Quand les sexcams sont utilisées comme palliatifs aux dérapages obsessionnels dans la réalité <!-- --> | Atlantico.fr
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La webcam : un remède contre la nymphomanie ?
La webcam : un remède contre la nymphomanie ?
©Reuters

Jouissez, vous êtes filmés...

Enquête dans l'univers de ceux qu'on appelle désormais les "sexcaminternautes"... (Partie 4)

Christine De Villiers

Christine De Villiers

Christine De Villiers est journaliste et reporter.

Elle dirige les Editions Gérard de Villiers depuis 1998.

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Vanessa, Marianne, Alexandra sont malheureuses. Mais, aucune n'a pour l’instant réellement conscience qu’il s’agit là d’une maladie.

D’autres femmes, mieux informées, se savent atteintes d’une pathologie. Et la « sexcam » leur permet de vivre le moins mal possible les difficultés de leur quotidien sexuel.

Isabelle, 31 ans, vit seule. Et pour cause. Pour son entourage, sa solitude est un mystère. Pour les hommes qui l’ont « approchée », elle est évidente. Isabelle est atteinte de nymphomanie. Cette maladie sur laquelle le sexologue allemand Krafft-Ebing mit un mot au XIXe siècle. Malgré une thérapie, puis une tentative de psychanalyse, Isabelle ne s’en sort pas. Et souffre. Ses besoins sexuels sont tels qu’aucun des hommes qu’elle a jusqu’ici croisés n’est resté auprès d’elle. Inscrite sur de nombreux sites de rencontres, Isabelle passe le plus clair de son temps devant sa cam. Fétichiste de sous-vêtements qu’elle achète dans des sex shops, elle passe plus de sept heures par jour en moyenne devant l’écran. Et ratisse large. Bisexuelle, rien ne l’arrête. Et, avec moi, rien ne l’arrêtera. Lorsqu’elle me contacte sur Facebook, je suis un peu surprise au début par l’insistance qu’elle met à vouloir me parler. Elle est apparue dans ma liste au travers d’amis communs. Un classique sur Facebook. Mais les heures auxquelles elle tient tant à me parler m’intriguent. Jusqu’au jour où je finis par répondre à son habituel « Bonsoir, comment allez-vous ». Je tente de lui parler d’une amie commune. Mais, de toute évidence, le sujet ne l’intéresse pas. Je regarde son profil : Isabelle se dit « coach beauté ». En fait, elle est esthéticienne. Très vite, sur le chat Facebook, elle me demande si je suis d’accord pour que nous fassions plus ample connaissance via Skype. Je ne suis pas contre. Et j’ai envie d’en savoir plus sur elle. Son insistance à vouloir me contacter, et la lourdeur des compliments qu’elle me fait commencent à me peser. Et à m’intriguer.

« Aimes-tu les femmes » me demande-t-elle presque immédiatement. Oui, non. Je lui demande d’être plus précise, la formulation de la question me semble déjà suspecte. « Non, je ne suis pas bisexuelle ». « Cela t’intéresserait que je t’initie ? ». Pas vraiment ! Mais Isabelle semble rechercher autre chose. Je ne sais pas clairement ce qu’elle souhaite. J’ai pourtant noté sur son profil Facebook : mariée. Soudain, elle lance l’appel vidéo de Skype. J’accepte. Surprise. Pas usuel qu’une femme veuille à tout prix me voir. « Je mourrais d’envie de vous voir dans la cam ».

« Etant simplement en peignoir, je suis un peu gênée. Je me rhabille. Laissez-moi une seconde ». Mais Isabelle ne tient pas à ce que je me rhabille… Je file quand même dans mon dressing enfiler un caleçon, et un T-shirt.

« Voilà, plus agréable de bavarder ainsi », je lui lance.

« Oh… J’aurais préféré que vous restiez en peignoir. Étiez-vous nue ? ».

Je décide de ne pas répondre. Et lui demande si son métier l’intéresse.

« Oui. Je me suis toujours intéressée à la beauté des femmes. Même si je suis mariée. Mais mon mariage est compliqué ».

Il est tard. La nuit, on parle plus facilement. Isabelle a envie de parler. Mais aussi de se montrer.

Elle disparaît quelques instants de la cam… Et revient vêtue d’un simple kimono, ouvert.

« Ouf… Je me sens mieux.  ». Elle est nerveuse, fume beaucoup, et se sert un verre tout en écrivant sur la messagerie Skype. « Votre mariage est compliqué ? ». J’avoue saisir la balle au bond, Isabelle est bien mystérieuse.

« En fait, je ne suis pas mariée. J’ai eu un mari. Mais il n'est pas resté. Il s’est enfui. J’ai des problèmes psychologiques, il a tenté de m’aider. Mais, c’est impossible ».

« Qu’avez-vous donc, qui fasse qu’un homme vous épouse, pour vous fuir presque aussitôt ? ».

« Je suis nymphomane. Et je vis un enfer chaque minute, chaque seconde. Même avec les femmes. Je peux vous dire quelque chose ? ».

« Oui, allez-y ». « Là, s’il n’y avait pas l’écran, je me jetterais sur vous. En fait, nous n’avons aucun ami en commun. Je ne sais plus comment je suis tombée sur votre profil. Mais vous m’avez tout de suite plu. J’ai d’abord contacté deux de vos amis, puis, je vous ai contactée. Vous avez accepté ».

Effectivement, j'ai accepté. L’amie commune est une amie d’enfance. Les amis de mes amis étant aussi mes amis sur Facebook…

« Vous vous faites soigner ? » Je ne sais plus quoi dire. Je suis sans voix.    

Isabelle commence alors à entrouvrir légèrement son kimono blanc. Et à toucher son épaule.

« La cam, c'est le seul moyen que j’ai trouvé pour calmer légèrement mes pulsions de chaque instant. Sans cet outil, sans le net, je serais hospitalisée, bourrée de psychotropes, de sédatifs et de somnifères. Vous savez ce qu’est cette maladie ? J’ai lu sur votre profil que vous étiez journaliste ».

« Oui, je sais vaguement… Mais je ne connais pas cette maladie. Je ne sais pas comment elle est vécue au quotidien. Je ne connais pas de nymphomanes ».

« Détrompez-vous. Vous en connaissez peut-être mais ne le savez pas encore. À moins de faire une thérapie, aucune femme n’avoue une telle tare. Seuls les hommes en parlent parfois. Entre eux. Et le plus souvent pour ricaner. Mon mari était un homme formidable. Mais il en a eu assez. Il a compris que j’étais incurable. J’ai eu un chagrin immense. Mais je le comprends. J’avais une telle demande sexuelle. Je l’empêchais de dormir. Je lui faisais des reproches incessants. Puis, je suis devenue jalouse au point de l’attendre en bas de son bureau… J’avais besoin de sexe non stop. Je le poursuivais dans l’appartement, en hurlant que je voulais baiser. Que j'étais au bord du meurtre. Puis je me masturbais devant lui comme une folle. Quelque part, je devais le dégoûter… Je peux vous parler franchement ? ».

Au point où j’en suis. Oui. Bien sûr. Je ne sais pas pourquoi, mais ce soir, même s’il est tard, j’éprouve une immense empathie pour Isabelle.

« J’ai besoin de me branler, là, tout de suite. Je vous regarde, vous me plaisez ».

Isabelle enlève alors son kimono… Et met son PC entre ses cuisses.

« Regarde-moi, regarde-moi… Je vais jouir… Je me suis retenue depuis tout à l’heure. Je n’en peux plus. Il faut que je jouisse. Je vais jouir… », hurle-t-elle.

Soudain, Isabelle renverse sa tête en arrière. Son bassin bascule, je ne vois plus que son sexe, dans lequel elle a introduit un sextoy, détail qui m’avait échappé.

« Ouf, je vais mieux. Tu ne m'en veux pas ? ».

« Non, mais disons que je comprends ce que tu vis, sans pour autant souhaiter le voir. Je ne suis pas médecin. Je ne peux vraiment rien pour toi ».

C’est sans compter avec la maladie qu’est la nymphomanie. Isabelle souhaite encore me parler…

Mais surtout, et sans doute, encore se masturber devant sa cam. Je perds patience.

Je la quitte rapidement, moi aussi un peu dégoûtée, même si je comprends.

Car, en effet, ce que je n’ai pas dit à Isabelle, c’est que ma meilleure amie est nymphomane. Mais je ne l’ai appris que très récemment. L’un de ses amants innombrables, et indiscret, est venu s’en plaindre à moi. Isabelle tombe mal. C’est la première fois pendant cette enquête que je me sens concernée, et que je dois prendre sur moi pour avoir le recul nécessaire à mon métier.

Cette amie de toujours me mentait pour cacher sa maladie, comme beaucoup de ces femmes.

Un sex addict est admis, une nymphomane ne l’est pas.

Et pour les médecins psychiatres, la nymphomanie reste aussi très mystérieuse.

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