Les plans sociaux font-ils des morts économiques ? Ce que deviennent les salariés licenciés 5 ans ou 10 ans après<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Mais que deviennent les salariés après un plan social ?
Mais que deviennent les salariés après un plan social ?
©Reuters

Le jour d'après

Que deviennent les salariés licenciés après un plan social ? Une reconversion est-elle réellement possible ?

Xavier Tedeschi

Xavier Tedeschi

Xavier Tedeschi est fondateur de Latitude RH 

Il accompagne depuis 20 ans les entreprises dans leur projet de transformation et de redéploiement.

Fort de son expérience managériale et des grands projets de transformation, il publie en septembre 2012 son premier livre « Et moi, je fais quoi ? » (Editions du Palio), un recueil de nouvelles à travers lesquelles il plaide la « saine restructuration », une démarche opérationnelle pour une restructuration socialement responsable et économiquement réussie.

Voir la bio »

On a beau dire et faire, départ volontaire ou départ contraint, perdre son emploi est intolérable, inacceptable, cela brise des vies, des familles. Cet événement critique de la vie, à l’instar d’un décès, dépasse les capacités personnelles habituelles. C’est l’effondrement de l’ensemble de la structuration de l’individu : anxiété, hausse des addictions, perte l’estime de soi, perte d’identité. Autant de dangers et d’urgences à accompagner le plus en amont possible. Mais c’est aussi -comment l’avouer ?- un moment particulier de mise au point, d’arrêt sur image, sur une carrière, une expérience ballotée au rythme du « boulot-métro-dodo ». Au pied d’un mur lorsque le facteur dépose le courrier de notification de licenciement, dans la boite aux lettres, un monde s’écroule et un autre doit se reconstruire. Et chacun se pose la question primordiale, légitime de « et moi, je fais quoi ? »

Un travail accompagné mais personnel

Il ne peut y avoir d’approche collective. Cette reconstruction est individuelle, chacun véhicule son histoire, son expérience. Les mesures d’accompagnements, les indemnités appréhendées de façon collective, sont là pour soutenir ce travail qui s’inscrit dans le temps. Et arrêtons de parier sur des opérations de ré-industrialisation massives qui permettraient de reclasser collectivement les intéressés. Cela relève de l’exception, le reste n’est que démagogie.

Un recruteur, un employeur investit sur le futur, jamais sur le passé. Avant même de penser à le rencontrer, il est impératif de prendre rendez-vous avec ses compétences, son niveau d’expérience et sans faux semblant. Le bilan de compétence, le point de carrière, s’il est mené par de véritables professionnels, est un outil de tout premier ordre.

Un rendez-vous avec soi-même… et son 1er cercle

Ce serait mensonge ou illusions que de penser que son futur emploi est le dernier. 5 ans ou 10 ans après, l’intéressé aura changé 2 ou 3 fois de job, rien d’étonnant ni de grave si, fort de cette 1ère expérience, il aura su recaler ses compétences en adéquation avec le marché et de rester en veille. Ce qui m’étonne encore aujourd’hui après 20 ans d’expérience, c’est la rapidité avec laquelle les intéressés oublient ces périodes de rupture et ses enseignements… jusqu’à la prochaine rupture ! 

Le choix d’une reconversion nécessite une « pesée » de ces contraintes, de sa capacité d’investissement et l’accord de son 1er cercle, conjoint et enfants. Deux questions simples doivent trouver une réponse : Suis-je prêt à me reconvertir si cela est nécessaire, et suis-je prêt à changer de région ? Sinon comment allez plus loin ? Si le job prime, il faut peut-être envisager une mobilité géographique, au contraire si la région prime alors une reconversion doit être envisagée. Et que faire de la proposition de mobilité interne à l’autre bout de la France ? Question simple, choix difficile mais démarche responsable ?

Une étude de marché

Que cela plaise ou non, nous avons face à nous un marché avec le jeu de l’offre et de la demande. La question n’est pas quelle secteur embauche ou pas ; quels sont les secteurs d’avenir ou pas ;  mais à partir de mes savoir-faire, compétences et formations acquises  - ou à acquérir - où puis-je me reconvertir ? Evidemment que certains secteurs sont plus porteurs, les journaux regorgent de « bons plans » de « là où il faut aller » mais ne laissons pas croire que nous deviendrons tous spécialiste du voyage par ce que l’heure est au tourisme, de l’hôtellerie/restauration parce que le secteur est en pénurie, ou naturopathe parce que la période est au « Bien-être ». C’est indécent et irresponsable. Il n’y a pas de solution collective de reclassement ou très rarement, la démarche est avant tout une démarche individuelle. Ceci ne veut pas dire qu’il faut tout accepter à n’importe quel prix ! Les mesures d’accompagnement et d’indemnisation sont là pour permettre d’étudier, chercher et… se mettre en adéquation. A l’heure où la bulle Internet a éclaté et s’est stabilisée, que l’industrie classique est dans la vieille Europe à l’agonie et n’offre plus de réelle perspective de carrière, il est raisonnable de penser qu’il n’y a pas sur le moyen terme de secteur « miracle » à fort potentiel de recrutement comme on a connu dans les années 1970 avec l’explosion de l’informatique. Il est plus judicieux et « vendeur » de partir de ses compétences acquises  - ou à acquérir - et expériences pour  déterminer des cibles de reclassement.

J’aimerai attirer l’attention des partenaires sociaux qui ont la lourde tâche de négocier les PSE et leurs mesures d’accompagnement : de la prise en compte des spécificités des personnels concernés, du territoire local et de son éco système dépendront la réussite des opérations de reclassement qui ne peut se limiter à une « photocopie » d’un PSE précédent ou similaire, ni au seul niveau d’indemnisation.

Et si le combat est justifié et légitime il faut néanmoins faire attention à la sur exposition médiatique qui est contre-productive. En effet, dans ce cas, quels seront  les employeurs qui prendront le risque d’accorder leur confiance ?

Quand j’écris cela mes pensées vont à Nathalie, aujourd’hui infirmière, qui poussait depuis l’âge de quatorze ans des balles de coton dans une usine de textile. A Marie-Thérèse, retranchée dans sa cuisine pour se consacrer à sa passion des gâteaux et autres tartes parce qu’elle se trouvait dépassée, trop âgée, et qui aujourd’hui travaille comme chef d’équipe… dans une pâtisserie industrielle. A Jean-Yves, bricoleur doué qui a obtenu par entêtement un poste de vendeur dans une grande surface dédiée à sa passion : aux dernières nouvelles, il est chef de rayon.  A Jean-François, le syndicaliste revanchard qui se consacre depuis plus dix ans à la formation en alternance de jeunes dans la maintenance électroménagère. Evidemment qu’il reste des gens sur le tapis mais il y a aussi ceux qui se relancent en ayant utilisé les outils mis à disposition, consentis des sacrifices de mobilités, de formations parfois de flexibilité. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !