Usain Bolt, Christophe Lemaitre : comment expliquer un tel écart entre les deux athlètes ?

Atlantico : Le sprinteur français Christophe Lemaitre a défié Usain Bolt et Yohan Blake en finale du 200 m, jeudi soir. Il s'est finalement incliné, terminant à la 6e place, loin derrière Usain Bolt. Comment expliquer un tel écart ? 

Jean-Claude Perrin : Tout d'abord, Usain Bolt a des qualités neuro-musculaires très importantes. Il cumule deux atouts rares à trouver chez un athlète : une très grande fréquence - c'est à dire que la percussion de ses pieds sur le sol est largement supérieure à celle de ses adversaires - et une taille qui lui procure une très grande amplitude de foulée, d'à peu près 2 mètres 70 ou 2 mètres 75.

Certaines qualités morphologiques entrent également en jeu : la taille, le poids, la position du centre de gravité ou encore la pointure.

Enfin, Usain Bolt a commencé l'athlétisme plus tôt que Christophe Lemaitre, ce dernier étant passé par toutes les écoles de sports de Savoie sans que l'on détecte en lui son énorme potentiel. Il est arrivé plus tard.

Comment expliquer que l'on n'ait pas repéré le talent de Christophe Lemaitre plus tôt ? D'autres champions français ont-il pu passer entre les mailles du filet de la fédération française d’athlétisme ?

Bien sûr ! Tout d'abord, la France n'est pas un pays sportif mais de bien-être.

Enfin, il n'y a pas de sport à l'université. Tout repose sur les clubs privés. Lemaitre est ainsi au club d'Aix-les-Bains, un club doté de son entraîneur et des seules subventions de la mairie. Ni le ministère ni la fédération n'interviennent. Il n'y a pas de système parfaitement intégré.

Christophe Lemaitre aurait-il plus de chances s'il s’entraînait dans des clubs étrangers ?

Au contraire ! La meilleure décision qu'il ait prise est celle de rester à Aix-les-Bains.

Le succès des médaillés français à Londres est aussi celui des éducateurs et des entraîneurs français. Le ministère français n'assurant que difficilement le traitement des cadres.

Mais il y a un écart très important entre l'Europe et le reste du monde. Nous avons complètement régressé dans l’athlétisme. Christophe Lemaitre et Renaud Lavillenie sont les deux seuls prototypes européens qui se démarquent.

Christophe Lemaitre peut-il espérer concurrencer un jour Bolt, voire devenir champion olympique dans quatre ans ? Quelle est sa marge de manœuvre ?

Il n'y a pas de barème. Certains deviennent champion olympique à 18 ans... d'autres à 30 ans. Il peut avoir des rêves pour l'avenir car il est le plus jeune, celui qui a commencé le plus tard et qui a la marge de progression la plus grande.

Propos recueillis par Charles Rassaert