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Les syndicats de fonctionnaires demandent au gouvernement de supprimer le jour de carence mis en place par la droite pour les arrêts-maladie.
Les syndicats de fonctionnaires demandent au gouvernement de supprimer le jour de carence mis en place par la droite pour les arrêts-maladie.
©Flickr / YoussCool2010

Bobard

Mais pourquoi donc se soucier des concertations sur la rémunération des fonctionnaires sachant que ces derniers sont automatiquement augmentés tous les 3 ans ?

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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La ministre de la Fonction publique est confrontée aux discussions épineuses sur la fameuse revalorisation de la valeur du point des fonctionnaires. En théorie, le gouvernement actuel devrait maintenir la mesure de gel adoptée par le gouvernement précédent. Pour mémoire, ce gel porte sur la valeur du point unitaire (équivalent à environ 4 euros nets mensuels) qui sert de base de calcul à l’ensemble des salaires des titulaires de l’administration.

En apparence, le gouvernement se montrera donc inflexible sur une stagnation salariale dans le service public, au grand dam des syndicats de fonctionnaires comme FO.

Pourtant, cette affaire de gel du point de la fonction publique, quand on y regarde de près, apparaît comme un superbe leurre qui mérite un petit décryptage. Il existe en effet trois grandes façons d’augmenter les salaires des fonctionnaires sans toucher à la valeur du point, astuces qui réduisent d’autant la portée de l’apparente inflexibilité gouvernementale.

Première astuce: les grilles salariales sur lesquelles les fonctionnaires sont placés prévoient des augmentations automatiques des salaires tous les deux ans environ. Il s’agit des échelles indiciaires bien connues des principaux concernés, grâce auxquelles chaque fonctionnaire, sans que la valeur du point ne bouge, progresse à l’ancienneté dans la carrière selon un rythme balisé parfois vingt ans à l’avance.

Grâce à ce système, un fonctionnaire peut voir son salaire multiplié par deux sur vingt-cinq ans, quelle que soit sa performance personnelle. Dans ce déroulement, l’augmentation de la valeur du point permet d’accélérer sa progression. Mais un fonctionnaire peut très bien voir son salaire augmenter dans l’année malgré la stagnation de la valeur du point grâce à la magie de l’échelonnement indiciaire.

Deuxième astuce: les petits secrets des régimes indemnitaires. Peu de salariés du privé ont conscience que parfois plus de la moitié de la rémunération totale des fonctionnaires est constituée de primes variables dont la RGPP a accru la dérive. La mécanique des suppressions de postes prévues par cette RGPP si mal ficelée prévoyait en effet qu’une partie des économies réalisées à chaque suppression d’emploi était redistribuée sous forme de primes aux fonctionnaires restant en poste.

Grâce à cette astuce, certains ministères ont transformé en sport collectif l’exercice parfois très illusoire de suppressions de postes au moment du départ à la retraite de leurs titulaires. Le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, s’en est d’ailleurs ému dans un courrier au ministre des Finances du 24 février 2012, où il reprochait aux services de Bercy d’empiler les primes les plus suspectes sous l’étiquette générale d’allocation complémentaire de fonctions, pour laquelle il proposait un moratoire.

On notera avec intérêt que le ministère des Finances se montre particulièrement avare d’informations sur les primes dans la fonction publique. Certains murmurent même que la loi de Finances est parfois assez confuse, voire d’une sincérité douteuse, sur la réalité des primes versées aux fonctionnaires.

Ces deux premières astuces sont au demeurant bien connues des praticiens. Elles composent le glissement vieillesse-technicité (GVT), c’est-à-dire l’augmentation «naturelle» de la masse salariale de l’Etat lorsqu’aucune mesure nouvelle ne l’augmente par ailleurs. Cette force d’inertie des salaires des fonctionnaires est d’environ 2% par an.

 Autrement dit, dans les années où le point fonction publique est gelé, la masse salariale de l’Etat (80 milliards d’euros) augmente naturellement de 2%.


Troisième astuce: les mesures catégorielles, c’est-à-dire la décision de verser une catégorie de fonctionnaires dans une nouvelle catégorie plus rémunératrice.

Ces mesures catégorielles sont parfois très voyantes. Par exemple, la fusion, décidée dans le cadre de la RGPP, des réseaux du Trésor Public (Direction générale des Impôts et Direction Générale de la Comptabilité Publique), et menée par un ami personnel de Nicolas Sarkozy, M. Parini, a coûte bonbon aux contribuables. Un rapport du Sénat chiffrait le coût de l’opération entre 2008 et 2010 à près de 600 millions d’euros, avec un surcoût annuel récurrent de 200 millions d’euros. Les initiés évoquent même des chiffres beaucoup plus importants.

Les fonctionnaires sont coutumiers de mesures catégorielles beaucoup plus discrètes: tel poste est revalorisé pour servir son détenteur, et fait l’objet d’un reclassement catégoriel favorable. Tel groupe d’amis du pouvoir ou de décideurs bénéficient d’un coup de pouce salarial à peu près invisible pour les collègues.

Au total, les 80 milliards de masse salariale de l’Etat ne permettront pas à eux seuls de régler le problème du désendettement public. En revanche, il est important que les fonctionnaires participent au même effort que les salariés du privé pour rétablir la prospérité collective.

En focalisant l’attention sur le gel du point, les organisations syndicales passent à la trappe les autres aspects de la rémunération des fonctionnaires. Et les astuces qui permettent de s’affranchir de ce gel pour améliorer les situations individuelles. Cet oubli syndical, soyons clair, est très éloigné de l’intérêt général que les syndicats aiment mettre en avant.

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