Enquête chez les accros du sexe en ligne : quand les femmes se prennent encore plus au jeu<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Les femmes aussi vendent leur âme à la toile...
Les femmes aussi vendent leur âme à la toile...
©Reuters

Jouissez, vous êtes filmés...

Enquête dans l'univers de ceux qu'on appelle désormais les "sexcaminternautes"... (Partie 3)

Christine De Villiers

Christine De Villiers

Christine De Villiers est journaliste et reporter.

Elle dirige les Editions Gérard de Villiers depuis 1998.

Voir la bio »

Les femmes aussi jouent fréquemment ce jeu… Moins nombreuses que les hommes… Elles vendent leur âme au diable de la toile...

Parmi celles qui cherchent sur la toile, beaucoup sont bisexuelles. Et souvent, leur recherche est double : un peu pour elle et un peu pour leur partenaire. Le « un peu pour elle » est parfois sophistiqué, parfois très brut. Mais ces femmes ont en commun d’être toujours très insistantes…

Mon profil précise pourtant que je suis hétéro… Qu’importe. La toile, c'est aussi le délire. Et, lorsque Vanessa me contacte, elle commence par un : « mon mec te veut, il a vu tes photos. Si tu es OK, on se fait un plan à 3. Tu veux le voir ? ». Je reçois instantanément sur ma boite mail 5 photos. Un beau black d’une trentaine d’années. Sur 5 photos, 2 le représentent seul, debout, le sexe en érection…. 3 sont plus hard : il est avec 4 autres femmes, plusieurs situations, plusieurs positions. Je vérifie le profil de Vanessa : elle est une adepte du « sexe en groupe… » Quelques lignes d’accompagnement : « regarde sa queue... Quand il bande bien, elle est énorme, ça te plaît ? »

Je ne réponds pas. Inutile. Vanessa me relance à peine une demi heure après la réception du mail. « Ça te branche ? On peut faire ça samedi soir ? En attendant, moi, j'aimerais te mater à poil…Tu es connectée ? » Oui, je le suis. Mais habillée. Vanessa insiste. « T’as l'air d’avoir un beau cul, et tes gros nichons me plaisent aussi. J'ai envie de voir ? Tu montres ? »

Je réfléchis un peu. Allons y pour montrer le haut… Habillée quand même… Je branche la cam. Vanessa est nue, avec un string ficelle. Petite, brune, un corps qui n'a rien d’exceptionnel… Ses seins sont de taille moyenne, ses hanches un peu lourdes, pour l’instant, je ne vois que ça. Un rapide coup d’œil sur le décor environnant…Elle est dans sa cuisine. Pas très glamour … « Omar adore les blonde. Moi aussi…Tu enlèves ton soutif ? On est juste toutes les deux… Avec Omar, on aime les plans à plusieurs. Mais, c'est moi qui choisis. Allez, enlève, on est entre filles… » J’enlève. « Wouahhh…Il va t'adorer… Ils sont vrais ? Ou c’est siliconé ? » Non, ils sont vrais, je précise …. « Tes nichons, tu tailles combien ? 95 E au moins ?? Tu me plais. Tu aimes les femmes ? Moi, je suis très hot, et j’aime tout ce qui plaît à mon mec… » Vanessa n'éprouve ni honte, ni gêne lorsqu'elle commence à toucher ses seins devant moi, puis son sexe… Elle regarde, mais surtout masse ses seins… Puis sort ce qu'elle appelle « son matériel… » « Regarde ce god…Même taille que celui d'Omar… Comme ça, quand il n'est pas là, je m’en sers. C’est trop top…Tu en as ? » Non. Je ne suis pas « équipée ». « Tu devrais essayer… Moi, j’adore… Regarde… Touche tes nichons, ça m'excite… » Là, je ne suis plus très partante. « Je n'aime pas trop… Si tu veux, je regarde… C'est tout… »

Après un peu d’insistance, elle accepte. Elle bouge son PC, le met en position optimum pour à la fois me regarder, et se montrer. Elle commence à utiliser son « god », en sort un second… Qu’elle lèche, alternant entre celui qu’elle a mis dans son sexe, et celui qu’elle lèche, puis qu’elle enfonce un peu dans sa bouche. Elle n'est déjà plus tout à fait avec moi… Mais regarde. « Je te mate… Montre ton cul… Ecarte le… » Mais je ne bouge pas. Planète inconnue pour moi… « Non… ça ne me branche pas, je te l'ai dit ». Pas de réponse. Un œil sur moi, l’autre ailleurs. Vanessa se masturbe consciencieusement devant moi, elle pratique le sexe via la cam tous les jours, seule, ou avec Omar. Aujourd’hui, version solo. Quand soudain, elle crie de plaisir « Je jouis, je jouis… ça part, j'en mets partout… Ah, c'est bon, c'est trop bon… Regarde moi. J'en peux plus, tes nichons, je veux te les bouffer…Tu aimes ? » Je ne réponds rien.

Elle est ailleurs… Puis… Silence. Vanessa se cambre, se caresse encore un peu… Brutalement, tombe sur le carrelage de sa cuisine. En soufflant. « Putain, comme j ai joui, en te regardant en plus, ça m'a super excitée, j'adore les gros seins, les tiens sont top… Attends, faut que j’ attrape la serpillière, faut que je nettoie, j en ai mis partout. Tu as vu ? » Non, je n’ai rien vu… Je ne vois pas de quoi elle me parle… Elle me montre. Effectivement, sur le sol de sa cuisine, une marre d’eau. Je ne comprends pas bien. « En jouissant, j'ai pissé partout, j étais trop excitée, en plus, j'adore ça, pisser et jouir. Toi, tu pratiques ? » Non. Je ne connais pas… Je regarde à nouveau sa fiche… Je lis : urolagnie. Un tour sur google, site doctissimo…Ok. Compris. J’en avais entendu parler…Mais jamais vu. « Tu devrais essayer. C'est vraiment top. Sauf qu’après, il faut nettoyer. Seule, je me mets dans la cuisine…Comme ça, un coup de serpillière, et c'est bon. Tu m'as super excitée. Juste en regardant. Tu me plais. Samedi, tu es ok ? Omar sera avec moi. On prend rencart ? Quelle heure t’arrange ? Et puis, si tu as un mec, ça va lui plaire…La cam, c'est vraiment top. Moi, je me suis fait des super copines. »

J’ai l’impression s’être sur Mars... Des super copines ? Bon. Ce n est pas vraiment là que j'irai m'en faire…

« Cette situation est typique des sex addicts, encore plus chez ceux et celles qui utilisent la cam, m'explique le Docteur Alain Meunier. Ils ont quitté le monde réel. Leur vie, c'est l'écran. Tant que leur vie tient ainsi…Tout va bien. Mais si l'un des deux partenaires quitte le système, c'est la catastrophe. Celui qui est quitté se remet difficilement. Le chagrin d’amour est exactement le même, voir encore plus douloureux que s’ils étaient dans la vie réelle ».

C’est aussi ce qu’explique Pascal Couderc dans son ouvrage « L’Amour au coin de l’écran » éd. Albin Michel. « Lorsque l un des deux partenaires sort du jeu, le chagrin est exactement le même que dans la vie réelle ». Pascal Couderc est psychanalyste.

« Idéalistes, dons juans, impuissants, masochistes : internet est un paradis pour les « cas » : un temps, l’écran peut les dissimuler. Le virtuel vient remplacer pour eux une réalité impossible à vivre », écrit-il.

Et, effectivement, les cas ne manquent pas….

Le site AFF, très peu connu en France au point que pendant mon enquète je l’ai fait découvrir à plusieurs psychiatres, est le plus « clean » de tous ces sites… Car sans surprise. Tout est clair, net bien précis, précisé par ses membres. L’un d’entre eux, au pseudo limpide « finilescontesdefées », a écrit l'annonce suivante : « J’aime le cul. Je suis là pour ça. Rien que pour ça. Je suis tout sauf un prince charmant ».

Et, en effet, il est tout sauf un prince charmant. Lorsque je réponds à son mail, je reçois une réponse presque immédiate, mais… de sa femme.

« Nous sommes un couple, mais depuis quelques temps, Jean ne me touche plus. Jusqu’à ce que je découvre qu'il est inscrit sur AFF. J’ai d’abord eu un très gros choc, puis j'ai décidé de participer à ses jeux de sexcams. Je n’ai exigé qu'une chose : choisir avec lui sa partenaire. Vous lui plaisez, et j'aimerais mieux vous connaître. Avez-vous msn ou skype ? » J’hésite à répondre. Quelques jours de réflexion, durant lesquels je reçois d’autres mails, de plus en plus insistants. Je me décide. Ok pour ce jeu. Je soupçonne au départ une compagne bisexuelle.

Rendez vous est pris sur MSN avec Marianne.

Marianne n'est pas bisexuelle. Mais prête à tout pour garder son mari Jean, de 10 ans son cadet. Jean dirige une PME de BTP dans une station de sports d'hiver… Les occasions ne manquent pas. Marianne est très inquiète. « Il a déjà failli me quitter pour une superbe femme qu'il faisait skier, j'en ai trop bavé, la sexcam est un moindre mal » Vrai, faux ? Pour Marianne, tout plutôt qu'une séparation. Marianne n'est pas en grande forme, lorsque je la découvre dans la cam. Mais elle se prête au jeu. Bon gré, mal gré. Soudain, elle fait pivôter son pc, je découvre Jean. Très bel homme, le sourire ravageur, les yeux transparents, le torse d’un vrai sportif, je comprends les inquiétudes de Marianne. « Jean t'a trouvée super sexe, il aime ton genre de femme, il est devenu exhibitionniste. Es-tu d’accord pour participer ? » Participer ? Pour Marianne, cela signifie regarder ses ébats avec Jean. Sans ces « stimuli », Jean refuse toute relation sexuelle avec Marianne. Marianne, elle, subit.

Depuis déjà plusieurs mois, elle accepte l’inacceptable. Pensant « tenir » encore son couple. Pensant même maîtriser « la » situation. Cette mise en scène, qu’elle croit rassurante, la désinhibe. Derrière l’écran, Marianne est devenue plus entreprenante. Son comportement sexuel a changé. Jean la flatte. La couvre de compliments. Emploie les mots crus permettant à Marianne de penser qu’ils ont trouvé là le moyen de sortir de la fatale routine de leur couple usé par les années. « Jean et moi pratiquons la sexcam tous les jours… Au début, c’était difficile. Maintenant, c’est un jeu entre lui et moi. Je sais qu’une fois l’ordi éteint, tout est terminé. » Terminé, c’est ce que Jean laisse croire à Marianne. La réalité est tout autre. Un soir, Jean me contacte sur MSN. « Marianne aime s’exhiber devant la cam avec moi. Elle y a pris goût. Mais ce qui m’intéresse, c’est de faire ça seul avec toi »…

« Le cas de Marianne est classique. La suite n’est hélas guère difficile à imaginer. Dépression. Risques d’addiction à la sexcam, mais aussi à des substances toxiques telles que l’alcool, les médicaments psychotropes », explique le médecin psychiatre Alain Meunier. « Ce sont des patients difficiles à aider. Tombés entre les griffes d'un pervers, la seule issue serait la fuite, mais à ce stade, ils n'en sont plus capables. »

A 39 ans, Alexandra, ex-mannequin, mère de trois enfants, a sombré dans l’alcool. Un divorce-catastrophe, une rupture qu’elle n’accepte pas, Alexandra s'est inscrite sur le site de rencontres Meetic. Et fait des rencontres virtuelles entre 23h… Et 6 heures du matin. C’est le moyen qu’elle a trouvé pour combler le vide de sa vie affective, et restaurer l'estime d’elle-même qu’elle a perdue dans l’intraitable bagarre qui l'a opposée à Franck. Elle prend très rapidement goût à ces rencontres nocturnes, et va de plus en plus loin avec ses partenaires de quelques heures. Stripteasant devant sa cam, Alexandra a la sensation de renaître. Voir tous ces hommes se masturber devant elle lui donne la sensation de plaire, d'exister. « Sans Meetic, sans tous ces hommes qui me regardent avec envie, je serais peut être morte. Et je n’ai aucun scrupule. Aucune honte. Je me sens même bien. Je n'ai aucune envie de rencontrer les hommes que je croise derrière mon écran. Je ne sais pas grand-chose d’eux, et c'est très bien ainsi. Ils me rappellent tous très régulièrement. Me disent des mots que je n entendais plus depuis très longtemps… »

Je n'ai évidemment pas croisé Alexandra sur Meetic. Mais elle est amie avec l'une de mes amies… Et m'a raconté sa quête « irréelle ». Sans complexe. « Chaque soir, je m'habille. Généralement, je mets des sous vêtements sexe, çà marche à chaque fois…La totale me raconte t elle. Bas, porte jarretelles, talons aiguille, guêpière…De préférence noirs, je suis blonde. Puis, je me maquille. Les hommes me trouvent tous magnifique…Mon mari me trompait tellement. Je me dis que je plais toujours. »

Alexandra paie le prix fort pour tenter de retrouver un peu d'estime d'elle-même. Ce qu'elle pense être thérapeutique ne fonctionnera jamais. Alexandra est un cas typique de femme fragile et fragilisée, vulnérable à toute sorte d'addiction, et qui ne s'en sortira sans doute jamais. Pour elle, le virtuel est devenu un mode de vie. « Je n imagine même pas une vie ailleurs que derrière ma webcam. Je sais que ce n'est pas tout à fait normal. Mais ce n'est pas le genre de question que je me pose en ce moment ».

Alexandra a quitté le monde réel. Belle de jour aime la vodka, Belle de nuit se déguise en call girl.

Alexandra, dans son rôle de mère de famille, tente de tenir le choc.

Ce n’est pas facile. Mais les circonstances de la vie ont-elles laissé le choix à Alexandra ?

Un soir de détresse, Alexandra appelle en urgence son psychiatre. Par souci de discrétion pour Alexandra, il m’est impossible de le citer. Mais Alexandra a accepté que je l’interviewe sur son « cas ».

« Ma patiente est dans une situation de détresse affective extrème, m’explique-t-il. D’abord touchée par l’alcool, lorsque ses difficultés conjugales ont commencé, elle a aujourd'hui trouvé refuge dans le virtuel. Les nombreuses cures de désintoxication qu'elle a faites pour l’alcool n'ont pour le moment donné aucun résultat. Elle rechute à chaque fois. Malgré mes mises en garde sur ses « soirées sexcam », je me trouve face à un double échec : addiction à l'alcool, addiction à la sexcam. Je viens de lui expliquer que je n'aurai plus d’autre choix, si elle le souhaite réellement, que de l'hospitaliser pour une période d’au moins trois mois. »

L’hospitalisation signifie qu’Alexandra se sépare de ses enfants pour échapper au plus vite à la pernicieuse addiction à la sexcam. Elle doit donc solliciter Franck, ou sa famille. Une nouvelle fois.

Et c’est le pire des scénarios pour Alexandra.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !