Arnaud Montebourg tire-t-il une balle dans le pied de l'industrie française en luttant contre le dumping étranger ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le dumping est une pratique aberrante, mais pour des raisons inverses à ce que croit la majorité des gens.
Le dumping est une pratique aberrante, mais pour des raisons inverses à ce que croit la majorité des gens.
©Reuters

Le nettoyeur

Le ministre du Redressement productif a annoncé vouloir lutter contre le dumping des marques de voitures coréennes Hyundai et Kia. Une bien mauvaise idée...

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

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Et si je vous racontais une histoire étrange ? Imaginons deux familles, la famille A et la famille B. Les A et les B sont voisins, et s'entendent bien. Dans ces deux familles, les parents comme les enfants adorent les fraises, et ils en consomment dix cageots par mois chacune.

Imaginons que, mû par un élan du cœur, le chef de la famille B décide de donner à la famille A deux des dix cageots de fraises qu'il achète chaque mois, sans raison. Et si ses enfants mangent moins de fraises, hé bien tant pis.

On pourrait imaginer que la famille A serait contente de cet étrange geste de générosité, et accepterait les cageots de fraises, en se disant qu'ils pourront acheter d'autres choses avec l'argent économisé, ou juste manger plus de fraises.

Maintenant, imaginons que le chef de la famille B veuille absolument que la famille A ait énormément de fraises. Imaginons qu'il décide d'annuler les vacances de la famille pour pouvoir acheter beaucoup de fraises en plus, et les donner à la famille A. Ca serait une décision vraiment bizarre, mais personne ne dirait que la famille A est appauvrie par la famille B, ou que la famille B lui fait subir un préjudice.

Mais mon histoire devient encore plus étrange : face au cadeau de la famille B, le chef de la famille A rentre dans une colère noire. Le chef de la famille A déclare que la famille B est entrain de gagner la guerre des fraises, et que ça serait très grave de les laisser faire. Il décide de rationner la consommation de fraises de la famille, et aussi d'annuler les sorties de la famille pour pouvoir acheter encore plus de fraises, et de les envoyer à la famille B, afin de gagner la guerre des fraises.

Que penser de cette histoire étrange ? Que les deux familles, A et B, sont décidément folles à lier, et qu'un truc pareil n'arriverait jamais dans la vraie vie ?

Pourtant, cette histoire se déroule tous les jours - pas à l'échelle de familles, mais à l'échelle de pays. Et on appelle ça “le dumping.”

Le dumping consiste pour un Etat à subventionner (directement ou indirectement) ses entreprises pour pouvoir offrir sur le marché international des biens ou services à un coût plus bas que le prix de marché. Le dumping est une pratique aberrante, mais pour des raisons inverses à ce que croit la majorité des gens.

La victime du dumping n'est pas le pays qui importe les produits subventionnés, c'est celui qui les exporte. Cette subvention détourne des ressources réelles aux citoyens du pays qui pourraient être employées productivement. Si la Chine subventionne son industrie manufacturière en baissant artificiellement le niveau de sa monnaie, les victimes ne sont pas les consommateurs occidentaux qui ont des biens moins chers ; ce sont les citoyens chinois dont le pouvoir d'achat est affaibli du fait de leur monnaie trop faible. Et quand Arnaud Montebourg veut rentrer en guerre contre le dumping des fabricants de voitures coréens, il tire une balle au pied des Français.

Mais non : quiconque n'est pas horrifié de cette apparition de fraises moins chères est un “naïf” : en effet, la famille B est intelligente. Elle est “pragmatique.” Elle a bien compris, elle, les règles du jeu, et elle nous fait la guerre des fraises. Donc il faut vite, si on est de gauche, réclamer qu'on n'acceptera les fraises de B qu'au prix fort (barrières douanières), ou si on est de droite, se serrer la ceinture (fin des protections sociales) comme les B pour pouvoir exporter le plus de fraises possibles.

Arnaud Montebourg est récemment parti en guerre contre les fabricants coréens de voitures Hyundai et Kia, qui feraient du "dumping" et seraient responsables des licenciements de PSA, pas la faiblesse de la croissance en France ou la stratégie du groupe portée sur les petites voitures moins rentables. C'est peut être lui qui est bien "naïf."

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