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Ayrault, Moscovici, Montebourg... Pourquoi le revirement de la politique anti-patrons reste insuffisant
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Petits mots doux

Pierre Moscovici a donné une interview aux Echos dans laquelle il défend l'esprit entrepreneurial français. Ce changement de ton envers l'entreprise intervient au même moment que le déplacement du Premier ministre à l'université du MEDEF.

François Tripet

François Tripet

François Tripet est avocat fiscaliste.

Avocat au Barreau de Paris depuis 1978, il est essentiellement un " patrimonialiste international " qui, avec son équipe, apporte son concours et son assistance à plus d'un millier de familles réparties sur les cinq continents.

François Tripet est l'auteur de l'ouvrage de réference "Droit Fiscal Francais et Trusts patrimoniaux Anglo-saxons " ( LITEC, 1989 )

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Atlantico : Dans une interview donnée aux Echos ce mercredi, Pierre Moscovici porte une attention toute particulière aux entreprises et aux patrons, déclarant notamment qu’une attention forte devait être portée pour ne pas décourager l’esprit entrepreneurial. La gauche aurait-elle enfin compris l’importance des chefs d’entreprise en France ?

François Tripet : Non, pas du tout. Le gouvernement s’est simplement rendu compte qu’en tapant sur les patrons, on ne sécurisait pas, à terme, la préservation de l’emploi. Compte tenu des récentes sorties assez scandaleuses d’Arnaud Montebourg, il est bien évident qu’il fallait que le gouvernement réagisse de manière à donner l’impression d’être plus proche du patronat. Mais on reste à la surface des mots. Le gouvernement a simplement cherché à rattraper les impairs d’Arnaud Montebourg.

Il y a bel et bien un changement profond de doctrine, car il y a une prise de conscience réelle du fait que ce sont les patrons qui font l’emploi et qu’ils ne sont pas des exploiteurs abominables. Aujourd’hui le problème n’est plus là, mais le mal est fait : à partir du moment où vous avez créé un climat de défiance, vous ne pensez pas un seul instant que les patrons – qui sont tout sauf stupides – vont se dire « Ah, il y a un changement radical, ils ont enfin compris ». Non. A partir du moment où une défiance est installée, elle s’installe durablement. Et ça c’est le premier handicap du point de vue entrepreneurial : les patrons savent que le politique est prêt à manipuler la surface des mots pour maintenir une ambiance moins catastrophique qu’il n’y paraît, alors qu’en réalité il ne cède rein, tout simplement parce que ce n’est pas dans ses convictions. Voilà le premier élément qui va à l’encontre d’un climat entrepreneurial serein.  

De plus, quand on  veut chercher un climat entrepreneurial, la deuxième règle c’est d’avoir un cadre législatif le plus stable possible. Or nous sommes dans une instabilité quasi permanente de la norme, ce qui oblige les patrons à anticiper.

Le troisième élément, c’est ce que l’on pourrait appeler le constat objectif. Patron ou pas, il y a un déficit public à combler et la question est de savoir comment. Soit par un effort spécial demandé aux entreprises ou par un effort aux contribuables. Cela va donc inévitablement peser sur la consommation donc sur la capacité des marges bénéficiaires des entreprises. L’une des possibilités aurait été une relance keynésienne par l’investissement productif, cet investissement ne produit d’effets que dix ans plus tard et les politiciens ont besoin de résultats concrets avant la prochaine échéance électorale. Trouver une réponse favorable dans les cinq ans à venir est assez compliquée. D’autant plus que ni la droite ni la gauche ne veut toucher à la dépense publique. Il est clair que si l’on veut s’attaquer à la dépense, c’est cela qu’il faut remettre à plat. Cela demande un courage politique qui n’est pas loin du courage suicidaire !

L’effort va donc être réparti entre l’entreprise et les salariés. Le coût des charges sociales ne peut donc qu’augmenter et cela a un impact direct sur les marges de l’entreprise. Pour obtenir de réels résultats, il faudrait remettre à plat tout le système social français mais cela est un véritable sujet tabou. On préfère, à droite comme à gauche, le laisser s’effondrer que de prendre la responsabilité de le réformer.

Pierre Moscovici a pourtant déclaré qu’il ne voulait pas une fiscalité défavorable aux entreprises, qu’il voulait combattre la rente plutôt que l’esprit d’entreprise…

Ce sont des déclarations d’intention politique mais cela ne va pas plus loin. Il n’existe pas de moyens de différencier entre la situation de rente prétendument inacceptable et la situation de productivité à protéger. Tout ceci prouve une méconnaissance totale de l’entreprise. L’anticipation des évènements s’inscrit en faux contre la situation de rente qui n’existe que par accident et qui n’est jamais recherchée en tant que telle.

Vouloir stigmatiser des entreprises rentières par rapport à des entreprises du secteur concurrentiel productif est typique du langage du politicien qui ne connait rien de la réalité économique.

Le ministre de l’économie a annoncé que les biens matériels de l’entreprise ne seraient pas pris en compte dans l’ISF. Quel impact peut avoir une telle mesure ?

Il a été question il y a un mois de passer à l’ISF les biens professionnels. Pierre Moscovici ne fait qu’éteindre l’incendie car une telle mesure assurerait l’effondrement complet de l’emploi dans les années à venir, surtout dans le climat actuel où les marges sont relativement tendues. Seuls des politiciens irresponsables ont pu évoquer cette idée. Ce n’est donc pas une avancée mais un retour en arrière sur une erreur de communication majeure.

Moscovici réfléchit sur les 75 % pour que la taxation ne décourage pas l’activité économique… belle déclaration ! Mais ce que le ministre oublie de dire, c’est qu’il y a moins de trois mois, le Conseil constitutionnel l’a mis en garde sur le caractère exceptionnel d’un tel impôt.

Malgré les efforts de la gauche, quelles sont les mesures qui vont véritablement peser sur les entreprises et décourager l’esprit entrepreneurial français ?

Il n’y a pas eu une seule mesure dans la loi de finance rectificative qui allait dans le sens de l’entreprise ! On ne peut pas être dans une situation plus catastrophique. Le gouvernement a mangé son crédit notamment par l’action d’Arnaud Montebourg dès les premières semaines qui vont durablement affecter la confiance des chefs d’entreprise. Ce qui nous attend de plus favorable, c’est la fin de l’euro. Il est évident que la Grèce sortira de l’Europe suite au refus de payer des Allemands et le mécanisme de solidarité de l’euro s’effilochera au fur et à mesure. Cela va nous permettre une dévaluation qui va donner un ballon d’oxygène aux entreprises.

Le gouvernement ne va-t-il pas devoir faire marche arrière sur ces mauvaises réformes pour essayer de sauver les entreprises françaises ?

Lorsque la confiance est entamée, les mesures de marche-arrière sont des mesures d’hypocrisie, ce que nous appelons des mesures politiciennes qui n’engagent que ceux qui les écoutent. Les électeurs peu formés pourront être dupes mais certainement pas les chefs d’entreprise !

Propos recueillis par Célia Coste

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