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Démission du cofondateur du Parti de gauche : Le Front de gauche est-il voué au culte de la personnalité de Jean-Luc Mélenchon ?
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Léninisant

Franck Pupunat a annoncé ce mardi qu'il se mettait en congé du Parti de Gauche. Il a notamment évoqué "la nécessaire construction démocratique d’une organisation politique et de son orientation".

Sylvain Boulouque

Sylvain Boulouque

Sylvain Boulouque est historien, spécialiste du communisme, de l'anarchisme, du syndicalisme et de l'extrême gauche. Il est l'auteur de Mensonges en gilet jaune : Quand les réseaux sociaux et les bobards d'État font l'histoire (Serge Safran éditeur) ou bien encore de La gauche radicale : liens, lieux et luttes (2012-2017), à la Fondapol (Fondation pour l'innovation politique). 

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Atlantico : Franck Pupunat, cofondateur du Parti de Gauche, a annoncé ce mardi qu'il se mettait "en congé" de la formation coprésidée par Jean-Luc Mélenchon. Il s’interroge sur "la nécessaire construction démocratique d’une organisation politique et de son orientation". A demi-mot, il remet en cause le leadership de Jean-Luc Mélenchon. Le fonctionnement du Front de gauche est-il si démocratique ?

Sylvain Boulouque Le problème soulevé renvoie à la constitution du Front de gauche. Pour mémoire, le Front de gauche n’est pas directement un parti mais un conglomérat de partis. Son fonctionnement est démocratique, les courants sont représentés proportionnellement au nombre d’adhérent dans le FDG et les décisions respectent l’autonomie de chacun. Cependant, les partis membres du Front de gauche sont dans leur immense majorité des partis ayant comme héritage politique le léninisme, qui n’était pas -est-ce nécessaire de le rappeler- démocratique. Lénine considérait que son parti devait être au pouvoir et les autres en prison. Le Front de gauche repose sur une majorité de militant se réclamant du rôle « positif » de Lénine. Les communistes orthodoxes ou réformateurs (PCF, Fédération pour une alternative sociale et écologique, Convention pour une alternative progressiste), ancien trotskistes (Gauche anticapitaliste, Gauche unitaire, Convergence et alternative), maoïstes (Parti communiste ouvrier de France) et même les anciens socialistes du FDG (République et socialisme et Parti de Gauche). Pour ces derniers, il suffit de se reporter au dossier de formation sur le site du Parti de gauche.

Néanmoins, certains membres du Parti de gauche ont une culture politique socialiste de gauche souvent aux accents libertaires. Le courant « Utopia » dont Franck Pupunat est toujours membre affirme cette identité, tout comme il maintient son attachement à la pensée socialiste, ce qui explique cette prise de distance.

Enfin, l’absence de concertation et de débat entre les diverses organisations membres du Front de gauche voire même au sein de certaines des organisations provoquent des tensions. L’hypermédiatisation actuelle fait que lorsque Jean-Luc Mélenchon prend la parole, ses propos sont automatiquement répercutés comme ceux du Front de gauche. Si l’immense majorité des militants partagent son point de vue, une petite partie peut être en désaccord.

Le Front de gauche est-il un parti voué au culte de la personnalité de Jean-Luc Mélenchon ?

En tant que tel non, cela n’a plus rien à voir avec la définition historique du culte de la personnalité. Il conviendrait même d’ajouter que tous les partis politiques, soumis ou non à une pression médiatique, sont quasiment obligés, parfois même contre leur gré, de se désigner un représentant « charismatique ». Aujourd’hui, il ne viendrait à l’idée de personne de parler de culte de la personnalité pour parler de Nicolas Sarkozy. Par contre, Jean-Luc Mélenchon s’est imposé, en grande partie grâce à sa personnalité et à ses capacités oratoires, comme le principal porte parole du Front de gauche, les autres dirigeants n’ont pas sa verve ni sa truculence. Jean- Luc Mélenchon réussit sur sa personne à raviver les souvenirs des personnalités qui ont fait l’histoire de la gauche, il emprunte un peu à Jean Jaurès, un peu à François Mitterrand mais surtout à Maurice Thorez, Jacques Duclos et Georges Marchais (les anciens secrétaires du PCF), ainsi qu’à son premier mentor politique, le trotskiste Pierre Boussel-Lambert. Jean-Luc Mélenchon est en quelque sorte devenu le porte parole des qualités du FDG.

Franck Pupunat s'interroge également sur «le bilan stratégique de la séquence politique qui s’achève, la mise en œuvre d’une relation sereine et exigeante avec la gauche au pouvoir ». Assistons-nous ici au premier acte du délitement du FDG entre une frange qui entend se rapprocher du Parti socialiste et une autre qui compte garder une certaine indépendance ?

Pour le moment, il est difficile de répondre. Une démission individuelle même chez un fondateur d’un mouvement ne fait pas une scission ou un délitement. Néanmoins, cela renvoie pour certains à la volonté de soutenir l’expérience gouvernementale, même si elle n’est pas jugée entièrement satisfaisante par les militants, alors que d’autres, certainement majoritaire au FDF comme au parti de gauche ne veulent pas soutenir un gouvernement qu’il considère comme un allié du libéralisme. Le PDG dénonce le social-libéralisme, ce qui renvoie à l’histoire de la gauche léniniste et sous entend que le socialisme démocratique n’est pour eux que le maintien du système capitaliste, comme Lénine qui dénonçait en son temps « la trahison socialiste » et plus tard les communistes « sociaux traîtres ».

Propos recueillis par Jean-Benoit Raynaud

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