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Mais pourquoi cette obsession contre le cumul des mandats : et si on renforçait plutôt le pouvoir des parlementaires face aux lobbies ?
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Une question de priorité

Alors que la règle de non-cumul des mandats imposée par le PS est débattue dans les couloirs de l'Assemblée, d'autres problématiques ne semblent guère intéresser nos députés...

Didier Maus

Didier Maus

Didier Maus est Président émérite de l’association française de droit constitutionnel et ancien maire de Samois-sur-Seine (2014-2020).

 

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Atlantico : La règle du non-cumul des mandats imposée par le PS et bientôt votée par l’Assemblée nationale divise les élus et fait couler beaucoup d’encre. Mais est-ce vraiment une réforme prioritaire en matière institutionnelle ?

Didier Maus : En matière institutionnelle les urgences sont très relatives. Il est évident que les questions économiques et sociales sont plus importantes. Le cumul des mandats est très impopulaire dans l’opinion, parfois à tort (voir mon entretien du 30 août). Il s’agit néanmoins d’un engament très fort de François Hollande et du Parti socialise. Attendre trop longtemps serait politiquement contre productif.

N’y a-t-il pas d’autres mesures plus urgentes à prendre, notamment pour renforcer les pouvoirs du Parlement ?

Le rôle du Parlement dépend d’une part de son statut constitutionnel, d’autre part de la situation politique. Le cadre institutionnel a été modifié en 2008 avec la volonté de renforcer les pouvoirs du Parlement. Personne n’envisage, à court terme, de nouvelles réformes importantes. Il faut simplement que les députés et les sénateurs se servent de tous les pouvoirs dont ils disposent. Ceci est directement lié à la cohérence, voire la cohésion, de la majorité.

François Hollande a la chance, que n’avait pas eu François Mitterrand, de disposer d’une double majorité, à l’Assemblée nationale et au Sénat. Quand le Parti socialiste est majoritaire, la question la plus intéressante est toujours celle de savoir comment un parti où la culture de la discussion est traditionnelle peut devenir un parti de soutien au président de la République et au gouvernement. La préparation du congrès de Toulouse en est l’illustration. Il faut aussi tenir compte des deux autres formations de gauche. La culture politique des Verts n’a jamais été – et pour cause – une culture de gouvernement, avec les contraintes que cela impose. Si le Parti communiste, si faiblement représenté aujourd’hui, a toujours été un allié fidèle, l’existence du Front de gauche, avec un leader tonitruant, modifie un peu le paysage. Il demeure un constat : les députés et les sénateurs de la majorité ont pour vocation première de soutenir l’action de François Hollande. Le temps du retour à la diversité n’est pas encore venu.

Il appartient donc à l’opposition, lorsqu’elle aura réglé ses problèmes stratégiques et de personne, d’avoir recours à toutes les possibilités dont elle dispose pour animer, sans la dévoyer, la vie parlementaire.

L’encadrement des lobbies en particulier ne devrait-il pas être une priorité ?

L’Assemblée nationale et le Sénat ont récemment adopté des règles plus strictes. L’action des « lobbies » (l’expression « groupes d’intérêt » est préférable) est normale. Chaque groupe (les entreprises, les syndicats, les associations, les collectivités,…) a la légitime volonté de maximiser ses avantages ou d’alléger ses contraintes. Il n’y a rien de nouveau. Il est préférable que tout ceci se déroule à ciel ouvert plutôt que dans les fonds de couloirs. Personne n’est dupe que l’intérêt général, si facilement mis en avant, n’est parfois que l’habillage d’autres intérêts. La véritable fonction du pouvoir politique est de trancher entre les intérêts catégoriels en définissant de véritables priorités, même si elles sont peu populaires. On en revient toujours à la formule de Pierre Mendès France « Gouverner, c’est choisir ».


La solution réside-t-elle aussi dans un meilleur encadrement législatif des procédures d'embauche des assistants parlementaires ?

Je suis convaincu de deux choses :

1) Il est toujours possible d’améliorer les procédures et de renforcer les garanties.

2) Aucun système ne sera jamais parfait.

Quand au Parlement européen, il est le « paradis » des groupes d’influence. La plus forte concentration du monde se situe entre Bruxelles et Strasbourg.

On se souvient que durant la campagne présidentielle certains paragraphes de l’accord Vert/PS avaient disparu suite à l’intervention discrète d’Areva. Certains lobbies rédigent eux-mêmes des amendements. Cela ne pose-t-il pas un problème démocratique ?

La discussion entre responsables politiques et représentants des forces économiques, sociales ou culturelles est une nécessité. A chacun de savoir remplir son rôle. Si les dirigeants des partis ou les parlementaires sont trop sensibles aux démarches, c’est avant tout leur problème, à condition de ne pas tromper les électeurs. Il est logique que des amendements soient préparés par ceux qui en ressentent le besoin. Il serait anormal qu’ils soient repris tel quel, sans être passés au crible du débat démocratique, par les parlementaires. L’avantage irremplaçable du débat parlementaire est sa publicité, y compris avec la présence du public dans les tribunes. Les rapports des commissions sont imprimés et disponibles sur Internet. Les débats parlementaires sont désormais diffusés en direct via les sites des assemblées parlementaires. Par rapport à la « grande » époque de la IIIe République, celle du parlementarisme triomphant, le citoyen est beaucoup mieux à même de savoir ce qui se passe au Palais Bourbon et au Palais du Luxemburg. A lui, comme le préconisait la philosophie radicale d’Alain, de savoir contrôler ses élus.

Nicolas Sarkozy avait entrepris une réforme constitutionnelle en 2008. Quel bilan peut-on faire de celle-ci ?

Techniquement la révision de 2008 a assoupli les modalités de fonctionnement du Parlement (discussion sur le texte de la commission et non plus du Gouvernement, aménagement de l’ordre du jour, renforcement des pouvoirs de contrôle). En même temps elle a renforcé le poids de la majorité (encadrement du temps de discussion et régime des amendements) et donc réduit les possibilités de l’opposition de faire durer le débat. Les socialistes ont beaucoup bataillé contre cette révision et ses prolongements, en particulier dans le règlement de l’Assemblée nationale. Ils en sont désormais les bénéficiaires.

Quant au président de la République, sauf contexte de cohabitation, il tire avant tout son pouvoir de la légitimité de son élection et de la position nécessairement seconde du Premier ministre et du gouvernement. La révision de 2008 n’a, de ce point de vue, rien changer.

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