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L'euro des élites, coûte que coûte
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Tout est permis

Les gouvernements, les banquiers centraux, les banques, les économistes, les médias et les partis politiques européens sont tous sur la même ligne : il faut continuer, il faut maintenir l'euro. A partir de là, tout est permis...

Bruno Bertez

Bruno Bertez

Bruno Bertez est un des anciens propriétaires de l'Agefi France (l'Agence économique et financière), repris en 1987 par le groupe Expansion sous la houlette de Jean-Louis Servan-Schreiber.

Il est un participant actif du Blog a Lupus, pour lequel il rédige de nombreux articles en économie et finance.

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Le fait important, pour nous, est la détermination des responsables européens à sauver l’euro. Nous les croyons quand ils le disent, car nous savons qu’ils sont capables de le faire, coûte que coûte. Plus exactement, peu importe ce que cela vous coûte ! Nous sommes en guerre et, à la guerre, les chefs se battent jusqu’au dernier de leurs soldats.

Dans cet article, nous n’examinons pas l’hypothèse d’un cheminement diffèrent de la crise européenne, comme une sortie des pays du « core » dur de la Zone Euro. Laisser l’euro aux pestiférés, et en sortir, est la solution la plus avantageuse pour les Pays du Nord et même ceux du Sud, malheureusement, le désirable n’est pas le plus probable. 

Il y a quelque temps que nous n’avons pas évoqué les marchés financiers. La raison en est simple: nous considérons qu’il n’y a plus véritablement de marchés. Nous avons dépassé le stade du pilotage et de la manipulation et nous sommes en plein dans le dirigisme. Le dirigisme cynique. Nous ne sommes pas seuls à penser ainsi, puisque les volumes de transactions sont très faibles, ridiculement faibles, quelles que soient les bases de comparaison retenues. Cela signifie que les gens, comme nous, pensent qu’il n’y a plus de marché et qu’ils n’ont plus rien à y faire. Il n’y a plus rien à confronter, les prix sont dictés.

Ce rétrécissement des échanges fait l’affaire des gouvernants et régulateurs. Les bourses sont plus faciles à tenir quand les volumes sont réduits. Il suffit de quelques interventions à la marge sur les marchés directeurs qui déclenchent les corrélations, comme les marchés de crédit, les CDS, les spreads, etc., pour imprimer l’allure que l’on recherche.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que ce qui se joue en ce moment au travers toutes les problématiques, c’est purement et simplement le sort des banques et de la finance. Que l’on parle de QE, d’achats de bonds souverains, de contrôle des bandes de fluctuations des taux d’intérêt en Europe, de monétisation, etc., tout, tout cela est fait au profit des banques et pour leur éviter la déconfiture. Ou plus exactement pour éviter que la déconfiture réelle, acquise, actuelle, ne se donne à voir au grand jour. Déjà sur les dépréciations de leurs achats de bonds souverains au cours des 15 derniers mois, les banques ont perdu l’essentiel de leur capital. Dans ces conditions, on comprend que le secteur bancaire apporte son concours à la tenue des marchés et évite de jouer contre eux. Il contribue positivement et  évite que la fameuse recherche de prix libres puisse se réaliser. Quand on vit sur un mensonge, on n’a pas intérêt à ce que le mensonge soit découvert, n’est-ce pas.

Les autorités ont profité de la période estivale pour entretenir à la fois l’espoir et l’incertitude. 

L’espoir d’abord que les largesses monétaires seraient au rendez-vous. 

Aux Etats Unis en particulier, chaque fois que le doute est venu, on a envoyé une fuite, un message pour dire que l’on était là et que les vendeurs n’avaient qu’à bien se tenir, le put est toujours en vigueur. Et cela a marché, on a restauré les deux sens sur les marchés, on a tenu les operateurs en laisse. Ce n’est pas qu’ils doutent de l’issue finale, non, mais ils craignent, à juste titre, le flux des déclarations et des fausses confidences, les coups d’escarpolette, les mentis et démentis. On ne peut ni anticiper la dégradation de la conjoncture économique, ni le fait accompli du QE, on reste donc l’arme au pied. C’est ce que recherchaient les Pouvoirs.

En Europe, c’est un peu ce qu’a fait Draghi. Il a fait des déclarations spectaculaires, très publicisées, allant dans le sens d’une prise de pouvoir, d’un coup d’état qui lui permettrait de monétiser la dette des souverains pestiférés et des banques en général. Le jeu a été subtil, bien mené avec les Allemands. Un jour, notre Draghi appuyait sur l’accélérateur sur la route de la monétisation, un jour les Allemands freinaient, poussaient les célèbres cris d’orfraie, affirmant que jamais ils ne se laisseraient violer. Résultat, les marchés ont tenu, les taux des pestiférés ont rétrogradé, on a obtenu, à peu de frais, une pause, une accalmie. Une accalmie qui nous place en position d’attente de la Cour Constitutionnelle allemande prévue pour la première quinzaine de septembre. Ensuite, on attendra le sommet européen d’octobre. On a pu aussi, grâce à ces alternances de chaud et de froid, d’accélération et de freinage, passer le cap de la Grèce. Draghi finance en sous mains, en catimini. Pour faire bonne mesure, la Troïka a retardé la remise d’un rapport qui est terminé depuis longtemps et dont tout le monde, parmi les initiés, connait les conclusions.

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Les esprits curieux s’inquièteraient et se demanderaient comment diable tout ceci est il possible, comment ces gens conservent-ils la moindre crédibilité, comment les marchés tombent-ils dans le panneau? La réponse est simple, il n’y a plus d’esprit critique, il n’y a que de la connivence. Les gouvernements, les banquiers centraux, les banques, les économistes, les médias mangent à la même soupe, les partis politiques européens sont tous sur la même ligne. Il faut continuer, il faut maintenir l’euro. A partir de là, tout est permis. C’est plus que de la raison d’état, c’est un impératif tombé du ciel, pire que l’impératif Kantien, lequel autorise tout, blanchit toutes les noirceurs. Face aux noirceurs, l’euro lave plus blanc. Tout est permis.

C’est comme en tant de guerre, ceux qui savent et qui vont envoyer les autres se faire descendre s’octroient tous les droits au prétexte de soi-disant intérêts supérieurs dont ils seraient les garants.

De la même manière que maintenant, dans les conflits,  le jeu de massacre est concentré sur les civils, le jeu de massacre financier est concentré sur les citoyens lambda, la chair à canon de la bataille financière. La piétaille de l’épargne.

Tout est fait pour imposer la voie de cheminement, nous ne disons pas la voie de sortie, de la crise,  qui convient aux kleptocrates et à leurs multiples alliés. Et il faut le dire, nous sommes admiratifs, tant cela est fait habilement. On gère tout ce qui est de l’ordre des perceptions, des émotions, des apparences, des signes, à la perfection. Le seul problème, tout petit problème, c’est qu’au niveau du réel on ne fait rien. Rien qu’aggraver la situation et préparer des surlendemains qui déchanteront, d’autant plus qu’il y aura eu une fausse ivresse entretemps.

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Le cheminement est de plus en plus clair pour qui sait reconstituer en toute indépendance d’esprit les morceaux du puzzle ou plutôt, sait voir les petits cailloux blancs. 

  • Voici quelques pistes : 

-L’austérité comme concept de base pour lutter contre la crise, c’est fini.

-Les pare feux pour protéger, éviter les contagions, c’est fini. 

-Les ESM, EFSF nus, les solidarités fiscales c’est fini. 

-Le mythe de l’intégration politique et donc fiscale, c’est fini. 

-Le mythe d’un «core» qui soutiendrait l’ensemble, c’est fini, exit l’Espagne et l’Italie. 

-Le tabou du non financement des govies par la Banque Centrale, c’est fini. 

  • En revanche ce qui émerge c’est : 

-Le risque de dislocation, le risque de break -up comme on dit. 

-Le risque de dénomination, de conversion, le risque de change. 

-Le risque d’explosion sociale, de troubles, voire de révolution. 

Le tout accompagné de déclarations solennelles qui excluent totalement la disparition de l’euro. Le fameux « coûte que coûte ». 

Quand on met l’ensemble bout à bout, qu’on rapproche de l’autre élément passé sous silence, à savoir la dégradation rapide de l’activité économique en Europe et singulièrement en Allemagne, qu’on rapproche de l’affaiblissement accéléré de la conjoncture partout dans le monde, alors, on a la conviction qu’autre chose, un mauvais coup, se prépare.

Pour ceux qui suivent la presse allemande, les indices sont là également, les conservateurs multiplient les interviews, les déclarations, les articles, les livres même, pour s’opposer à l’irrésistible ascension de Draghi. Encore ces derniers jours, Weidman est monté au créneau, il a frappé fort, très fort pour quelqu’un qui est habitué au parler façon « robinet d’eau tiède » des banquiers centraux.

Weidman a bien compris qu’en sous-main Merkel soutenait Draghi et que même Schauble, malgré ses sorties trompeuses, allait dans le même sens. Le gouvernement allemand se laisse violer, tous ses efforts se concentrent sur la question d’obtenir des contreparties. 

Weidman met en avant plusieurs points fondamentaux contre la monétisation :

-L’achat de bonds souverains viole les règles du traité. 

-Les achats indirects sont un moyen de tourner le traité. 

-Cette politique équivaut à un financement des Gouvernements par la planche a billets. 

-La BCE viole les règles de la démocratie en appauvrissant les contribuables citoyens. 

-Le financement monétaire est une drogue qui rend «addict», dépendant, on ne peut s’arrêter.. 

Il faut noter qu’après ces déclarations de Weidman, Merkel est intervenue pour… soutenir Draghi. Elle a dit: Weidman est dans son rôle en attirant l’attention sur les risques, mais Draghi n’a rien fait de mal, il reste fidèle à son mandat. Quant à Schauble, il a insisté sur «la nécessaire consolidation du secteur bancaire européen» et la nécessité de renouer avec une croissance vigoureuse en Europe et en Zone Euro.

Pour nous, tout est évident, on prépare ce qui, il y a quelques années, aurait paru impensable, la monétisation, le financement monétaire des gouvernements européens et de leurs banques. Nous ajoutons de leurs banques car tout va dans ce sens. Ce qui se passe avec l’Espagne est un test grandeur nature. On a compris que l’on pouvait faire d’une pierre deux coups par la monétisation, recapitaliser les banques et, en même temps, renflouer les Etats.

Il nous parait probable que l’on ira au-delà des achats de bonds souverains et que l’on mettra en place des tourniquets et subterfuges pour recapitaliser, par la monétisation, le secteur bancaire. Ce n’est pas un hasard si, depuis quelque temps, cette idée d’un contrôle européen du secteur bancaire fait son chemin, elle est complémentaire de la recapitalisation directe ou indirecte par la monnaie. Regardez les cours des valeurs  du secteur bancaire depuis quelques temps. Ils parlent d’eux-mêmes.

En résumé, notre conviction est que l’on a touché les limites des fausses solutions antérieures, elles sont insuffisantes, elles provoquent divisions et affrontement, elles étouffent les économies, exacerbent les risques sociaux. Assez, assez, il faut passer à autre chose de plus radical.

Place à l’inflation de la monnaie. 

La crise des souverains, la crise bancaire, crise de surendettement généralisé, est une crise du crédit.

Les obligations des Etats, des banques, n’inspirent plus confiance, il faut les remplacer par autre chose, il faut engager la crédibilité d’une autre institution qui va émettre, elle aussi, du crédit, de la monnaie de crédit, et cette institution, c’est la BCE.

Les Etats Unis, la Grande Bretagne l’ont fait,  et ils se portent moins mal que l’Europe. 

Ils sont en avance  dans la monétisation, l’Europe a du retard. L’Europe va donc devoir combler son retard, vite et en un temps réduit. Elle va devoir forcer la marche. La toxicité des dettes contenues dans le secteur bancaire, les fuites de dépôts bancaires, les gouffres de finances publiques, tout contribue a ce que l’on frappe vite et fort. L’Europe a besoin d’une monétisation de prés de 3 trillions. Hé oui, cela va couter cher les erreurs, mensonges et malhonnêtetés réunies. 

N’écoutez pas les officiels, ils ne parlent que pour vous induire en erreur et avoir les mains libres pour monétiser en limitant les conséquences non voulues. Ils ne voudraient pas, par exemple que vous vous précipitiez sur les assets pour jouer cette inflation programmée, non, ce jeu est réservé aux banques, qui participent aux discussions et à leurs complices. Tout en proclamant, «Moi monétiser?, Jamais¨! » la BCE a pris une part significative sinon déterminante du refinancement des gouvernements en 2011. Alors on peut se demander qu’est ce que cela sera quand elle acceptera de dire publiquement, maintenant je monétise. Qu’est ce que cela sera quand elle le fera au grand jour. 

Les indicateurs qui permettront de suivre la détérioration de la situation ne sont pas des indicateurs très grand public, comme les taux des emprunts à 10 ans des pestiférés, ce sont des données discrètes comme la masse des besoins de refinancement des Etats et des Banques, les balances, les déséquilibres du système Target 2, le rythme des fuites des capitaux des déposants, les positions à terme sur les changes etc. C’est à ce niveau que se joue la dégradation de la situation européenne et c’est là qu’il faut regarder.

La monétisation, ce n’est rien d’autre qu’une expansion du crédit frauduleux, couverte par les plus hautes autorités. Le stock de dettes des Gouvernements et des banques est trop gros pour être amorti. L’Europe est pour partie en proie a  une crise liquidité, pour partie en proie a une crise solvabilité et il y a une partie qui souffre des deux a la fois.

La BCE va gonfler son bilan, accumuler les créances pourries, créer des systèmes complexes pour recapitaliser les banques. Elle permettra à l’euro de survivre, mais ce sera sur le dos des peuples, avec un coût considérable.

Une fois passés les ajustements des positions de la spéculation, la devise européenne va prendre le chemin de la baisse, l’euro va dévaluer. C’est l’une des conséquences de l’opération. Selon toute probabilité les capitaux des kleptos, des Ultra Riches, les Fonds étrangers vont aller voir ailleurs s’ils sont plus utiles et moins menacés. Il n’est pas impossible qu’un boom boursier s’enclenche, il pourra même bénéficier à tous les véhicules, actions, obligations, or, etc Il est probable qu’une embellie, un sursaut de croissance économique s’enclenche, c’est dans l’ordre des choses. Donc ne vous étonnez pas de la hausse paradoxale des marchés, il y a des Gros, des très Gros, proches des Pouvoirs et des Banques Centrales qui pensent comme nous. 

Tout ce là n’est que probable, mais ce qui est sur,  c’est que l’euphorie sera de courte durée, car ce boom sera artificiel et on aura confondu l’imaginaire avec le réel. On ne résout pas un problème d’excès de dettes en augmentant la masse de dettes, fut ce par le biais de l’émission de monnaie de crédit. La confiance, celle dont nous vous parlons souvent, a des limites. Des limites que personne ne connait. 

Apres la fête viendra l’heure de la gueule de bois. Dans deux ans, peut être trois. L’argent excédentaire dans le circuit mondial est considérable. On va en rajouter, en remettre et si cela marche, alors ce sera le déclic, le catalyseur. Tout ce qui est stocké, mis au parking par prudence va se déverser, inonder, submerger les économies et les marchés mondiaux. La vitesse de circulation va tenter de reprendre son allure normale après des années de baisse. Le problème au stade ou nous en sommes ce n’est même plus l’excès de monnaie dans le circuit, mais la vitesse à laquelle la monnaie va circuler. 

Une fois cet argent mis en mouvement, plus rien ne pourra l’arrêter. N’oubliez pas que les apprentis sorciers n’ont aucune expérience, aucune référence, aucune théorie pour traiter le problème, ils innovent. Et quand on a vu le résultat de leurs innovations depuis 30 ans, on a des raisons d’être effrayés. Le patron d’Unilever Europe vient de faire un constat de bon sens. «La pauvreté revient en Europe nous sommes en train de nous y adapter.» Voila le résultat de décennies d’erreurs, de mensonges, de dirigisme.

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