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La force du faible : l’Europe obligée d’accepter les demandes grecques pour éviter l'explosion de l’euro
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Compte à rebours

Alors qu'Angela Merkel a annoncé qu'il ne fallait pas s'attendre à une solution vendredi lors de sa rencontre avec le Premier ministre grec, Athènes a de nouveau demandé à la Troïka (Union européenne, FMI et BCE) du temps supplémentaire pour mettre en place les réformes. Mais l'Europe en a-t-elle encore ?

Paul Goldschmidt

Paul Goldschmidt

Paul Goldschmit est membre de l'Advisory Board de l'Institut Thomas More,

Il a également été directeur du service "Opérations Financières" au sein de la Direction Générale "Affaires Économiques et Financières" de la Commission Européenne.

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Le Premier ministre grec va rencontrer la Chancelière Merkel et le Président Hollande dans l’espoir d’obtenir plus de temps pour se conformer aux réformes auxquelles la Grèce s’est engagée en contrepartie de l’aide financière promise.

Dans le contexte d’une Union européenne qui entre à nouveau en récession et la situation spécifique de la Grèce qui, après 5 ans, se trouve dorénavant en dépression, cette requête semble justifiée, car il y a des limites aux sacrifices qu’il est possible de demander aux Grecs déjà très durement éprouvés. Cette requête doit être considérée dans le cadre assoupli des règles communautaires (circonstances exceptionnelles) qui s’appliquent à tous les pays membres de l’Eurozone. En effet, étant privé, comme membre de l’Union économique et monétaire, de l’outil de la dévaluation, l’assainissement exclusif par voie budgétaire a déjà dépassé les limites et son renforcement ne fera qu’aggraver la situation.

Le geste demandé aux partenaires européens doit s’accompagner d’un programme détaillé de mise en œuvre des réformes aussi précis que possible et doit faire l’objet d’un suivi rigoureux. C’est le rôle de la troïka (FMI, Commission, BCE). Faire droit à la requête est aussi dans l’intérêt des partenaires, car un refus conduirait inéluctablement à la sortie de la Grèce de l’UEM (union économique et monétaire) avec des conséquences largement imprévisibles, à moins de l’assortir d’un programme d’assistance, aussi coûteux qu’indispensable, pour circonscrire tout risque de « contagion ».

La question de la capacité financière de l’Europe à faire face à la crise de la dette souveraine dans plusieurs des Etats membres en général et en Grèce en particulier dépasse de très loin le cadre du problème grec.

Depuis le début de la crise, quelles que soient les erreurs et tergiversations qui ont émaillé son développement, le cas grec pris isolément n’a jamais constitué un problème qui dépassait la capacité financière des Etats membres et des mécanismes de sauvetage mis en place. Cela reste vrai aujourd’hui.

Par contre, l’extension de la crise à l’Irlande, au Portugal et à Chypre et ensuite à l’Espagne et à l’Italie a le potentiel de devoir mobiliser des fonds qui dépassent très largement la capacité des mécanismes existants, dont la disponibilité demeure d’ailleurs en grande partie « virtuelle » tant que le MES (Mécanisme européen de stabilité) n’est pas opérationnel.

La situation se complique dans la mesure où la crise de la dette souveraine, qui est chaque fois confinée à l’Etat en question, se double d’une crise de « solvabilité » d’une partie du secteur bancaire qui, elle, affecte l’ensemble des institutions financières de l’UE (et au-delà), notamment celles qui ont des engagements à l’égard de la dette des Etats fragilisés ou à l’égard de banques situés dans ces mêmes pays.

C’est très largement par le canal des connexions interbancaires que le danger d’une contagion d’une crise se propagerait. C’est sur ce plan spécifique que les marchés financiers sont en demande d’une solution crédible qui, immanquablement requerra des moyens qui dépassent de très loin les disponibilités actuelles.

Il est évident que si la situation a été contenue jusqu’à présent, c’est en grande partie grâce à l’intervention hardie et déterminée de la BCE. Les opérations de refinancement (et en particulier le trillion d’euros à trois ans), l’assouplissement des critères d’éligibilité de collatéral ou encore le programme d’intervention dans le marché secondaire (SMP) ont tous puissamment contribué à maintenir le marché bancaire (et indirectement de la dette souveraine) à flot. La BCE a ainsi fourni à plusieurs reprises aux autorités un répit supplémentaire qu’ils étaient sensés utiliser pour décider des réformes structurelles nécessaires (MES, Union bancaire etc.).

Les déclarations du Président Draghi au début du mois d’août ont aussi « acheté » un peu de temps, mais cette fois en balisant clairement les limites et les conditions de toute nouvelle intervention de la Banque Centrale. Celles-ci invitent clairement les autorités politiques à prendre rapidement leurs responsabilités car on touche aux limites de ce que la BCE est susceptible de réaliser de sa propre initiative.

Ce que le marché demande ce sont des engagements politiques crédibles et irréversibles suivi d’une feuille de route réaliste pour leur mise en œuvre. Dans ces conditions, les moyens dont dispose l’UE devraient être largement suffisants pour juguler la crise mais cela requiert, en contrepartie de la solidarité, des mécanismes de surveillance et de contrainte avec les transferts de souveraineté qui s’y rapportent.

En conclusion, il convient de distinguer le cas grec de la problématique générale de la gestion de la crise. Bien sûr, si rien n’est décidé rapidement, le cas grec pourrait devenir – sans en être la seule ou la principale cause - le fusible par lequel une implosion de l’UEM se propagerait. Ainsi prendrait fin tragiquement la courte histoire d’une monnaie qui avait déjà atteint le statut envié de deuxième monnaie de réserve du monde.

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