Bras de fer Copé - Fillon : la bataille des personnalités finira-t-elle par laisser sa place au débat d’idées ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-François Copé annoncera sa candidature à la présidence de l'UMP ce dimanche 26 août et affrontera son rival l'ancien Premier ministre François Fillon.
Jean-François Copé annoncera sa candidature à la présidence de l'UMP ce dimanche 26 août et affrontera son rival l'ancien Premier ministre François Fillon.
©Reuters

Coup d'envoi

Jean-François Copé doit officiellement annoncer sa candidature à la présidence de l'UMP ce dimanche. Faut-il s'attendre à un affrontement avec son principal rival, François Fillon ?

Thomas Legrand, Michaël Darmon, Christian De Villeneuve et Jean Baptiste Marteau

Thomas Legrand, Michaël Darmon, Christian De Villeneuve et Jean Baptiste Marteau


Thomas Legrand
 est éditorialiste politique sur France Inter


Michaël Darmon est éditorialiste politique et intervieweur sur la chaîne I-telé


Christian de Villeneuve
est journaliste. Il a dirigé de nombreux titres de la presse française


Jean-Baptiste Marteau
est journaliste sur LCI où il présente la matinale.
Il est le co-auteur de UMP, ton univers impitoyable paru chez Flammarion en Janvier 2012

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Atlantico : Jean-François Copé est désormais officiellement candidat à la présidence de l'UMP. Doit-on s'attendre, dans les prochains jours, à une surenchère dans les attaques des deux principaux candidats et de leurs lieutenants ?

Thomas Legrand : La grande interrogation réside en leur capacité à créer un débat entre eux. Mais rien n'est sûr, car la situation est différente de celle du Parti socialiste où chaque leader incarne différentes tendances idéologiques.

Même s'il est possible de penser que Jean-François Copé est plus libéral et autoritaire et François Fillon plus orléaniste et centriste, les deux candidats composent leurs équipes avec une aile droite et une aile gauche. Ainsi, François Fillon a Eric Ciotti sur sa droite et Roselyne Bachelot sur sa gauche, là où Jean-François Copé dispose de Jean-Pierre Raffarin pour le centre.

Nous sommes donc dans une configuration où la bataille pour la présidence de l'UMP s'inscrit clairement comme un combat de personnes. Et lorsqu'on ne peut se distinguer sur les idées, il ne reste plus que les attaques personnelles. Le risque est celui d'un manque de véritable débat de fond.

Michaël Darmon : La bataille est déjà lancée depuis le début de l’été. Elle est d’ailleurs très violente. Les propos tenus en coulisse par les principaux protagonistes ne sont pas tendres. On ne doit pas s’attendre à un combat policé.

Jean-François Copé accuse du retard dans les sondages. Dans le dernier baromètre CSA, il souffre également d’une chute de popularité assez importante (- 18 points). Il a donc tout intérêt à se montrer le plus offensif. Cependant, il peut tomber dans un piège et se montrer plus agressif qu’offensif. Dans ce cas-là, il pourrait souffrir d’un effet boomerang.

Le sujet majeur qui devrait être au centre des débats sera l’affaire de l’accès au fichier pour les parrainages. Quand Nathalie Kosciusko-Morizet, Xavier Bertrand et Bruno Le Maire expliquent que l’accès au fichier est réservé à Jean-François Copé, cela ne fait pas très bon effet sur les militants UMP. Il y a donc un enjeu de clarification de la méthode qui attend Jean-François Copé et qu’il a intérêt de clarifier.

Christian de Villeneuve : La bataille est lancée depuis le jour de la défaite de Nicolas Sarkozy. Elle va effectivement s’intensifier dans les prochaines semaines, jusqu’au congrès de l’UMP.

L’enjeu est considérable pour celui qui veut être candidat à l'élection présidentielle en 2017. Présider le parti, c’est contrôler les finances, animer les réseaux d’élus et mobiliser les militants qui  joueront un rôle important dans les primaires qui désigneront le candidat de la droite. Donc, il faut s’attendre à ce que François Fillon et Jean-François Copé ne se fassent aucun cadeau, mais ils éviteront une rupture que ne leur pardonneraient pas les sympathisants  de droite.

Jean-Baptiste Marteau : La campagne va enfin pouvoir commencer. Nous avons assisté jusque-là à une petite guéguerre estivale, un affrontement de personnes mais bien loin du débat d'idées, pourtant indispensable pour la droite après les défaites du printemps. Une telle élection interne suscite obligatoirement un combat entre candidats: l'UMP ne doit d'ailleurs pas en avoir peur, s'il s'accompagne d'un affrontement idéologique.

La campagne peut-elle être aussi violente que celle qui opposa le duo Chirac-Juppé au duo Sarkozy-Balladur ? L'UMP peut-il, à terme, éclater ?

Thomas Legrand : Il s'agit de la crainte qui règne sur cette primaire. On dit souvent que la droite était divisée et que Nicolas Sarkozy était parvenu à l'unir. En vérité, il ne l'avait pas unie, il avait simplement dominé et gagné tous les combats. Mais rien n'est perdu d'avance, puisque lors des primaires socialistes pour la candidature à la présidentielle, certains parlaient de "machine à perdre".

Si le débat pour la tête de l'UMP est bien organisé, il peut se dérouler sans problème. L'intérêt qu'il y a à maintenir une unité est si important que le candidat qui tapera trop fort sera sanctionné par la base militante qui exercera une très forte pression, une base bien plus à droite que ceux qui se trouvent au sommet du parti. Aucun candidat ne pourra se permettre un éclatement ou jouer la division.

Michaël Darmon : L’UMP ne peut pas éclater car l’argent est toujours là, même si ce n’est pas aussi important que par le passé. Les structures sont là, c’est une maison qui a beaucoup plus à offrir quand elle est debout que quand elle est en ruine. Personne n’aura intérêt à ce que l’UMP éclate.

Si l’UMP doit éclater ou se disloquer, ce sera sous l’effet d’une évolution politique venant du centre de Jean-Louis Borloo ou du Front national. L’éclatement lié à des enjeux de compétition interne, je n’y crois pas.

Christian de Villeneuve : L’UMP n’a pas les moyens de se payer le luxe d’une scission qui serait très inopportune. L’UMP est un parti d’élus qui ont, chacun, légitimement l’ambition de se faire réélire. Or, un parti divisé hypothéquerait considérablement leurs chances. Lors des prochaines échéances électorales, dès 2014, les élus de droite se présenteront probablement en position favorable face à des socialistes qui auront à défendre un bilan, ce qui, électoralement, n’est jamais facile, en particulier en période de crise.

Les grands partis sont habitués aux affrontements violents. Rappelez-vous les derniers congrès du PS : la guerre des hommes et des courants y faisait rage. Pourtant le PS est resté uni et a remporté les élections quelques mois plus tard. Les risques de scission existent lorsqu’il y a des oppositions idéologiques radicales, ce qui n’est pas le cas à l’UMP.

Jean-Baptiste Marteau : Contrairement aux années 80, ce congrès doit permettre aux adhérents de choisir entre la ligne de Jean-François Copé et celle de François Fillon. L'élection de novembre prochain assurera une légitimité au prochain président de l'UMP. En revanche, les rivalités de personnes resurgiront inévitablement en 2015/2016 à l'approche des primaires ouvertes, désormais inévitables. L'éclatement du parti était un risque après les défaites présidentielles et législatives : aujourd'hui personne à l'UMP n'aurait intérêt à une telle perspective.

Selon Jean-Pierre Raffarin, François Fillon prend ses distances avec les années Sarkozy. Partagez-vous cette analyse ?

Thomas Legrand : L'objectif de François Fillon est de se démarquer de Nicolas Sarkozy sur le style et le mode de gouvernance, sans pour autant s'en éloigner sur le fond car il en a été l'unique Premier ministre et chef de la majorité. Il avait d'ailleurs conçu en grande partie le programme du candidat de l'UMP en 2007.

Michaël Darmon : Assez habilement, François Fillon arrive à la fois à se démarquer de Nicolas Sarkozy et à revendiquer son héritage. Il se met en distance vis-à-vis du personnage et de la méthode. Il reste en phase avec l’essentiel du programme mais on comprend qu’il a à l’esprit une seule chose : se démarquer de l’ex président. On le voit sur les propositions phares de son programme (supprimer les 35h et faire en sorte que les fonctionnaires travaillent plus longtemps). Ce n’est pas par hasard qu’il a choisi de mettre en avant ces deux mesures. Ce sont deux mesures sur lesquelles Nicolas Sarkozy refusait  d’intervenir alors que François Fillon, pendant 5 ans, a été beaucoup plus allant en termes de rigueur et de lutte contre le déficit. Nicolas Sarkozy a toujours été plus prudent que son Premier Ministre.

François Fillon a d’ailleurs toujours fait remarquer en privé que Nicolas Sarkozy était un faux dur et que lui était au contraire un faux mou. En d’autres termes, le plus dur des deux n’était pas celui qu’on croit. On l’a bien vu dès le début du quinquennat quand François Fillon a osé parler d’« Etat en faillite ». 

Christian de Villeneuve : François Fillon joue effectivement sa partition. Sur le fond, il assume le bilan de la présidence Sarkozy, qui est aussi le sien. Il ne peut pas s’en déjuger. En revanche, sur la forme, c’est vrai, l’ancien premier ministre cultive sa différence et fait tout pour apparaître comme « le candidat normal de la droite ».

Jean-Baptiste Marteau : L'interview de François Fillon au Point était en effet la consécration de son positionnement enclenché en 2010 avec le fameux "Nicolas Sarkozy n'est pas mon mentor". Fillon marque ses différences avec l'ancien chef de l'Etat sur des questions essentielles pour les adhérents comme les 35h ou encore la réduction des déficits. C'est une stratégie risquée, mais c'est aussi une manière de se différencier de Copé qui tente d'apparaître comme "le plus sarkozyste des sarkozystes". Pourtant sur le fond, il existe très peu de différences entre les deux adversaires sur ces thèmes.

Qu'en est-il des petits candidats, une surprise, un troisième homme, peut-il émerger ?

Thomas Legrand : Il faut déjà que les autres candidats parviennent à réunir 8000 parrainages s'ils souhaitent se présenter. Bruno Lemaire et Nathalie Kosciusko-Morizet ayant difficilement accès aux fichiers de militants, il est peu probable qu'un troisième candidat émerge.

S'il y en a un, c'est que Jean-François Copé l'aura décidé. Bruno Lemaire peut alors présenter la candidature la plus intéressante en alliant une certaine modernité avec une tradition gaulliste, tout en étant assez européen. Nathalie Kosciusko-Morizet présente également une candidature intéressante notamment pour avoir changé les mentalités de la droite sur l'environnement. Mais malheureusement, ces deux personnalités ne pourront pas s'exprimer avec autant de facilités que Fillon et Copé. Leur volonté d'être candidat laisse cependant imaginer ce à quoi pourront ressembler les primaires dans quatre ans.

Michaël Darmon : Il est difficile de dire aujourd’hui qui va se rallier à qui. Ce sont des enjeux d’appareil, de promesses, de négociationsPour l’instant, l’intérêt de ceux qu’on appelle « les petits candidats » est simplement d’être sur la ligne de départ, de montrer qu’ils peuvent gérer un rapport de force, qu’ils représentent quelque chose dans le parti. De plus, à l’instar de François Fillon et Jean-François Copé, ils se préparent pour la primaire avant la présidentielle de 2017. Cette campagne n’est qu’un galop d’essai vis-à-vis de la grande primaire ouverte de 2016. 

Christian de Villeneuve : Il ne semble pas qu’un candidat dit « petit » puisse venir troubler le duel Fillon/Copé. Seul un affrontement très dur entre les deux prétendants, qui mettrait en péril l’unité de l’UMP, pourrait nécessiter le recours à un arbitre. Mais cet arbitre s’appelle … Nicolas Sarkozy.

Jean-Baptiste Marteau : Difficile pour eux ! Déjà de pouvoir figurer au congrès en recueillant 8.000 parrainages. Et même si certains y parvenaient comme Xavier Bertrand, pas sûr qu'ils aient envie de prendre le risque de faire un score en dessous des 10%. En revanche une NKM pourrait avoir envie de se compter et de se placer pour la suite. Quand à Bruno Le Maire, il devrait rapidement se rallier, vraisemblablement aux cotés de Jean-François Copé. 

Propos recueillis par Jean-Benoît Raynaud et Olivier Harmant

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