet objectif (former à un métier ? être utile ? pouah !).

Tout cela est une évidence pour n’importe quel étudiant de première année et montre l’absurdité d’une vision dans laquelle l’économie correspond à un stock d’emplois fixe qu’il faut préserver, un gâteau qu’il faudrait partager (logique malthusienne des 35 heures), et non à un ensemble dynamique où l’activité crée des synergies.

L’alternance politique n’a très logiquement pas changé la philosophie de l’action de l’Etat puisqu’elle est portée par les mêmes hauts fonctionnaires. Ces derniers, malgré toute l’excellence de leur formation, souffrent du grave défaut d’ignorer totalement, pour la plupart d’entre eux, la réalité du monde de l’entreprise de moyenne et petite taille et la psychologie élémentaire de l’entrepreneur. Dans ces conditions, comme l’a dit fort justement le Premier ministre, « remonter la pente va être difficile ».

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