Métier à risques ? Pourquoi les professeurs sont toujours plus nombreux à s'assurer<!-- --> | Atlantico.fr
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Les enseignants sont de plus en plus nombreux à s'assurer face aux risques du métier.
Les enseignants sont de plus en plus nombreux à s'assurer face aux risques du métier.
©Reuters

Monsieur le professeur

Derrière l'euphorie de la rentrée des classes se cache un véritable malaise. Les professeurs sont de plus en plus nombreux à s'assurer contre les aléas du métier, insultes, provocations et coups...

Louis Cornillon

Louis Cornillon

Louis Cornillon est avocat-conseil pour l'Association Solidarité Laïque.

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Atlantico : A l'aube d'une nouvelle rentrée scolaire, les professeurs sont de plus en plus nombreux à prendre des assurances pour se protéger des aléas de la profession. Pouvez-vous nous en dire plus ? Ce phénomène est-il nouveau ou bien se développe-t-il déjà depuis plusieurs années ?

Maitre Cornillon : Ce sont des assurances de type juridique qui interviennent dans plusieurs cas.  Par exemple, si un enseignant se fait rayer sa voiture ou bien agresser, il peut se retrouver traumatisé.

L’assurance lui donne le moyen d’avoir une prise en charge et une protection rapide. Un interlocuteur va le guider sur ce qu’il faut faire et ne pas faire, puis il va être orienté vers un avocat qui aura accès au dossier ou non s’il est ouvert par le procureur de la République. L’avocat pourra ensuite donner des conseils juridiques et représenter le professeur.

Ce phénomène n’est pas nouveau, il  répond à une demande croissante qui existe depuis plusieurs années. La société évolue et les gens sont de plus en plus vindicatifs, ils portent plaintes plus facilement au tribunal contre l’enseignant.

Je suis avocat depuis trois ans pour l’ASL (l’association de solidarité laïque) qui est une mutuelle qui travaille en corrélation avec une compagnie d’assurance pour assurer des conseils juridiques aux enseignants qui sont accusés à tort ou à raison. La mise en examen va coûter de l’argent au professeur et il peut se retrouver parfois démuni même si à la fin on arrive à un non-lieu. En passant par l’assurance de l’association, il aura la possibilité d’avoir les meilleurs atouts à sa disposition.

Exercer le métier de professeur est donc devenu dangereux...

Oui, c’est une certitude. Nous sommes dans une société paranoïaque, l’enseignant peut être accusé de tout aujourd’hui, même de pédophilie. Les parents d’élèves veulent parfois casser du professeur.

Il y a encore quelques années, quand un élève faisait du chahut, le professeur pouvait l’attraper et le réprimander. Aujourd’hui, la situation est différente, l’élève a le droit de dire à son professeur "ne me touchez pas", il peut lui dire non. Donc si l’enseignant le touche, l’élève peut se plaindre d’avoir été frappé voir même subi des attouchements.

Si les professeurs sont amenés à souscrire des assurances, peut-on en déduire que ces derniers sont insuffisamment protégés sur le plan juridique ?

C’est sans doute vrai, l’Académie ne prend pas assez en charge les professeurs. Aujourd’hui, on se retrouve donc dans une situation extraordinaire. On est parfois obligé de faire juger un chahut en classe dans un tribunal pour enfant. La société est de plus en plus délirante. Je prends peut-être des caricatures mais c’est des cas avérés que j’ai moi-même connu en tant qu’avocat.

Comment les professeurs sont-ils pris en charge par votre association ?

L’association de solidarité laïque n’a pas pour objet de réaliser des profits. C’est une mutuelle qui est animée par des membres de l’enseignement. Ils connaissent la réalité du terrain, ils apportent des soutiens et donnent énormément de conseils. Cette association va à la rencontre de nouveaux enseignants pour les prévenir de cette réalité, des difficultés. Elle ne prend en compte que la responsabilité pénale car l’Etat prend en compte la responsabilité civile.

L’association organise des réunions d’information. Les enseignants font face à des cas pratiquent pour voir comment agir dans certaines situations. Par exemple, un élève prend en photographie un professeur avec son téléphone portable. L’association va montrer à l’enseignant comment réagir et lui dire ce qu’il peut faire. Le professeur peut risquer d’être maladroit, il va sévir, confisquer le portable, regarder les photos…  alors qu’il y a des choses à faire avant comme ouvrir un dossier judiciaire, obtenir l’autorisation des parents.

Il y a plein de petites techniques. Autre exemple, un professeur a un problème avec un élève mais les parents sont séparés. A qui faut-il s’adresser ? A la mère ? Au père ? Il faut voir les problèmes d’autorité parentale. Les enseignants ne sont pas préparés à ces situations. C’est bien beau d’avoir une formation pour enseigner mais si à cela, il faut rajouter des études de droit pour connaitre les questions d’autorité parental, la formation ne finit plus.

On arrive grâce à l’association à scinder ce type de problèmes qui reviennent constamment de façon à prévenir, informer les professeurs pour qu’ils aient déjà des réponses.  

A titre personnel, avez-vous défendu beaucoup de professeurs pour l’année scolaire 2011-2012 ? Vous attendez-vous à une augmentation ?

Rien que pour la Loire, j’en ai conseillé une quinzaine et cinq sont arrivés devant le tribunal. Cela peut paraître peu mais je peux vous garantir que pour les personnes concernées ce n’est pas rien. Ce sont des civils qui font l’objet d’accusations ou qui sont agressés, le retour à une vie normal est très dur. C’est vraiment pénible à vivre, le regard change et on a plus la même manière d’enseigner.

Le métier de professeur est très dur, il faut faire face aux élèves mais aussi aux parents d’élèves qui viennent très souvent contester la note qui a été mise à l’enfant. Le professeur est insulté, il est nul, il ne connait rien. On pourrait faire un bêtisier de tout ce qu’ils endurent. Il y a trente ans, une situation comme cela n’existait pas.

Je m’attends à une augmentation de cas de plaintes contre les professeurs. Je ne peux pas vous dire avec certitude de combien elle sera mais, sur trois ans, on constate bien un accroissement de 5 à 6 % de cas semblable.



Propos recueillis par Charles Rassaert

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