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Steve Jobs, dictateur anti-web 2.0
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Ipad 2

Steve Jobs mort. L'occasion de rendre hommage au créateur d'Apple qui se fiait à ses intuitions beaucoup plus qu'à l'avis des internautes...

Alban Martin

Alban Martin

Alban Martin est maître de conférence associé au Celsa Paris IV Sorbonne.

Co-fondateur et vice-président du Social media Club Paris, il est l'auteur de plusieurs ouvrages consacrés à l'univers d'Internet dont notamment Egocratie et Démocratie : la nécessité de Nouvelles Technologies Politiques (Fyp éditions, 2010).

Voir la bio »

[Cet article avait été publié sur Atlantico en mars dernier.
Nous le publions à nouveau suite au décès de Steve Jobs]

Alors que le marketing actuel ne jure que par l’écoute des besoins exprimés de manière spontanée ou assistée par les clients[1], le phénomène iPad déroge complètement à la règle. Une tablette réalisée avec l’appui d’une communauté en ligne aurait eu, pour sûr, un port USB, une jolie webcam, le tout avec un design relégué au second rang par rapport aux fonctions à embarquer faisant l’unanimité. Il faut un "dictateur" intransigeant comme Steve Jobs pour retirer des fonctionnalités et ne pas sacrifier le design d’ensemble sur l’autel de la technologie grand public. Les nombreux aller-retours désormaisfameux des ingénieurs maisons dans le bureau de Steve Jobs, jusqu’à ce qu’ils arrivent à proposer un unique bouton sur l’iPhone, en sont une bonne illustration.

Apple vs le reste du monde

Steve Jobs symbolise donc l’esprit anti web 2.0. Il n’est ainsi pas de bon ton de chercher à disposer trop tôt d’informations sur les produits de la marque qu’il dirige. Nombreux sont les blogueurs "Applemaniacs" a en avoir fait les frais : le blog thinksecret, dont le procès a été largement médiatisé, a servi d’exemple. N’importe quel constructeur se mettrait à genoux pour que naissent des blogs dédiés à son produit. Pas Apple.

L’Apple Store ouvert aux applications tierces est l’arbre qui cache la forêt. Plus les générations d’iPhones se succèdent, plus ils s’enferment dans des technologies "fermées" : carte sim, OS, device, iTunes etc.

Les bienfaits du participatif

Mais toutes les entreprises n’ont pas un Steve Jobs comme "dictateur marketing" doté d’une vraie vision. Alors, même si le projet de tablette "crunchpad" (porté par la communauté des lecteurs de techcrunch) a en partie avorté à cause des fonctionnalités trop nombreuses à intégrer, mieux vaut sans doute utiliser les outils participatifs pour concevoir son produit ou service : le risque de passer complètement à côté des besoins des clients est alors beaucoup plus limité.

La filière musicale l’a appris avec le temps : rares sont les directeurs artistiques qui signent dorénavant un jeune artiste sans s’assurer au préalable qu’il ait été "plébiscité" par les internautes. A moins de 10 000 amis sur myspace, 200 000 écoutes de vos morceaux, ou 100 000 vues de vos clips sur Dailymotion, votre seule chance d’être signé repose sur un directeur artistique "dictateur", c'est-à-dire qui n’a pas changé sa pratique avec l’arrivée du web 2.0. Dans cet ancien système, seul un album sur dix est rentable. A côté, sortir un album issu du processus de plébiscite de la nouvelle star est une promenade de santé.

La stratégie de Steve Jobs : un danger pour Apple ?

L’écueil le plus dangereux d’une stratégie "anti-web2" est qu’elle lie très fortement la viabilité de l’entreprise à la personnalité de son dirigeant. Un marketing participatif remettant une partie des choix industriels entre les mains des clients la rend moins tributaire d’un designer génial ou d’un "marketer" visionnaire. Alors que dans le cas d’Apple, plus Steve Jobs décide seul, plus il fragilise Apple : un problème de santé et le cours de bourse dévissede 8% danslajournée.

Même si, à court terme, il est indéniable que Steve Jobs est le managerdeladécennie, un jour ou l’autre, l’entreprise paiera les pots cassés de cette attitude anti web 2.0.


[1] Dernier exemple en date : KLMtwitter

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