Lost ? La convention démocrate peut-elle raviver les espoirs déchus de l'électorat Obama ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
A deux mois de l’élection présidentielle américaine, un sondage place Barack Obama et Mitt Romney au coude à coude.
A deux mois de l’élection présidentielle américaine, un sondage place Barack Obama et Mitt Romney au coude à coude.
©Reuters

Un Barack, et ça repart

Si l'écart entre Romney et Obama est signifiant dans les sondages, il l'est moins lorsqu'on ne prend en compte que les "électeurs probables". La convention démocrate, qui s'ouvre ce mardi, va donc devoir convaincre les déçus d'Obama de revenir vers lui.

Vincent  Michelot

Vincent Michelot

Vincent Michelot est professeur des universités à Sciences Po Lyon, spécialisé dans l'histoire politique des Etats-Unis.

Il est l'auteur de Le Président des Etats-Unis : un pouvoir impérial ? (Gallimard, 2008).

Voir la bio »

Au lendemain d'une convention républicaine réussie en termes de communication mais aux effets incertains sur l'opinion publique, Barack Obama approche la deuxième des trois étapes déterminantes de la campagne présidentielle.

La première, cet été, les banderilles dans la corrida électorale, visait à dominer Mitt Romney et les Républicains dans la définition à la fois des termes du débat (le choix des armes thématiques) et de la nature des hommes. On le sait, une campagne se gagne souvent dans la capacité de l'un des candidats à définir son rival aux yeux de l'opinion publique, surtout lorsque sont en lisse un président sortant et son challenger moins connu. Par ailleurs, les Républicains auraient souhaité que l'on ne parle que d'emploi et de dette publique, mais le débat s'est largement déporté sur les questions culturelles et religieuses (qui ont mis sur le devant de la scène la partie la plus médiévale et la moins présentable du mouvement conservateur) ainsi que sur la protection des systèmes de solidarité, qu'il s'agisse des retraites (Social Security) ou de la santé (Medicare et Medicaid), thèmes sur lesquels les positions du ticket Romney-Ryan sont à la fois contradictoires et inquiétantes pour beaucoup d'électeurs, y compris républicains ou indépendants.

Les sondages sont concordants : en puisant profondément dans leur trésor de campagne, les Démocrates sont parvenus à construire une image négative de Mitt Romney qui, sur la base des seuls chiffres économiques (emploi et croissance) aurait dû sortir largement en avance dans les enquêtes d'opinion à l'approche des conventions, mais se trouve en réalité légèrement distancé, en particulier dans des États clés comme la Floride, la Pennsylvanie ou l'Ohio.

La convention républicaine a atteint deux objectifs : humaniser le robot Romney et établir l'acte d'accusation contre l'Administration Obama. La parole est désormais à la défense… du bilan et à la mise en accusation... des hommes. Chacun l'aura compris en effet, la vraie vedette de la convention républicaine fut Paul Ryan, la colonne vertébrale idéologique et partisane que s'est donné Mitt Romney en choisissant comme colistier un élu qui offre des positions tranchées et dures à la fois sur le rôle de l'État dans l'économie et sur les questions culturelles.

La convention démocrate aura donc pour objectif d'abord de faire la pédagogie des réformes, en particulier de la santé et de Wall Street (les deux grandes lois sont loin d'être pleinement entrées en effet) et de montrer qu'il n'y pas d'alternative viable à un deuxième mandat Obama. Attendons nous donc à un catalogue des horreurs d'une Amérique sans État livrée aux libertariens et aux extrémistes religieux, à un portrait enflammé du cauchemar néolibéral, mais aussi à la célébration patriotique d'une Amérique dans laquelle l'État n'est pas l'ennemi des libertés mais le garant des solidarités.

Attendons nous aussi à une confrontation programmatique brutale entre deux fiscalités très différentes qu'accompagnera un rappel à la réalité budgétaire : les seules coupes ne suffiront pas à ramener l'équilibre des comptes de la nation. Barack Obama endossera donc le manteau responsable de Bill Clinton (qui sera une des personnages centraux de la convention) pour se faire l'apôtre de la discipline budgétaire et prôner l'augmentation des recettes de l'État.

Attendons nous enfin à une armada d'orateurs qui vont appuyer sur les fractures du Parti républicain et sa droitisation de plus en plus affirmée. A quel effet ? Pas vraiment de convaincre les indécis qui sont, tous les sondages le confirment, très peu nombreux aujourd'hui, mais plutôt de mobiliser les électeurs démocrates. Là encore les études d'opinion sont parlantes. L'écart entre Romney et Obama est signifiant lorsqu'on interroge tous les électeurs potentiels, mais lorsqu'on ne prend en compte que les « électeurs probables » (likely votersl), alors Romney peut reprendre espoir. Il faut donc faire venir aux urnes ces « déçus d'Obama » qui pour l'essentiel fondent leur vote sur deux chiffres : 8,3% de chômage et plus de 15% d'Américains « sous employés ».

La convention reprend là un rôle essentiel qu'on ne voit pas derrière les flonflons, les ballons et les drapeaux : c'est un des lieux privilégiés de formation de ces militants qui vont jouer un rôle crucial dans ce que l'on appelle « get out the vote, » les opérations de mobilisation sur le terrain. Si les Démocrates, agitant la muleta idéologique, parviennent à creuser les différences entre les programmes et à enfermer Romney dans le budget de Ryan, dans ses contradictions et dans son passé de venture capitalist, alors Barack Obama pourra, lors de la troisième étape, le premier débat télévisé le 3 octobre, porter l'estocade. Mais dans ces arènes là, le matador est toujours en grand danger.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !