Lance Armstrong destitué : est-il possible d’être vainqueur du tour de France sans être dopé ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Sport
Lance Armstrong est le coureur ayant remporté le Tour de France le plus souvent.
Lance Armstrong est le coureur ayant remporté le Tour de France le plus souvent.
©Reuters

Tous pourris !

Lance Armstrong a été dépossédé de ses sept victoires du Tour de France et a été radié à vie du cyclisme professionnel par l'Agence américaine antidopage (Usada). Il était le coureur ayant remporté le plus souvent le Tour. Sans produits dopants, aurait-il pu réaliser cet exploit ?

Erwann Menthéour

Erwann Menthéour

Erwann Menthéour a été coureur cycliste de 1988 à 1997. Il a publié Secret défonce, ma vérité sur le dopage.

Il développe aujourd'hui une méthode de remise en forme au travers du coaching sportif : Fitnext.

Voir la bio »

Atlantico : Lance Armstrong a été dépossédé de ses sept victoires dans le Tour de France et a été radié à vie du cyclisme professionnel. Depuis 1995, seuls deux vainqueurs du Tour de France n'ont pas été liés à des affaires de dopage (Carlos Sastre en 2008 et Cadel Evans l'année dernière)...

Erwann Menthéour : J'irai plus loin. Au début des années 90, on a découvert l'EPO. Tout de suite, Miguel Indurain gagne cinq Tours de France. Derrière lui, Bjarne Riis, Jan Ullrich, Marco Pantani... Puis Armstrong pendant sept ans...

On se pose donc la question : est-il aujourd'hui possible de gagner le tour de France sans être dopé ?

Non. Il y aura toujours des voleurs qui courront plus vite que les gendarmes, et ceux qui veulent jouer dans la cour des grands baignent dans ce marécage. Ils n'ont pas le choix. Il y a en toujours quatre/cinq qui se doperont. Or, même avec du talent, tu ne peux pas gagner un Tour de France en faisant face à des mecs dont les armes leur permettent de courir 25% plus vite.

Ou l'on décide qu'on a une volonté politique d'assainir le sport en général et on met les moyens qu'il faut partout, ou on décide que le sport aujourd'hui, c'est la même chose que dans l'Antiquité : du spectacle. Et l'affaire Festina en 1998 corrobore mes dires : au début, on voyait des gens sur le bord des routes qui disaient « Rendez-nous Virenque, rendez-nous Festina ». Cela voulait dire : « mettez-vous ce que vous voulez dans les veines, mais donnez-nous du spectacle ».

Les spectateurs n'attendent donc que du spectacle ?

Il y a plusieurs points de vue, mais beaucoup disent : « laissez-les tranquille, de toute façon on ne peut pas faire ce sport sans se doper ». D'autres disent : « c'est dégueulasse, ils sont tous pourris », mais ils regardent quand même. Il faut rappeler que le Tour de France est, avec les Jeux Olympiques et la Coupe du monde de football, l'événement sportif le plus regardé au monde.

Il n'est vraiment pas possible de faire ce sport sans se doper ?

Si, certains l'ont fait. Mais est-ce que c'est bon pour la santé : non. Des coureurs ont déjà gagné des étapes du Tour de France en ne buvant que de l'eau : Gilles Delion, David Moncoutié...

En 2010, les cyclistes ont été contrôlés positifs dans 1,19% des contrôles inopinés, ce qui est finalement assez peu. Chez les haltérophiles, ce taux est de 2,42% et 1,94% chez les boxeurs. Les cyclistes sont donc une minorité à se doper. La chute d'une icône comme Lance Armstrong est-elle plus destructrice pour le cyclisme que ne l'aurait été celle d'un autre coureur ?

Mon premier postulat, c'est que c'est un drame pour le vélo. Armstrong n'est plus coureur depuis plusieurs années, on le destitue de ses titres et cela écorne l'image du cyclisme mondial. Mais à l'inverse, c'est un moment fantastique, car maintenant, même LE coureur qui a gagné le plus de Tours de l'histoire du cyclisme peut être déchu. C'est un avertissement pour tous les tricheurs.

Il n'y a plus d'immunité. Et surtout, autrefois, se doper faisait partie du métier. Aujourd'hui, pour se doper, il faut créer toute une intelligence pour pouvoir le faire : il n'y a aucune chance de plaider la bonne fois.

Mais la question que je me pose, c'est : pourquoi ne pas inquiéter Indurain ? Il a gagné cinq Tours de France de la même façon d'Armstrong. Il faisait 1m92 et 80kg : il était aberrant qu'il puisse monter les cols à la vitesse où il allait. Pourquoi on ne l'attaque pas ? Les Tours précédents se gagnaient à la pédale. Indurain est pour moi le premier coureur fabriqué.

Il n'est pas attaqué faute de preuves, peut-être ?

Pour Armstrong, il les ont construites, les preuves. Il y a eu acharnement. Mais la différence entre Amstrong et Indurain, c'est que si tu croises ce dernier dans la rue, tu ne le reconnais pas. Armstrong est une star mondiale, qui donnait des leçons au monde entier, était arrogant. Il s'est fait beaucoup d'ennemis.

J'ai une certaine compassion pour ce qui lui arrive. Si Bush avait été réélu, il aurait fini gouverneur du Texas. Aujourd'hui, il n'est plus rien.

Il va maintenant être intéressant de savoir qui va récupérer ses titres. Il va falloir un certain culot à l'Union cycliste internationale pour les attribuer à Ulrich, ou au 3e... Il va y avoir sept ans sans vainqueur, sans doute.

L'union cycliste préférerait donc laisser des « années blanches » sans vainqueur ?

Que faire d'autre ? On va se dire : « Donnons la médaille au deuxième ». Ah, il a été impliqué dans 15 affaires de dopage. « Le troisième alors ? ». Pas de chance, il a été impliqué dans cinq affaires de dopage.

Cela peut-il avoir un impact sur le Tour 2013, notamment au niveau des contrôles anti-dopage ?

Je ne sais pas du tout comment va réagir la société du Tour du France. A un moment donné, la question est : « sont-ce des gladiateurs ou pas ? » Beaucoup de journalistes me parlent des risques sanitaires du dopage. Mais il s'agit de la responsabilité individuelle des coureurs.

Aujourd'hui, ils ne sont pas contraints par le système de se doper. Mais s'ils veulent gagner des grandes courses, il le faut. Même s'il y a tous les ans des gens qui gagnent des courses à l'eau. Mais pas beaucoup.

Propos recueillis par Morgan Bourven

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !