Mitt Romney capitalisera-t-il sur la dégradation des relations entre les États-Unis et Israël ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Benyamin Netanyahou réclame à Barack Obama plus de fermeté vis-à-vis du dossier nucléaire iranien.
Benyamin Netanyahou réclame à Barack Obama plus de fermeté vis-à-vis du dossier nucléaire iranien.
©Reuters

Last shot ?

Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a taclé à demi mot le président candidat Barack Obama dimanche dernier, reprochant l'immobilisme de la communauté internationale sur la question du nucléaire en Iran.

Frédéric Encel

Frédéric Encel

Frédéric Encel est Docteur HDR en géopolitique, maître de conférences à Sciences-Po Paris, Grand prix de la Société de Géographie et membre du Comité de rédaction d'Hérodote. Il a fondé et anime chaque année les Rencontres internationales géopolitiques de Trouville-sur-Mer. Frédéric Encel est l'auteur des Voies de la puissance chez Odile Jacob pour lequel il reçoit le prix du livre géopolitique 2022 et le Prix Histoire-Géographie de l’Académie des Sciences morales et politiques en 2023.

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Atlantico : Benyamin Netanyahou a déclaré dimanche devant son cabinet "je crois qu'il faut dire la vérité : la communauté internationale ne fixe pas de ligne rouge claire à l'Iran, et l'Iran ne voit pas de détermination internationale à stopper son programme nucléaire". Sans le dénoncer, il s'est montré très critique à l'encontre du président Barack Obama. Comment expliquer cette dissension entre les deux pays ? L'Iran en est-il la seule cause ?

Frédéric Encel : Plutôt que de dissensions entre deux pays, je crois qu'il s'agit surtout de divergences entre deux administrations, voire plus simplement deux hommes. Dès leur prise de fonction respective presque concomitante début 2009, Netanyahou et Obama ne se sont pas appréciés, pour deux raisons au moins. D'abord sur la forme. Le nouveau président américain pouvait reprocher à son homologue d'avoir ouvertement soutenu son adversaire républicain au cours de la campagne ; et pour cause, les amitiés et réseaux de Netanyahou aux Etats-Unis s'inscrivent surtout au sein du grand parti conservateur. De son côté, celui que les Israéliens surnomment "Bibi" a trouvé en Obama un président sinon peu sensible à la cause d'Israël, du moins l'exprimant avec infiniment moins de chaleur que ses deux prédécesseurs Clinton et surtout W. Bush, un born again très proche des évangélistes. On pourrait ajouter qu'Obama n'apprécie pas la tonitruance du ministre israélien des Affaires étrangères, le russophone nationaliste Avigdor Lieberman.

Ensuite sur le fond, Obama a toujours considéré que l'Etat juif disposait d'un rapport de force si favorable face aux Palestiniens, que c'était à lui d'opérer des avancées pour remettre sur les rails le processus de paix, bloqué depuis plusieurs années. Aussi a-t-il tenté d'exercer des pressions sur le gouvernement hébreu, surtout en 2009 et 2010, obtenant du numéro un israélien - par exemple - qu'il admette publiquement la perspective d'un Etat palestinien indépendant (Tel Aviv, juin 2009). Pour sa part, l'équipe Netanyahou, à dominante nationaliste, a toujours souhaité négocier en face to face avec le gouvernement palestinien du président Mahmoud Abbas, ce dernier préférant placer les pourparlers dans un cadre multilatéral. Enfin Jérusalem craint, notamment sur le dossier iranien en effet, un non interventionnisme militaire de l'administration Obama. Mais l'Iran, dans ce schéma général, n'est donc qu'un aspect des dissensions.    

Benyamin Netanyahou apporte sans le dire son soutien envers le candidat Mitt Romney. Alors que le candidat républicain n'a pas une ligne claire en matière de politique étrangère, Netanyahou peut-il jouer un rôle dans l'élection américaine ?

Il le peut dans une certaine mesure seulement, et on aurait tort de fantasmer la puissance du lobby juif. Certes, celui-ci est structuré et puissant, mais, d'une part il ne l'est pas suffisamment pour faire ou défaire une élection entre deux candidats globalement modérés, et, d'autre part la majorité des Juifs américains votent systématiquement démocrate. Enfin et surtout, même les fervents amis d'Israël ne suivent pas nécessairement la ligne idéologique de Netanyahou. Quant à la position de ce dernier, elle est logique puisqu'il a toujours été en faveur des républicains. Autrement dit, même si Romney n'est effectivement pas encore au point sur les grands dossiers internationaux - bien qu'ayant déjà affiché une grande proximité avec Israël - il aura bien sûr la préférence du gouvernement israélien. 

Les relations entre Barack Obama et Benyamin Netanyahou semblent de plus en plus tendues. En cas de réélection du président sortant, à quoi peut-on s’attendre ? Le Premier ministre israélien ne va-t-il pas payer sa position pro républicaine ?

Non car de toute façon, il n'y a guère de rapprochement spectaculaire à attendre entre les deux hommes. D'autant plus qu'Obama entamerait alors son second et donc dernier mandat, et qu'il se sentirait dégagé de toute pression politique pour de prochaines échéances présidentielles. Il va de soi qu'un second mandat d'Obama serait plus délicat à gérer pour Israël qu'un premier mandat de Romney.

A cet égard, le timing institutionnel prévaut largement sur les écarts idéologiques entre démocrates et républicains.
En Israël, si des élections générales avaient lieu aujourd'hui, Netanyahou et le Likoud l'emporteraient haut la main. Dans tous les cas, ce scrutin aura lieu au plus tard à l'automne 2013. Ainsi Obama et Netanyahou risquent de se retrouver sur la même scène mondiale pour au moins trois années supplémentaires...

Sans la promesse d'un appui américain, Israël peut-il attaquer l'Iran ou bien va-t-elle continuer à montrer ses muscles ?

Sans l'autorisation, même implicite, des Etats-Unis, Israël n'enclenchera pas une offensive militaire de cette ampleur et aux conséquences si lourdes. Techniquement autant que politiquement, il s'agit-là d'une évidence. En même temps, comment imaginer que Washington ne soutienne pas son allié, y compris en aval, soit après un coup de force et une riposte iranienne, même avec Obama aux manettes ? Dans toute crise géopolitique, on montre en effet ses capacités et sa détermination. Après cette première phase, tout en parlant toujours très fort, on se prépare. C'est ce qui se passe actuellement. Car c'est très mal connaître Israël, sa société, son mode de pensée, son histoire, ses craintes et ses syndromes, de croire que l'Etat juif permettra à la République islamique d'Iran de pouvoir un jour le frapper mortellement via l'atome...

Propos recueillis par Charles Rassaert

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