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Retour de l'ISF : l'impôt qui coûte plus économiquement qu'il ne rapporte au gouvernement
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Fin septembre, le gouvernement doit présenter sa réforme de l'impôt sur la fortune. S'il contribue à alimenter les caisses de l'État, ce dernier n'est pas réellement bénéficiaire de cette taxation, alors que d'autres, bien au contraire, le sont...

Jean-Yves Mercier

Jean-Yves Mercier

Jean-Yves Mercier est avocat associé de CMS Bureau Francis Lefebvre dont il dirige le service Doctrine fiscale, et membre du Cercle des fiscalistes. 

 

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L’ISF est décidément une imposition bien paradoxale. On sait précisément ce qu’il apporte aux caisses du Trésor, une poignée de milliards d’euros chaque année. On sait aussi pour combien il contribue à alimenter les fonds propres des PME grâce à la réduction d’impôt représentative des apports en numéraire qui leur sont consentis. Disons un bon milliard annuel.

On ne parvient pas, en revanche, à chiffrer l’enrichissement dont il est la source pour les pays d’accueil des redevables qui fuient la France afin d’échapper à ses rigueurs, ni corrélativement à mesurer l’appauvrissement que subit notre pays en raison de cet exode : perte de recettes fiscales, d’une part, perte d’activité économique entraînée par les désinvestissements qui accompagnent le transfert du domicile et la délocalisation des centres de profit, d’autre part. Après de longues années de départs continus non suivis de retours, la facture doit être lourde.

On ne parvient pas non plus à évaluer la ressource que représente l’ISF pour l’ensemble des conseils qui se portent au chevet des redevables. Les pouvoirs publics n’ont jamais cherché à mesurer l’ampleur de la valeur ajoutée que dégage l’ISF pour les acteurs que sont les avocats, les notaires, les experts-comptables, les conseils en gestion de patrimoine, les banquiers, les assureurs, les family officers, les évaluateurs, les antiquaires, les galeries d’art, les organismes de formation, les éditeurs, etc. Car, et c’est encore un trait paradoxal de notre impôt, le redevable doit nécessairement s’en remettre à une multitude d’intervenants extérieurs non seulement pour la gestion de l’impôt qu’il doit au Trésor mais aussi pour conquérir les diverses exonérations auxquelles il peut légalement prétendre, les plus importantes et les plus vitales étant l’exonération des biens professionnels et celle, partielle, des titres d’entreprise.  Du côté de ces intervenants, on se plaint de la difficulté de l’exercice, mais non des retombées économiques que comporte le service rendu. Il n’est pas totalement fantaisiste d’estimer que ces retombées s’approchent d’assez près du produit de l’impôt.

Passons sur les coûts de gestion par l’Etat de la collecte de l’impôt, frais qui englobent la rémunération des fonctionnaires chargés du contrôle et de ceux qui suivent les contentieux. S’agissant d’un impôt fortement individualisé reposant sur des évaluations multiples, cette occupation induit une dépense qui, par rapport au rendement de l’impôt, est substantiellement plus élevée que les frais de gestion d’une imposition de masse.

Mais il y a un procès que l’on ne saurait faire à l’ISF. On doit même lui reconnaître une éclatante vertu. Dans la configuration qui est la sienne depuis l’origine, cet impôt est un stimulant de l’activité entrepreneuriale. Parce qu’il n’atteint pas le patrimoine professionnel. Et que, du coup, nombre de contribuables trouvent leur salut dans leur implication au sein de leur entreprise, dans le réinvestissement systématique des bénéfices qui en proviennent et dans leur maintien aux commandes aussi longtemps que leurs forces le leur permettent. Le grand mérite de l’ISF est donc étrangement de stimuler un réflexe qui favorise l’essor de nos entreprises.  Même si c’est au prix de complications certaines - les praticiens savent combien il est souvent difficile de mettre le patrimoine professionnel en ordre de marche pour atteindre l’exonération espérée ou, s’agissant des titres d’entreprises détenus par les non-dirigeants, combien est délicat le maniement des engagements Dutreil donnant accès à l’exonération des trois quarts -  ce résultat dédommage la France d’une partie du handicap économique auquel elle s’est involontairement assujettie en voulant taxer annuellement le patrimoine.

A l’heure où s’ébauche le projet d’une nouvelle configuration de l’ISF, le gouvernement laisse percer  l’annonce de restrictions qui toucheraient l’exonération des biens professionnels. De grâce, enterrons cette funeste idée. On risque sinon de ne conserver de cet impôt paradoxal que ses effets bénéfiques pour les Etats riverains et les professionnels qui assistent les redevables. D’en faire un impôt économiquement dévastateur.

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