Accès aux soins chaotique : comment en finir avec les déserts médicaux<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Plusieurs médecins dénoncent les déserts médicaux français.
Plusieurs médecins dénoncent les déserts médicaux français.
©Reuters

Seul au monde

24 médecins blogueurs ont lancé une offensive pour dénoncer les déserts médicaux français. Toutefois c'est une notion à prendre avec des pincettes, le nombre de médecins sur un territoire n'indique pas particulièrement le niveau de santé d'une population.

Marc Girard

Marc Girard

Marc Girard est médecin et a mené des recherches sur la modélisation mathématique en biologie. Il est désormais spécialiste du médicament et a travaillé avec plusieurs usines pharmaceutiques. Il occupe désormais les fonctions d'expert judiciaire et a couvert quelques scandales de santé publique telle que les hormones de croissance. 

Il est l'auteur de Médicaments dangereux : à qui la faute ? publié aux éditions Danglès en 2011.

Voir la bio »

Atlantico : 24 médecins blogueurs ont lancé une alerte sur les déserts médicaux en France. L'objectif : expliquer pourquoi ces déserts existent et proposer quelques pistes de réflexion pour y remédier. Comment peut-on réussir à trouver plus facilement des médecins ?

Marc Girard : Le système français est disproportionné et déséquilibré et pour la bonne raison que les collectivités s'engagent à garantir un certain nombre d'avantages aux médecins qui en retour ne s'engagent à rien. Il est essentiel de comprendre que quand les médecins signent la convention médicale, ils consentent à faire partie d'un contrat. Il y a donc des obligations de part et d'autres des contractuels. A la différence des autres libéraux tels que les avocats ou les architectes, les médecins n'ont pas à se démener autant pour trouver un lieu d'installation ou même une clientèle. Globalement, ils sont payés par l'Assurance maladie à la manière de salariés. Au lieu de se donner des engagements réciproques, ils veulent conquérir les mêmes libertés que les autres libéraux. Si on jette un œil chez nos voisins européens, en Angleterre par exemple, il est clair que les médecins sont des employés et n'ont pas la liberté de faire ce qu'ils veulent. Il faudrait que les autorités contraignent les médecins à respecter les clauses de leur convention en leur imposant un lieu d'installation.

Aujourd'hui, il n'y a aucun engagement quant au lieu d'installation et c'est d'autant plus paradoxal que les pharmaciens ne s'installent pas où ils veulent, on leur accorde une zone ou on estime qu'il y a un manque. Entendez-vous parler de désert pharmaceutiques ?

Les déserts médicaux existent, c'est indubitable. En revanche, ils sont moins importants si on prend on compte les besoins réels de santé de la population. Aujourd'hui beaucoup de français vont chez le médecin non pas parce qu'ils sont malades mais parce qu'on leur dit d'y aller pour des choses inutiles. Il est acquis que le niveau de santé d'une population n'est pas lié à son nombre de médecins, en revanche les dépenses d'assurance maladie et de santé le sont. Les Etats-Unis et la France qui font partie des pays avec le plus de médecins ne font pas pour autant partie des peuples les plus en santé.

Comment un patient habitant dans une zone considérée comme désertique peut-il trouver un médecin ?

Dans ces zones, il n'y a pas trente-six solutions, les habitants se réfugient aux urgences les plus proches. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'on retrouve des parents avec des enfants avec une simple fièvre et qui pénalisent ceux qui souffrent de véritables affections. Les urgences sont devenues le moyen de pallier au manque local de médecins. Toutefois ceux qui ne vont pas aux urgences se résignent à parcourir plusieurs dizaines de kilomètres en taxi ou dans la voiture d'un proche.

Cette mauvaise répartition de médecins a-t-elle un impact concret sur la profession ?

Tout à fait et je peux donner un exemple. Prenez le 16ème arrondissement qui fait partie de ces zones où les médecins se bousculent. Ils n'arrivent donc pas à avoir beaucoup de patients et la seule façon de s'assurer un revenu est de multiplier les actes et de s'arranger pour que les patients reviennent. Une telle attitude s'explique par le fait qu'on a fait tomber la limite naturelle du marché de la santé qui est tout simplement la maladie. Il y a trente ans, on s'est rendu compte qu'il y avait plus de bien-portants que de malades, ceux-ci sont donc devenus la nouvelle cible des médecins qui ont mis en place une importante pratique de prévention. Les conséquences d'un tel bouleversement se matérialisent dans ce grand problème de santé publique : la résistance antibiotique. De nos jours, il n'y a quasiment pas de recherche sur de nouveaux antibiotiques, ce sont les vaccins qui monopolisent les fonds alors qu'ils ne soignent pas de maladie et sont destinés aux bien-portants. Conséquence : des gens meurent à l'hopital d'infections qui ne sont pas contrées par les bons antibiotiques.

Je trouve anormal que l'Assurance maladie continuent de rembourser des soins chez les médecins qui continuent à ouvrir des cabinets dans des zones surpeuplées et qui seront de toute façon contraints de mettre en place cette politique.

Les médecins blogeurs dénoncent l'hospitalo-centrisme qui annule les possibilités de formations de nouvelles générations de médecins généralistes pour une pratique hospitalière. Cette pratique étant ancrée depuis 1958, peut-on réellement redynamiser la médecine libérale ?

Beaucoup y travaillent en pointant du doigt les incohérences du système mais il est vrai que quand on parle de la dérive de la médecine on parle essentiellement de l'omniprésence de l'hôpital. Non seulement, les médecins s'occupent de tâches très secondaires telles que la prescription de mammographies ou de faire des dépistages, mais ils redirigent presque directement toutes les maladies graves vers l'hôpital. A mon sens, c'est révélateur d'un effritement des compétences et on constate des dérives chaque fois un peu plus graves.

La dégradation de la médecine est une réalité et la preuve est la multiplication des accidents médicaux. Car en vérité soigner les malades permet un retour d'expérience, ce n'est pas du tout le cas de la médecine préventive qui est pratiquée actuellement. Les médecins généralistes doivent refaire de la médecine. Mais ils ne sont pas les seuls dans le cas et que leurs symptômes relèvent d'une dégradation globale – et technico-scientifique – de la profession.

Propos recueillis par Priscilla Romain

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !