5 à 6 centimes d'effort : Total ne peut-il vraiment pas faire plus pour diminuer le prix de l'essence ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le PDG de Total, a indiqué qu'en acceptant une baisse de 5 à 6 centimes par litre de carburant, son groupe "ne peut pas faire plus" dans la baisse des tarifs.
Le PDG de Total, a indiqué qu'en acceptant une baisse de 5 à 6 centimes par litre de carburant, son groupe "ne peut pas faire plus" dans la baisse des tarifs.
©Reuters

Prix à la pompe

Si les marges des groupes pétroliers se situent probablement entre 1 et 5 centimes dans la vente d'essence, c'est surtout dans la production que Total réalise la majorité de ses profits...

Thomas Porcher

Thomas Porcher

Thomas Porcher est Docteur en économie, professeur en marché des matières premières à PSB (Paris School of Buisness) et chargé de cours à l'université Paris-Descartes.

Son dernier livre est Introduction inquiète à la Macron-économie (Les Petits matins, octobre 2016) co-écrit avec Frédéric Farah. 

Il est également l'auteur de TAFTA : l'accord du plus fort (Max Milo Editions, octobre 2014) ; Le mirage du gaz de schiste (Max Milo Editions, mai 2013).

Il a coordonné l’ouvrage collectif Regards sur un XXI siècle en mouvement (Ellipses, aout 2012) préfacé par Jacques Attali.

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Atlantico : Christophe de Margerie, le PDG de Total, a indiqué mercredi matin sur RTL que, en acceptant une baisse de 5 à 6 centimes par litre de carburant, son groupe "ne peut pas faire plus" dans la baisse des tarifs. Les marges de ce groupe pétrolier sont-elles vraiment si faibles ou peut-il faire davantage ?

Thomas Porcher : Il faut d’abord rappeler que la baisse de 5 à 6 centimes ne sera pas entièrement prise en compte par Total car 3 centimes viendront de la baisse des taxes et l’effort supporté par Total ne sera donc que de 2-3 centimes. C’est vrai que les marges nettes des distributeurs sont de l’ordre de quelques centimes mais il reste un halo de suspicion sur ces marges nettes.

L’UFIP (Union française des industries pétrolières, ndlr) annonce qu’elles sont de l’ordre de 1 centime par litre mais lorsque Leclerc annonce qu’en vendant à prix coûtant, il peut faire baisser les prix de 2-3 centimes. Le consommateur se rend bien compte que les marges ne sont pas celles annoncées. Mais il ne faut pas non plus fantasmer, la marge à la distribution n’est probablement pas d’un centime mais elle n’est pas également de 10 centimes, elle doit se situer entre 1 à 5 centimes ce qui reste un levier faible pour faire baisser les prix de l’essence.

En 2011, Total a réalisé 12 milliards d'euros de profits. Si les marges des groupes pétroliers sont aussi faibles qu'il l'annonce, sur quelles autres activités réalisent-ils d'aussi grands bénéfices ?

Total a une activité en amont (production-exploration) et en aval (distribution). Sur les 12 milliards d’euros de bénéfices, 10 sont réalisés en amont et 2 en aval dont 1 milliard de bénéfices en France à la distribution. Les marges à la distribution sont effectivement de quelques centimes mais dans le cas de Total contrairement aux grandes et moyennes surfaces, elle est également présente en exploration-production.

Derrière un prix du pétrole supérieur à 110$ se cache des coûts de production très différents allant de 15$ à 60$ et entrainant des effets-prix énormes pour Total lorsque le prix du pétrole flambe. En suivant l’ensemble de la chaine, on se rend compte que pour une hausse annuelle d’un dollar sur le prix du baril, Total gagne plusieurs centaines de millions d’euros dans la production de pétrole et quelques centaines de milliers d’euros dans la distribution.

Or, entre 2010 et 2011, le prix du pétrole a augmenté de 30 dollars ce qui explique la hausse du bénéfice de Total de 16% malgré une baisse de la production de 1%. Le problème est que l’exploration-production est réalisé à l’étranger. Mais la fiscalité pourrait être plus ingénieuse, par exemple dans les années 70, les Etats-Unis ont instauré un impôt sur les profits imprévus des compagnies pétrolières, ce sont des pistes que le gouvernement devrait exploiter.

Il estime qu' « en baissant de 3 centimes sur certaines stations, [...], nous allons vendre provisoirement à perte ». Concrètement, sur un litre de SP95 à 1,64 euro, comment se partage le prix du carburant ?

Vous avez le prix HT incluant la marge des pétroliers à 0,76 euro. A cela, il faut ajouter un mille feuilles de taxes composé de la TICPE fixé à 0,614 plus la TVA sur le carburant (sur le prix HT) à 0,15 plus la TVA sur TICPE, un impôt sur l’impôt, à 0,12. Au final, les taxes représentent presque 55% du prix du SP95.

La baisse des tarifs de l’essence devrait atteindre 4 à 6 centimes selon le gouvernement. En combien de temps cette baisse sera rattrapée par une hausse ?

Cela dépendra de deux éléments sur lesquels le gouvernement ne peut pas avoir d’influence : le taux de change euro/dollar et le prix du pétrole au niveau international. Si le prix du pétrole continue à augmenter avec un taux de change euro/dollar constant alors au bout de deux trois semaines, les efforts du gouvernement et des pétroliers seront balayés.

Mais la situation inverse peut également se présenter, si le prix du pétrole baisse comme au deuxième trimestre et se fixe à 90$ alors la baisse du prix du pétrole pourrait accompagner les efforts du gouvernement et des pétroliers et faire baisser plus fortement les prix du carburant.

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