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Sans la menace d'une banqueroute, les banques feront toujours n'importe quoi
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La carotte et le bâton

Pour Steve Ohana, la meilleure manière de moraliser le système financier est de rendre crédible la possibilité de faillite pour les institutions financières insolvables. Extraits de "Regards sur un XXIe siècle en mouvement" (1/2).

Thomas Porcher

Thomas Porcher

Thomas Porcher est Docteur en économie, professeur en marché des matières premières à PSB (Paris School of Buisness) et chargé de cours à l'université Paris-Descartes.

Son dernier livre est Introduction inquiète à la Macron-économie (Les Petits matins, octobre 2016) co-écrit avec Frédéric Farah. 

Il est également l'auteur de TAFTA : l'accord du plus fort (Max Milo Editions, octobre 2014) ; Le mirage du gaz de schiste (Max Milo Editions, mai 2013).

Il a coordonné l’ouvrage collectif Regards sur un XXI siècle en mouvement (Ellipses, aout 2012) préfacé par Jacques Attali.

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Ce chapitre a été écrit par Steve Ohana

Un des principes fondateurs du capitalisme est que toute personne ou organisation est responsable des conséquences (positives ou négatives) de ce qu’elle entreprend. Or, l’architecture actuelle du système financier a remplacé ce principe par la règle du « pile je gagne, face tu perds » à tous les étages du système.

Le premier dévoiement se situe au niveau de la structure des incitations financières. Les rémunérations des traders, des intermédiaires financiers, des gérants de fonds et des dirigeants de banque sont presque toujours indexées sur des mesures de performance de court terme. Elles incitent donc à bâtir (ou à recommander) des stratégies comportant une probabilité forte de gains à court terme et un risqueplus faible de lourdes pertes à plus long terme, avec des externalités parfois très importantes sur l’économie.

L’aléa moral est également favorisé par le système de garantie implicite offert par le contribuable à l’ensemble du système financier. Devenues explicites lors de la faillite des systèmes bancaires américain puis européen à partir de 2008, ces garanties sont alors apparues extrêmement lourdes à porter pour le contribuable. À titre d’exemple, en novembre 2010, l’État irlandais s’est vu octroyer par
l’Union européenne et le FMI un prêt d’urgence de 85 milliards pour renflouer ses banques, une somme équivalente à la moitié du PIB irlandais. L’augmentation disproportionnée de la taille des établissements financiers a été notamment permise par l’essor spectaculaire du marché du financement à court terme, grâce auquel les banques ont pu s’affranchir du financement traditionnel par dépôt pour emprunter à très court terme directement sur les marchés.

[...]

La manière la plus simple et la plus efficace pour moraliser le système est de rendre crédible la possibilité de faillite pour les institutions financières insolvables.

Pour cela, le régulateur doit revenir au Glass-Steagall Act (aboli en 1999) et à établir très clairement la frontière entre le secteur financier régulé (faisant l’objet de garanties) et le secteur financier non régulé (autorisé de manière crédible à faire défaut). Pour le premier, il s’agira exclusivement de banques de dépôt et d’assureurs participant au financement direct du tissu économique (PME et particuliers notamment). Ces établissements régulés ne seront pas autorisés à se livrer à des activités de marché ni même à s’y financer. Ils seront financés exclusivement par les dépôts de leurs clients et ne seront pas autorisés à nouer des transactions de gré avec gré avec les établissements du secteur non régulé. Les rémunérations variables y seront plafonnées et l’État siégera au conseil d’administration et au comité de rémunération. Ces banques seront soumises à des exigences de fonds propres beaucoup plus strictes qu’aujourd’hui, ne découlant plus de modèles statistiques mais d’une décision politique rendue lisible et transparente pour le citoyen. La rentabilité des fonds propres y sera considérée comme un indicateur de performance parmi d’autres. Un mécanisme contra-cyclique relèvera les exigences de fonds propres à mesure que les signes de bulle sur les prix des actifs (immobilier notamment) deviennent manifestes (voir plus bas pour la caractérisation des bulles). Il n’y aura plus la possibilité de titriser les prêts, ni de les loger dans des véhicules off shore non régulés. Le financement en dernier ressort par la banque centrale pourrait intervenir en cas de faillite mais serait accompagné de contreparties : renvoi du management en place, prise de contrôle par l’État, interdiction de verser bonus et dividendes pendant une période donnée…

À côté des banques de dépôt et des assureurs existeraient des banques d’investissement et des fonds, non garantis par le contribuable, et capables de faire défaut sans conséquence néfaste pour le citoyen. Les activités des banques d’investissement seront hermétiquement séparées entre d’un côté, le conseil à la clientèle (sur l’investissement, la couverture des risques, etc.) et de l’autre, les fonctions de flux (courtage par exemple) pour éviter les conflits d’intérêt. Le conseil financier sera rémunéré de manière indépendante des transactions sur lesquelles il peut éventuellement déboucher pour garantir son indépendance. Les fonds d’investissement sont chargés d’investir l’épargne de leurs clients sans aucune garantie sur le capital investi.


Ont participé à l'ouvrage : Clémence Aubert ; Nicolas Aubouin ; Adil Bami ; Yoann Bazin ; Julien Billion ; Ana Colovic ; Thibault Duchêne ; Frédéric Farah ; Aymeric François ; Héger Gabteni ; Nicolas Gardères ; Anna Glaser ; Serge Guérin ; Jean-Max Koskievic ; Emmanuel Kujawski ; Olivier Lamotte ; Alexandre Le Chaffotec ; Vincent Levrault ; Halim Madi ; Steve Ohana ; Thomas Péran ; Simon Porcher ; Thomas Porcher ; Christophe Schalck ; Benjamin Silverston ; Stephan Silvestre ; Jean-Paul Susini ; Julien Tarby ; Jérôme Villion.

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Extrait de "Regards sur un XXIe siècle en mouvement" chez les éditions Ellipses (août 2012)

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