Mesures de la rentrée : le plan d'action de Jean-Marc Ayrault se résume-t-il à faire payer les classes moyennes du secteur privé ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Marc Ayrault a fait de nombreuses annonces mercredi après le premier Conseil des ministres de la rentrée.
Jean-Marc Ayrault a fait de nombreuses annonces mercredi après le premier Conseil des ministres de la rentrée.
©Reuters

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Lors du premier Conseil des ministres suivant la coupure de l'été, le chef du gouvernement a annoncé ce mercredi une longue liste de mesures. Mais sont-elles vraiment à la hauteur de la crise ?

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Ce mercredi de pré-rentrée politique n’aura pas manqué de piquant pour les blasés de la crise, qui savent que le pire est d’autant plus à venir que les économistes et autres experts de tous poils répandent avec une détermination accrue leurs considérations inutiles sur la pluie et le beau temps des économies européennes. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault s’est en effet livré à un très bel exercice de communication appliquée qui en dit long sur le désarroi de la technocratie au pouvoir et sur la dureté des temps à laquelle nous devons maintenant nous préparer.

Face au désastre en vue, les Français ont reçu une superbe leçon de social-shadokisme, ponctuée par un discours en Conseil des ministres qui applique à la lettre l’un des piliers de la philosophie développée à la fin des années 60 par Jacques Rouxel : "Quand on ne sait pas où on va, il faut y aller le plus vite possible." Le Premier ministre a épelé une longue liste de priorités, d’engagements, d’actions, de projets de loi, qui donnerait le tournis s’ils avaient l’ambition de régler le moindre problème auquel les Français sont ou seront confrontés. Heureusement, il s’agit juste de pomper pour montrer qu’on travaille, en application d’une autre maxime shadok : "Plus ça rate, plus on a de chances que ça marche".

En contemplant le gouffre sous nos pieds, la seule certitude qui nous vient est celle d’un nécessaire électro-choc pour réveiller une France malade, voire d’une défibrillation pour nous arracher à l’arrêt cardiaque. Plans sociaux à rallonge, instabilité financière, nécrose d’une administration qui s’accroche à ses privilèges et ses procédures rancies, crispation sur une vision dépassée de la société, avec ses hiérarchies éculées, ses valeurs d’un conformisme hors d’âge, étouffement permanent de l’innovation et opacité constante de la décision publique, fossilisation patrimoniale au mépris des nouvelles générations, et surtout... cette montée du mécontentement populaire, d’une désespérance sourde dont le dérapage d’Amiens est à la fois un signe précurseur et un symptôme inquiétant.

Pour conjurer ce mauvais sort, il faudrait une vision et une voix. Une vision pour tracer un chemin d’avenir en dehors des sentiers battus, dans tous les sens du terme, depuis plusieurs décennies de blocage. Une voix pour dire le nécessaire effort de réveil et rassurer sur les succès futurs. La France a besoin aujourd’hui de deux ou trois certitudes, pas plus : oui, il faut oser réformer en profondeur ; oui, nous en sommes capables malgré les vicissitudes ; oui, chacun prendra sa part.

Au lieu de cela, nous n’avons que doutes et empilement de mesurettes qui dissimulent  mal l’essentiel.

Les doutes, c’est d’abord cet affolant recours aux commissions théodules, aux concertations tartempions, comme si la politique en temps de crise consistait à ne pas décider, à s’en remettre, dès qu’il s’agit d’arrêter les bisous et les ronds-de-jambe courtisans, à des experts dont la représentativité est nulle, et la légitimité imaginaire. Mais la démocratie, c’est ne pas déléguer la décision à des "extérieurs" que personne ne contrôle. La démocratie consiste au contraire à assumer soi-même le mandat qu’on a reçu du peuple et à en être comptable devant le peuple.

Les mesurettes, ce sont toutes ces circonvolutions incompréhensibles sur tous les sujets qui fâchent. Il faut trouver au moins 33 milliards en 2013, mais la priorité semble donnée au mariage homosexuel. Une augmentation de la CSG est la seule mesure juste pour rééquilibrer les comptes de la sécurité sociale, elle est inéluctable, mais son annonce est retardée, entourée de milliers de précautions qui sont autant de pertes de temps. L’instabilité financière est un cancer qui nous ronge, mais aucune mesure claire n’est annoncée pour la juguler.

L’essentiel mal dissimulé, ce sont ces dizaines de milliards à trouver pour tenir les engagements financiers de la France jusqu’en 2017. Nous sommes à trois semaines de la présentation de la loi de finances au Conseil des ministres, et il est temps que les Français sachent à quelle sauce ils seront mangés, qu’ils sachent clairement comment seront répartis les efforts.

Car, dans ce pompage studieux du social-shadokisme, il y a des silences qui pèsent lourd : les fonctionnaires participeront-ils eux aussi à l’effort collectif ? Les députés, qui ont préservé leurs indemnités, s’y associeront-ils ?  Là encore, la philosophie des shadoks qui disaient : "Dans la Marine, c’est un principe : pour qu’il y ait le moins de mécontents possibles, il faut toujours taper sur les mêmes", risque de jouer un mauvais tour au gouvernement. À force de taper sur les mêmes, c’est-à-dire les classes moyennes du secteur privé, tout en soutenant le contraire, le pouvoir expose dangereusement le pays à des risques internes dont rien ne nous permet aujourd’hui de mesurer les conséquences.

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