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La France défend-elle suffisament ses policiers ?
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Le monde à l'envers

La colère des forces de police gronde, notamment depuis les émeutes à Amiens dans la nuit de lundi à mardi, où 16 policiers ont été blessés lors d'affrontements entre une centaine de voyous et des forces de l'ordre.

Philippe Capon

Philippe Capon

Philippe Capon est Secrétaire Général de l'UNSA Police.

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Atlantico : Des violences ont visé récemment des policiers à Paris, à Aix-en-Provence et ce lundi à Amiens. Assistons-nous à une recrudescence des agressions contre les forces de police en France ?

Philippe Capon : Il y a effectivement une recrudescence des violences contre les forces de police. Ce qui nous inquiète le plus, c'est le fait que les agressions deviennent de plus en plus violentes. La situation française se rapproche de plus en plus de la situation aux Etats-Unis. Les bandes s'affrontent de plus en plus violemment. L'utilisation d'armes à feu, du fusil à pompe à la Kalachnikov, est devenue presque habituelle. Les voyous n'hésitent plus à faire usage de ces armes quand les policiers interviennent.

Heureusement que nous avons en France une police entrainée, qui a l'habitude de répondre à ces problèmes et qui sait garder son sang-froid. Dans le cas contraire, nous aurions pu assister à des situations catastrophiques. Dans le cas d'Amiens, des collègues se sont tout de même fait tirer dessus ! Nous sommes ici en présence de bandes qui ont la volonté de prendre le contrôle des cités en mettant des barrages en place, en usant du "car-jacking", etc.

Qu'attendez-vous de la part des politiques ? La mise en place de zones de sécurité prioritaire (ZSP) suffit-elle ?

Malheureusement, la politique répressive menée depuis plusieurs années est un échec. La police et les forces de sécurité en France ne pourront seuls régler tous les problèmes de sécurité.

La volonté du ministre de l'Intérieur de mettre en place ces zones de priorité sécuritaire (ZSP) va dans le bon sens, même si nous poussons pour que Toulouse soit reconnu tout comme Amiens l'a été. A Toulouse, à l'heure actuelle, la situation est explosive. Nous assistons à une bagarre entre bandes qui, pour contrôler leur quartier et maintenir l'économie souterraine, s'affrontent les unes contre les autres. Quand la police intervient, elle se retrouve au milieu de combats de rue dans lesquels des armes à feu sont parfois utilisées.

La mise en place de la mesure ZSP sur Toulouse devrait pouvoir permettre une approche différente en mettant en place une large concertation entre les différents acteurs, que cela soit la justice et la police mais aussi tout ce qui touche à l'éducation, car chacun doit prendre ses responsabilités.

Plus généralement, n'y-a-t-il pas un divorce entre le citoyen et le policier en France ?

On ne respecte pas assez les policiers en France. Je pense que c'est à la fois générationnel et culturel. Certains jeunes n'ont plus aucune limite. Le problème se situe principalement au niveau de l'éducation de ces jeunes. Les parents ont bien souvent du mal à tenir leurs enfants. Cela demande une vision particulière de ce qui sera mis en place, en particulier au niveau de la justice.

La ministre de la Justice a déclaré vouloir en finir avec le "tout CEF" (centre éducatif fermé). Supportez-vous ces intentions ?

Nous sommes très interrogatifs sur les dernières déclarations de Christiane Taubira en ce qui concerne les centres éducatifs fermés. Nous pensons que les maisons dans lesquelles sont placés les mineurs restent utiles. Un jeune de 15 ans peut avoir une force et un comportement équivalent à un adulte. Il faut traiter cela de façon adéquate. Il ne faut pas faire preuve d'angélisme vis-à-vis des mineurs. Il faut arrêter de penser que tous les jeunes sont des "gentils". Pour appréhender certains de ces "petits chefs", il faut mettre en place des moyens de coercition aussi importants qu'avec les adultes.

Dans un communiqué de presse, l'Unsa Police réclame "une réponse forte et déterminée de la part de la justice". Par quoi cela pourrait-il se traduire ?

Il faut tout simplement appliquer des peines sévères pour les personnes qui alimentent et qui dirigent ces réseaux et arrêter de faire de l'angélisme.

Il faut également arrêter de remettre en cause systématiquement l'action de la justice. Nous avons trop tendance à dire, quand la police intervient dans un lieu chaud, que les évènements sont intervenus justement à cause du contrôle de la police. Les policiers font tout simplement leur travail, ils ont vocation à intervenir partout où cela est nécessaire.

Le syndicat Alliance craint que la disparition programmée des peines planchers annoncée par le garde des Sceaux favorise la multiplication des actes de violence contre les policiers. Est-ce également votre avis ?

Non, je ne partage pas cette analyse. Ces jeunes sont dans la délinquance et ce n'est pas les peines planchers qui feront évoluer les choses. Ils ne savent d'ailleurs probablement pas ce que cela veut dire.

Les milieux éducatifs fermés sont une partie de la solution. Tous les jeunes ne sont pas à jeter à la rue et certaines associations font également un travail formidable.

Le ministre a réinstauré cette volonté de vouvoiement. Je trouve que c'est une bonne chose et que cela devrait être généralisé dans d'autres milieux. Ce n'est pas à la police de tout régler.

Existe-t-il également un problème d'effectif ?

Je crois que nous payons trop ces dernières années et la politique de réduction du nombre de fonctionnaires. On pensait que la police échapperait à tout cela mais nous avons perdu des milliers de policiers et actuellement, il n'existe pas un commissariat en France qui ne se retrouve pas en sous-effectif avec une charge qui reste égale, voire même plus importante que ce qu'elle était auparavant.

Nous sommes très attentifs aux déclarations de François Hollande concernant l'embauche de policiers, de gendarmes et de personnels de justice. Nous sommes vraiment arrivés à un point où on ne peut pas descendre plus bas. François Hollande a annoncé un plan d'embauche de 5 000 policiers, gendarmes et personnels de justice sur 5 ans, à hauteur de 1000 par an. Il faut absolument que cela se mette en place, ainsi que le remplacement de tous nos collègues qui partent à la retraite.

Ici, le problème ne réside pas dans la volonté du ministre de l'Intérieur qui est tout à fait d'accord avec cela. Le blocage pourrait venir de Bercy, qui en période de crise, peut rechigner à de nouvelles embauches. Cependant, la sécurité doit rester prioritaire et nous espérons que les engagements du président de la République seront tenus.

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