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Hausse du Livret A : un nouvel effet de manche pour l'investissement des entreprises ?
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Livret Aaahh

Le gouvernement a annoncé mercredi un rehaussement du plafond du livret A en deux temps : 25% maintenant et à nouveau 25% avant la fin de l'année. Une mesure symbolique qui crée un risque élevé pour le financement des petites et moyennes entreprises.

Robin Rivaton

Robin Rivaton

Robin Rivaton est chargé de mission d'un groupe dans le domaine des infrastructures. Il a connu plusieurs expériences en conseil financier, juridique et stratégique à Paris et à Londres.

Impliqué dans vie des idées, il écrit régulièrement dans plusieurs journaux et collabore avec des organismes de recherche sur les questions économiques et politiques. Il siège au Conseil scientifique du think-tank Fondapol où il a publié différents travaux sur la compétitivité, l'industrie ou les nouvelles technologies. Il est diplômé de l’ESCP Europe et de Sciences Po.

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Le ministre de l'Économie, Pierre Moscovici, a dévoilé les grands traits de la réforme du livret A en conseil des ministres, sans même attendre le rapport de P. Duquesne sur la réforme de l’épargne réglementée. En décidant d’augmenter de 50% le plafond du livret A en deux étapes d’ici décembre 2012, le gouvernement a montré une profonde méconnaissance des circuits du financement de l’économie en France s’attirant les foudres de la Fédération bancaire qualifiant le projet de « mesure à contre-emploi ».

Le livret A, une mission de financement du logement social

Le livret A appartient au monde de l’épargne réglementée ou fléchée. Autrement dit tout établissement bancaire et assurantiel peut le proposer à ses clients depuis le 1er janvier 2009 mais c’est l’Etat qui en fixe le plafond, la rémunération et la destination. Depuis le décret n° 2011-275 du 16 mars 2011, 65% des sommes collectées sont affectées à un fond géré par la Caisse des dépôts avec pour vocation de financer le logement social et la politique de la ville.

Cette mission est pleinement remplie. D’abord, notons qu’au début janvier 2012, les ressources excédaient de 75 milliards les prêts accordés au logement social et à la politique de la ville et que pour l’année 2011, sur les 10 milliards de nouveaux encours collectés, 8 milliards ont été attribués au logement social.

Comme le dit l’Observatoire de l’épargne réglementée dans son rapport 2011 « le montant des prêts signés en 2011 au profit du logement social et de la politique de la ville est resté à un niveau élevé, s’établissant à 14,8 milliards d’euros ». D’ailleurs le fond est tellement excédentaire qu’il a servi de fonds de secours pour financer les collectivités locales dispendieuses, cigales criant famine suite à la disparition de Dexia, l’année dernière.

Enfin, d’après la loi, le taux de 65% est automatiquement modifié à la hausse si un brusque tarissement des ressources du livret A venait à menacer la possibilité de prêter aux bailleurs sociaux donc rien à craindre pour nos chers (sic) HLM.

Des risques élevés pour le financement des entreprises

Les 35% de sommes collectées non centralisées sont laissées à disposition des banques qui doivent les utiliser pour financer les PME-PMI. Sauf que les banquiers n’ont pas attendu les consignes de l’Etat pour faire leur métier. L’encours des crédits aux PME représentait au 31 décembre 2011, 2,5 fois celui des ressources non centralisées, soit plus de 3 fois le minimum imposé par la loi. De même, les crédits nouveaux aux PME ont représenté en 2011, 10 fois l’augmentation de l’encours décentralisé. La hausse des crédits aux PME-PMI n’est donc pas du tout liée à la hausse des encours du livret A mais plutôt à la confiance des banques dans leur propre solidité et au contexte macroéconomique.

Or, la richesse des Français n’allant pas soudainement exploser, tout mouvement vers le livret A se fera par transfert depuis d’autres produits d’épargne, notamment l’assurance-vie. Depuis 10 ans déjà, l’épargne des investisseurs particuliers français s’oriente vers un nombre de plus en plus restreint de produits très liquides et très sécurisés au détriment de produits plus complexes qui financent directement les entreprises nationales (actions ou obligations) et même la dette de l’Etat français. Ainsi le financement à destination des entreprises françaises a fortement diminué passant de 43 % de l’épargne des ménages en 2000 à moins de 38 % en 2010.

En outre, au moment où les nouvelles réglementations Bâle III pour les banques et Solvency II pour les assureurs exigent un renforcement des contraintes de liquidité, le transfert des comptes courants vers le livret A fragilisera encore un peu plus les établissements bancaires, qui pourraient même en réponse freiner leur capacité de prêt.

Déshabiller Pierre pour habiller Paul

Le projet initial de François Hollande était bel et bien de favoriser le livret A pour « que soient construits au cours du quinquennat 2,5 millions de logements intermédiaires, sociaux et étudiants […] dont 150.000 logements très sociaux […] », il n’était aucunement question des PME-PMI qui devaient bénéficier de leur propre livret. Mobiliser l’épargne des Français à des fins idéologiques, en la détournant des investissements productifs et en acceptant au passage une aggravation du déficit de l’Etat, voilà toute la vérité sur cette hausse du plafond du livret A.

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