Pourquoi la baisse des ventes de logements neufs ne se traduira pas par une baisse des prix<!-- --> | Atlantico.fr
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Les promoteurs préfèrent la pratique des gestes commerciaux afin d'éviter un bouleversement des tarifs.
Les promoteurs préfèrent la pratique des gestes commerciaux afin d'éviter un bouleversement des tarifs.
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Pas de chance

Les ventes de logements neufs devraient baisser de 25% en 2012 par rapport à 2011. Mais les méthodes commerciales des promoteurs, qui veulent éviter un bouleversement des tarifs, empêchera les prix de diminuer.

Michel Mouillart

Michel Mouillart

Michel Mouillart est professeur d'économie à l'Université Paris X, spécialiste de l'immobilier et du logement.

Il est le co-auteur de La modernité des HLM : Quatre-vingt-dix ans de construction et d'innovations (La Découverte, 2003).

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Le secteur de la promotion immobilière a renoué avec la crise. Les réservations (avec dépôts d’arrhes) confirment leur atonie, le délai d’écoulement des stocks de logements proposés à la vente remonte rapidement et sur un marché dont les perspectives ne sont guère favorables, les mises en vente (c’est-à-dire les nouveaux logements proposés à la commercialisation) ont amorcé leur recul.

Après les graves difficultés qu’avaient connues les entreprises de promotion immobilière lors de la grande dépression, durant les années 2008-2009, le secteur semblait avoir retrouvé la santé. Les dispositions du Plan de Relance de décembre 2008 avaient permis de sauvegarder l’appareil de production et de redynamiser le marché. Mais la crise qui s’est ouverte depuis quelques mois déstabilise durement le secteur : outre la demande qui est en panne, inquiète pour les évolutions du pouvoir d’achat et par la montée du chômage, les soutiens publics traditionnels font défaut (remise en cause du dispositif Scellier du côté des investisseurs, dénaturation du PTZ - prêt à taux zéro - du côté des accédants).

Aussi, alors que le nombre de ventes avait été estimé à 104 800 en 2011 (après 115 400 en 2010), il devrait redescendre au mieux à 80 000 unités en 2012 (près de 25 % de baisse) : donc à un niveau comparable à celui de l’année 2008. Sachant que dans tous les cas, les ventes ne devraient pas excéder 75 000 unités en 2013 si d’ici là rien ne vient dégrader encore plus le cadre du marché.

Donc, dans un tel contexte, la question de la baisse des prix des logements neufs revient. Avec, en filigrane, l’idée suivant laquelle une diminution (significative) des prix permettrait « automatiquement » au marché de rebondir : la solvabilité de la demande serait réévaluée, sans cette intervention publique très souvent associée à un soutien artificiel.

Cette baisse des prix peut paraître évidente et naturelle dès lors que l’offre devient excédentaire : et il est de fait que les stocks représentent aujourd’hui plus de 12 mois de vente, contre à peu près 6 mois en 2010. Mais rappelons qu’au 2nd semestre 2008, au plus profond de la crise, ces stocks étaient de 22 mois… sans que les prix ne baissent ! Parce que le déséquilibre quantitatif global entre l’offre et la demande, surtout sur les territoires sur lesquels se concentre l’offre des promoteurs, était déjà très élevé en 2008. Aussi, comme il est encore plus marqué aujourd’hui, il est peu probable que de ce point de vue les prix baissent.

En outre, et l’observation des crises précédentes (celle de 2008-2009, mais aussi celle de 2000-2001 et avant encore celle du début des années 90 et celle de la fin des années 70) le montre, les promoteurs évitent de s’engager dans une stratégie de baisse généralisée des prix. Par exemple, les prix au m² n’ont baissé que durant la crise du début des années 90 : de l’ordre de 12 % au total entre 1992 et 1997 … mais sur un marché dont l’activité avait durablement reculé de 30 %. Et encore, près de 60 % de la baisse s’expliquent par un effet de localisation des programmes (éloignement des centres urbains) et une baisse de la qualité des logements commercialisés (suppression du garage, prestations moins ambitieuses …).

En revanche, les promoteurs préfèrent la pratique des gestes commerciaux : une bonification des taux d’intérêt, la prise en charge d’un aménagement intérieur … afin d’éviter de bouleverser leurs barèmes de prix. Il est vrai qu’il est difficile de vendre, à quelques semaines d’intervalle, des appartements presqu’identiques mais à des prix différents et que ce qui est vendu aujourd’hui correspond à des coûts (terrains, aménagements fonciers, architecte, construction …) qui pour une grande partie d’entre eux ont déjà été engagés. C’est aussi pour cela que la pratique de la vente de tout un programme durant un week-end est plus courante. Mais il s’agit alors toujours de réduire les coûts de portage de logements terminés ou de limiter les coûts de commercialisation des programmes.

Dans l’immédiat, il est donc peu probable que les prix au m² diminuent : d’autant que les contraintes que font peser les règlementations (règlementations thermiques, normes handicap …) ont un coût qui devrait encore s’alourdir et que souvent les promoteurs doivent supporter des dépenses (aménagement, prestations supplémentaires …) qui en d’autres circonstances auraient dû être pris en charge par les collectivités locales, par exemple. Mais cela ne signifie pas que les prix des appartements ou des maisons de promoteurs ne vont pas baisser : si leur surface se réduit, si leur localisation redevient moins centrale, si la gamme des prestations diminue

Il est plus probable, en revanche, que le secteur de la promotion va encore « réduire la voilure ». L’intensité de la crise actuelle est en effet telle qu’il paraît difficile de croire que les promoteurs vont faire le dos rond, attendant que la reprise se pointe. D’autant que la crise est là pour durer, faute de soutien public ou d’une politique monétaire moins contraignante à l’égard des banques (les conséquences de Bâle III).

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