Manuel Valls fête ses 50 ans : faut-il être quinquagénaire pour devenir ministre en France ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Ce lundi, Manuel Valls fête ses 50 ans. Est-ce l’âge minimum auquel on peut, en France, accéder enfin au pouvoir ?
Ce lundi, Manuel Valls fête ses 50 ans. Est-ce l’âge minimum auquel on peut, en France, accéder enfin au pouvoir ?
©Reuters

Joyeux anniversaire

Manuel Valls fête ses 50 ans ce lundi. Il lui aura presque fallu devenir quinquagénaire pour exercer un poste ministériel. La politique française s'ouvre toutefois de plus en plus aux trentenaires et quadras.

Jean Garrigues

Jean Garrigues

Jean Garrigues est historien, spécialiste d'histoire politique.

Il est professeur d'histoire contemporaine à l' Université d'Orléans et à Sciences Po Paris.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages comme Histoire du Parlement de 1789 à nos jours (Armand Colin, 2007), La France de la Ve République 1958-2008  (Armand Colin, 2008) et Les hommes providentiels : histoire d’une fascination française (Seuil, 2012). Son dernier livre, Le monde selon Clemenceau est paru en 2014 aux éditions Tallandier. 

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Atlantico : Ce lundi, le ministre de l'Intérieur Manuel Valls fête ses 50 ans. Est-ce l’âge minimum auquel on peut, en France, accéder enfin au pouvoir ?

Jean Garrigues : Oui et non. Il y a des précédents : Valéry Giscard d ’Estaing n’avait pas 50 ans lorsqu’il a été élu président de la République. Laurent Fabius en avait 38 lorsqu’il est devenu Premier ministre. De même, sous les précédentes Républiques : Félix Gaillard a été président du Conseil alors qu’il n’avait pas encore la cinquantaine. Ce sont les exceptions qui confirment la règle.

En outre, il existe depuis une trentaine d’années un rajeunissement général de la moyenne d’âge des dirigeants gouvernementaux et des ministres. A chaque élection présidentielle, il y a un effet de génération : des trentenaires montent au créneau. Cela a été le cas de Laurent Wauquiez du temps de Nicolas Sarkozy ou de Najat Vallaud-Belkacem sous François Hollande.

Toutefois, si l’on compare la moyenne d’âge des membres de gouvernements et des parlementaires, il est vrai que nous avons une moyenne d’âge plus élevée que celle de nos voisins allemands ou britanniques. Ce qui a été possible en Grande Bretagne, des Tony Blair, des Gordon Brown ou des David Cameron, qui n’avaient pas 50 ans en arrivant à la tête de leur gouvernement, serait plus difficile en France.

Comment l'expliquer ?

Cela tient essentiellement à un phénomène culturel qui dépasse la classe politique française : il est propre à toutes nos élites. Il y a une sorte de méfiance envers la jeunesse. On privilégie les valeurs d’expérience, de sagesse au détriment de l’énergie, du dynamisme ou de la créativité chez nos responsables politiques. Il faut cependant noter que l’on trouve la même chose dans nos entreprises où, même dans le journalisme, il reste rare de trouver des gens âgés de moins de 50 ans à des hautes responsabilités.

Il existe également des phénomènes de nature politique. Le cumul des mandats vise à construire des carrières sur le long terme : une sorte de cursus type implique de commencer à l’échelle locale pour aller jusqu’à une responsabilité gouvernementale. Le cumul des mandats est aussi une manière d’occuper le terrain et d’empêcher la promotion d’un certain nombre d’autres talents, notamment des plus jeunes. C’est propre à nos structures politiques.

Et puis, il y a en France des réflexes politiques. Du temps de Jacques Chirac, nous avons vu émerger une génération de quadragénaires qui voulaient prendre les rênes de la droite. Ainsi des personnalités comme Michel Noir ou Alain Carignon ont tout simplement été refoulés par Jacques Chirac. Ces notions tiennent au caractère concurrentiel de notre vie politique : les ainés sont réticents à laisser émerger les plus jeunes. La même chose a eu lieu au Parti socialiste où des gens comme Manuel Valls ou Arnaud Montebourg ont dû se battre pour trouver leur place aux côtés des éléphants qui ont déjà gouverné sous François Mitterrand.

Toutes ces épreuves rendent difficile l’accès à la responsabilité ultime de président avant un certain âge. Et tout cela se conjugue pour donner lieu à une classe politique plus âgée qui a naturellement écarté les plus jeunes.

Y a-t-il aujourd’hui une volonté de faire changer cette situation ?

Cela paraît incontestable. De la même manière qu’il y a eu une prise de conscience menant à l’émergence de plus de parité sexuelle et à une responsabilisation de gens issus de minorités, il existe aujourd’hui une volonté de viser plus de mixité sociale dans nos gouvernements. La classe politique française, au-delà du fait qu’elle soit composée de quinquagénaires, est surtout composée de gens issus de classes aisées de la société, d’une population de cadres.

Nicolas Sarkozy a été assez novateur dans ce domaine. Il a permis un rajeunissement de la moyenne d’âge du gouvernement Fillon. Cela correspond à l'une de ces vagues qui sont apparues ainsi, au fil du temps : une première sous Valéry Giscard D’Estaing, puis une autre sous la seconde présidence de François Mitterrand.

La nature même du marché politique français, malgré cette prise de conscience, reste cependant un territoire de compétition. Très naturellement, les plus anciens rechignent à laisser leur place aux plus jeunes. Mais il faut saluer une évolution sociétale qui cherche à laisser plus de place aux nouvelles générations : c’est d'ailleurs tout le principe du phénomène des start-up.

On retrouve cela dans le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Il s’illustre avec des personnalités comme Najat Vallaud-Belkacem ou Delphine Batho. Certains, comme Manuel Valls ou Arnaud Montebourg, ont obtenu des responsabilités importantes à des ministères cruciaux. La place est faite à cette nouvelle génération. Il est d’ailleurs intéressant de noter que des gens comme Najat Vallaud-Belkacem ou Laurent Wauquiez ont des parcours communs : ils ont suivi les mêmes formations et ont gardé des liens. Il y a peut-être aussi la possibilité d’une sorte de solidarité générationnelle qui peut aider à un rajeunissement général de la classe politique. Reste que, jusqu’ici, les considérations partisanes prend en général le pas sur cette logique générationnelle.

Propos recueillis par Romain Mielcarek

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