Jean-Vincent Placé : "Contrairement à Jean-Luc Mélenchon, opposant systématique, nous voulons être aux responsabilités pour peser" <!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Vincent Placé explique pourquoi les écologistes veulent être au pouvoir.
Jean-Vincent Placé explique pourquoi les écologistes veulent être au pouvoir.
©Reuters

Locomotive gouvernementale ?

L'université d'été d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV) s'est ouverte ce mercredi à Poitiers. Une table ronde est notamment prévue vendredi, sur le thème : "Des écologistes au pouvoir, pour quoi faire ?" Début de réponse avec le président du groupe Écologiste au Sénat.

Jean-Vincent Placé

Jean-Vincent Placé

Jean-Vincent Placé est un homme politique, nommé en 2016 secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat, et président de l'UDE (Union des démocrates et écologistes). 

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Atlantico : L'université d’été d'Europe Ecologie Les Verts s'est ouverte ce mercredi. Noël Mamère a déclaré le jour-même qu'elle devait permettre d’éviter "l’embourgeoisement et l’autosatisfaction". En effet, pour la première fois, les Verts sont représentés au gouvernement, à l’Assemblée nationale et au Sénat. Est-ce réellement une bonne nouvelle pour le mouvement ou cela vous empêche-t-il de défendre réellement vos convictions écologistes en vous déconnectant du peuple ?

Jean-Vincent Placé : C’est extrêmement important pour le mouvement écologiste d’être représenté au maximum au sein des institutions. C’est la première fois que nous sommes à la fois au gouvernement, avec des responsabilités importantes, et au Parlement avec des groupes parlementaires aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Nous sommes également présents au sein des collectivités locales, tant dans les régions que dans les municipalités. Je me réjouis de ce saut institutionnel réalisé par le parti. Mais ce n’est pas parce que nous avons des élus que l’on peut tout. Il nous faut conserver le contact avec la société, avec les associations, et continuer à travailler sur le terrain. Il faut donc parvenir tout à la fois à peser dans l’opinion et sur les institutions pour réussir à faire perdurer une écologie innovante et créative.

Nous avons des avantages à être dans les institutions, à avoir de l’expertise, et évidemment tout cela a du sens, car on commence à obtenir des résultats. Cécile Duflot mène par exemple une action remarquable au sein du ministère du Logement. Le fait d’être au gouvernement nous donne la possibilité de peser sur les grands débats, comme celui lié aux évacuations des camps de Roms. Notre objectif est d’être utile aux Français et pour la planète. Les analyses divergentes que nous pouvons avoir avec les socialistes ne nous empêchent pas de continuer la réflexion et le débat avec eux pour faire avancer les choses.

Jean-Marc Ayrault prône l’unité à gauche. Il a pu sous-entendre dans une interview donné à BFM que les écologistes avaient été élus grâce à François Hollande. Vous sentez vous redevable de lui ?

Je suis évidemment en phase avec le président de la République. J’ai voté pour lui au deuxième tour des élections présidentielles. Nous avions des accords avec le Parti socialiste qui ont été totalement respectés et qui ont abouti à ce qu’il y ai un groupe d’écologistes à l’Assemblée nationale. Je suis évidemment content que cette unité ai pu se faire, grâce notamment à Martine Aubry et aux différents dirigeants du PS, mais aussi grâce aux électeurs. Ce qui compte, c’est le respect des uns et des autres, de leur diversité et du fait qu’il y ai un apport sincère à la réussite de ce gouvernement, car les Français ont besoin de réponses rapides pour lutter contre les forts remous que nous allons rencontrer dans les mois qui viennent.

Plus largement, êtes-vous devenu un parti dépendant du PS, qui ne peut plus réaliser de grands scores par vos propres moyens ?

A la différence du Front de gauche, du Modem ou même du Front national, nous avons tenu compte des institutions de la Cinquième République et pour essayer de remplacer l’absence de proportionnelle, nous avons passé des accords avec les socialistes. Cela ne nous empêchera pas de lutter pour le respect des sensibilités politiques à l’Assemblée nationale et ailleurs. Il n’est pas très normal qu’avec 30 % des voix, les socialistes récoltent 60 % des sièges, et qu’inversement le Front national avec 18 % ne remporte que deux sièges…

Il n’y a pas de dépendance avec le PS. Chaque élection a sa propre logique. Il s’avère, par exemple, que je suis moi-même un opposant du suffrage universel direct pour l’élection présidentielle. En effet, on voit tous les méfaits démocratiques de ce type de scrutin, on voit aussi la personnalisation du pouvoir que cela engendre et cela me gêne beaucoup. Je suis pour cette raison assez à l’aise avec François Hollande car son style tranche avec celui de son prédécesseur.

Nous avons eu l’intelligence stratégique qui nous permet aujourd’hui d’être dans le débat et dans les institutions et évidemment la vocation que nous avons est celle de nous conforter davantage pour faire progresser les idées écologistes dans le débat public et avoir davantage de poids dans les élections futures.

Daniel Cohn-Bendit a déclaré à propos des Verts "si vous voulez être du Mélenchon, faites du Mélenchon", vous reprochant de vouloir "le beurre et l’argent du beurre". Les sorties de Daniel Cohn-Bendit vous agacent-elles ? Est-il devenu un caillou dans la chaussure EELV ?

C’est vrai qu’il a pu dire de François de Rugy, président du groupe écologiste à l’Assemblée nationale, qu’il était "un petit con"… Plus récemment, il a eu l’extrême indélicatesse de dire de Madame Joly qu’elle pouvait organiser un référendum en Norvège. Il y a un petit côté sympathique à la parole libre mais Monsieur Cohn-Bendit fait parfois preuve d’une agressivité terrible qui montre beaucoup de fébrilité de sa part et que je ne peux que regretter.

Nous sommes au gouvernement et nous soutenons le chef de l’Etat. Nous n’avons pas choisi la stratégie de Jean-Luc Mélenchon d’être un opposant quasi-systématique, car nous voulons être aux responsabilités pour peser et pour changer les choses. Ce n’est pas toujours facile dans un pays qui est majoritairement productiviste et qui n’est pas dans la pensée écologiste. Mais cela ne nous empêche pas de penser que nous avons raison sur beaucoup de dossiers. C’est une lourde responsabilité pour les écologistes que d’être une locomotive, comme a pu le déclarer Ségolène Royal, dans la majorité.

Regrettez-vous ne pas faire partie du gouvernement ?

Non, je ne l’ai jamais dit. J’ai toujours assumé le fait de vouloir exercer des responsabilités, car je m’en sens capable. Aujourd’hui, ce n’est pas moi qui décide et je ne suis ni déçu ni aigri car je trouve que le gouvernement, avec ses personnalités, est très équilibré et très compétent, malgré mes divergences de fond avec certains membres de l’équipe gouvernementale, notamment Arnaud Montebourg. J’ai pu saluer l’action du ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, j’ai aussi noté la grande compétence de Jérôme Cahuzac, ministre du Budget. La jeune garde qu’incarne par exemple Cecile Duflot est aussi extrêmement talentueuse.

Vous avez justifié le "non" au traité budgétaire européen par souci fédéraliste. François Hollande mène-t-il une politique trop souverainiste à votre goût ?

Non, je pense qu’il y avait un espace pour négocier ce traité. Hollande n’a pas utilisé tous les leviers dont il disposait pour faire plier la chancelière allemande. Il aurait dû analyser plus finement l’échec de la politique de Nicolas Sarkozy à l’échelle européenne. La crise s’est propagée de pays en pays et malheureusement nous ne sommes pas à l’abri de connaitre un revers de médaille, tout comme l’Allemagne, d’où la nécessité de trouver des solutions rapidement.

A terme, cela ne me dérangerait pas que la France devienne une province européenne mais il faut obligatoirement réaliser une politique monétaire européenne. On s’est précipité dans l’acceptation des fonctionnements classiques de l’Union européenne.

Eva Joly a qualifié le traité budgétaire européen de traité "Merkozy", considérant que le petit ajout sur la croissance n’était pas à la hauteur des enjeux. Hollande fait-il avec la chancelière Merkel du Merkozy ?

Daniel Cohn-Bendit a été le premier à avoir cette formule "Merkozy" pour qualifier le traité. Mais je pense que cela est un peu extrême. Je serai plus équilibré dans la mesure où je salue les avancées obtenues par le président de la République, notamment sur la question du pacte de croissance, que j’aurais tendance à appeler "plan de croissance et d’investissement". Mais, d’évidence, on ne peut pas dire que cela soit suffisant. Je comprends bien ce que dit Madame Joly mais je ne fais qu’acter les avancées qui sont faites au niveau européen.

Le prix du carburant est au plus haut. Jean-Marc Ayrault propose une diminution du prix du litre en réduisant la pression fiscale du carburant. Est-ce réellement une bonne idée ?

C’est une mesure circonstancielle de court terme qui ne résoudra pas les problèmes structurels. Nous sommes en France trop dépendant, du point de vue énergétique, du pétrole, aussi bien les ménages que les entreprises. Par ailleurs, le prix du baril va augmenter inévitablement dans les années à venir, il faut donc obligatoire de se tourner vers une réduction de la consommation énergétique, vers une transition écologique et donc trouver les moyens pour le logement, pour l’industrie, pour les transports…

Cette mesure coutera cher aux finances publiques. Je ne pense pas que ce soit particulièrement pertinent à l’heure actuelle.

Propos recueillis par Célia Coste

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