Enquête chez les accros du sexe en ligne : cette détresse affective qui rend les femmes plus entreprenantes<!-- --> | Atlantico.fr
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Les femmes, très seules, sont de plus en plus entreprenantes en ligne.
Les femmes, très seules, sont de plus en plus entreprenantes en ligne.
©Reuters

Jouissez, vous êtes filmés...

Enquête dans l'univers de ceux qu'on appelle désormais les "sexcaminternautes"... (Partie 5)

Christine De Villiers

Christine De Villiers

Christine De Villiers est journaliste et reporter.

Elle dirige les Editions Gérard de Villiers depuis 1998.

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Toile et sexe, hommes et femmes sont concernés. Quel que soit l’âge. A des degrés différents. Pour des utilisations variées, et variantes. Lors de ces nombreuses rencontres que j ai pu faire derrière l’écran, j’ai été frappée par la facilité avec laquelle les hommes comme les femmes « parlent à une  image ». Certains allant même jusqu’à raconter leur vie. Donnant des détails d’une précision extrême, au point de se mettre en danger, ou de mettre en danger ceux dont ils parlent. Malgré mes nombreuses recherches, impossible de trouver des chiffres précis sur cette catégorie d’internautes : ils sont connectés non seulement de chez eux, mais aussi de leur bureau, de leur iPhone ou de leur Blackberry. Comme l’a constaté ce journaliste américain dans son livre « Harry’s Blackberry », ouvrage qui n'a hélas pas été traduit en France.

Il ne me restait plus qu’un seul moyen pour être certaine de ce que me racontaient beaucoup d’hommes et de femmes : créer un faux profil d’homme et un faux profil de femme, sur un site de rencontre traditionnel... Et aller à la rencontre de ces internautes d’un genre « très particulier ».

Tout le monde le sait, les femmes raffolent des uniformes. Je décide donc de créer un profil d’homme à l’uniforme prestigieux : un commandant de bord de Boeing 747, ancien colonel de l’Armée de l’Air, et pilote de chasse. Package complet pour attirer le plus grand nombre de femmes et vérifier ce que ces hommes racontent avec tant de précisions. La tâche m’est facile, mon père étant un ancien officier pilote de chasse.

Thierry a 53 ans, et, à peine son profil mis en ligne, via le moteur « nouveaux membres », les femmes, tous âges, toutes catégories confondues, se précipitent sur ce nouveau membre du site.

Sur sa fiche, Thierry mesure 1m83, est brun, sportif, et affiche plus de 100.000 euros de revenus annuels. Tout colle. Son adresse mail est cohérente. Je me transforme en flic, utilisant la méthode « provoc », pas très catholique, mais efficace.

La première femme qui « me » contacte est Véronique. 48 ans. Blonde. Jolie. Un job de DRH dans une compagnie d’assurance dont le siège est à La Défense. Avec son bac+4, Véronique n’est ni inculte, ni dans le besoin. Mais elle est seule. Les hommes défilent dans sa vie, et dans son lit. Son premier mail est courtois, mais clairement entreprenant.

« Vous représentez tout ce dont je rêve. Vous êtes beau. J’aimerais vous connaître.  »

Je n’ai pas le temps de répondre, elle voit que je suis connectée, et m’appelle immédiatement sur le chat du site. Entre chaque réponse, après un bonjour courtois, je trouve que les réponses sont longues à venir. Je lui fais part de sa lenteur. Explication : « Sorry, je suis en voiture, sur mon Blackberry. Si vous préférez, je vous recontacte de chez moi, sur mon pc, d’ici 10 minutes ».

Ok.

En attendant Véronique, je reçois à une cadence impressionnante des mails émanant de femmes éparpillées aux quatre coins de la France. La demande est toujours claire, je n’ai pas le temps d’ouvrir, et de répondre aux mails d’une dizaine de femmes, Véronique m’appelle à nouveau sur le chat.

« Voilà, je suis chez moi, bien installée, et tellement heureuse de tomber sur vous. Je erre sur ce site depuis trois ans, et ne rencontre que des nuls. J’en ai marre. Entre ceux qui sont trop jeunes, et qui recherchent maman, ceux qui sont mariés, et qui ne sont là que pour un plan cul, ceux qui sont tellement nazes que je ne prends pas la peine de répondre…Vous, vous sortez vraiment du lot. Comment avez-vous pu atterrir là ? Vous êtes tellement beau, intéressant, en plus, dans votre métier, trouver des femmes ne doit pas être bien difficile ? »…

Autant de questions auxquelles je dois répondre de la manière la plus précise possible pour que Véronique ne doute pas une seule seconde de mes intentions… Et de mon sérieux.

« J’adore voyager. Quel métier. J’ai une chance incroyable de vous parler. »

Pendant 3 heures, Véronique me raconte sa vie, sur le chat. Je suis interloquée. Véronique parle à une image. Et débite le film de sa vie à une vitesse vertigineuse. Ses amours, ses chagrins, ses déceptions, ses rencontres, le plus souvent virtuelles car elle n’a que peu de temps. Et ne semble pas réellement chercher « L’HOMME DE SA VIE ».

Ce que beaucoup d’hommes m'ont raconté est donc exact. Toutes ces femmes en détresse sur des sites de rencontres existent bel et bien. Et sont le reflet d’une société dans laquelle la misère affective est poignante. Terrifiante.

Vers minuit, Véronique commence à être fatiguée, elle se lève tôt demain car elle doit aller en province. Mais, avant de quitter le chat, elle me demande mon adresse mail, me précisant qu’elle souhaite m’adresser d’autres photos d’elle, plus « personnelles », car « je lui plais terriblement ».

Elle n’exprime absolument pas le désir de « me » rencontrer. J’ai craint qu’elle ne souhaite entendre ma voix. Ou me voir très vite. RIEN.

Le lendemain matin, lorsque j’ouvre la boite mail que j’ai créée, je constate que Véronique a tenu parole : 5h33, mail d’elle…J’ouvre. Surprise, de taille. Véronique m’a envoyé des photos d’elle totalement nue, prises dans sa salle de bains, avec son Blackberry. Commentaire : « Je vous avais dit que j’allais vous envoyer des photos de moi très personnelles. J’espère que vous serez content. Je les ai prises en pensant à vous, après notre merveilleuse conversation d’hier soir. Je vous contacte sur le site un peu plus tard. Mais, si vous le souhaitez, voici mon numéro de tél, en attendant ».

Je n’en reviens pas. Les femmes sont effectivement très entreprenantes. Car, rien pendant toute ma conversation chat de la veille avec elle ne ressemblait à une demande de photos aussi intimes. Véronique n a cessé de parler d’elle. Je me mets à la place d’un homme : même dans leurs rêves les plus fous…Peu de femmes seraient aussi engageantes.

Véronique est peut être un peu « particulière ».

Cependant, signe qui ne trompe pas sur la solitude dans laquelle Véronique vit, elle n’a parlé que d’elle. Le profil, une fois contrôlé par quelques questions, lui suffisait.

J’ai quand même pris Véronique pour un cas isolé. Ne pensant pas que de très nombreuses autres femmes, présentant des profils différents, ont en commun avec elle, cette terrible solitude, assortie de l’angoisse des weekends, et des vacances….

Lorsque je crée ce profil, je ne suis qu’au tout début de mes surprises. Ce n’est que le début d’une drôle d’aventure.

Ma seule inquiétude : combien de temps vais-je pouvoir rester « cachée » derrière une photo ?

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