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L'endettement de l'Italie s'élève à 1 946 milliards d’euros, soit près de 122% du PIB.
L'endettement de l'Italie s'élève à 1 946 milliards d’euros, soit près de 122% du PIB.
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La chute de Rome

Le rigoureux Mario Monti gère le pays avec précaution, mais peut-il pour autant éviter la chute ?

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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La dette souveraine et les réponses apportées

L’Italie est une Nation d’importance pour l’Union européenne et symbolique à plus d’un titre : le Traité de Rome a été signé en 1957 et a fondé la CEE de l’époque. Mais, par-delà cette aura géopolitique, la péninsule présente des comptes publics très dégradés. Ainsi, il est requis de rappeler que l’endettement du pays s’élève à 1946 milliards d’euros ce qui représente près de 122% du PIB.

Dès son accession à la présidence du Conseil en date du 16 Novembre 2011, l’ancien Commissaire européen Mario Monti n’a cessé de prendre des mesures significatives. Retour d’une taxation sur le patrimoine ( supprimée par Silvio Berlusconi en 2008 ), intensification des processus concurrentiels dans plusieurs secteurs dont l’énergie et les transports, réformes de plusieurs paramètres du marché du travail à destination des jeunes et des femmes. Comme l’a dit son ancien collègue de Bruxelles, Pascal Lamy, actuel Président de l’OMC dans une interview sur La Chaîne parlementaire ( menée par PPDA le 13 Mars 2012 ) : « Mario Monti n’a pas besoin d’un travail du type du Rapport Armand-Rueff que le Général de Gaulle avait commandé en 1958. Il a une solide connaissance de l’économie italienne et pose un diagnostic très sûr ». A l’époque le brillant Pascal Lamy avait toutefois reconnu que la situation n’était pas « si simple ».

Et pourtant, la lucidité et la compétence de Monsieur Monti n’ont pas été de nature à rassurer les analystes des agences de notation. Peu après son investiture de fin 2011, Standard & Poor’s dégradait à la mi-Janvier 2012 la note attribuée à l’Italie : de A à BBB+. Cette décision a immédiatement provoqué la hausse des taux d’intérêts de la dette à 10 ans qui a atteint plus ou moins 7% contre 3,80% quelques mois auparavant.

Compte-tenu des montants à refinancer, tout le monde perçoit le saut que ceci représente en matière du coût du service de la dette.

Six mois plus tard, à la mi-Juillet 2012, c’est au tour de Moody’s de bousculer la situation en dégradant l’Italie de deux crans passant de A3 à Baa2. L’analyse de cette agence mérite attention car elle est potentiellement pertinente et crédible. Moody’s considère que les situations grecques et espagnoles peuvent avoir un impact sur la péninsule et lui imposer « de connaître une hausse brutale de ses coûts de financement ou de ne plus avoir accès aux marchés financiers » alors même que le pays est en récession ( voir PIB contracté de -0,8% au premier trimestre et de -0,7% au deuxième ).

En synthèse, la position d’emprunteur de l’Italie s’est détériorée en un an tout comme son volume de production. Parallèlement, circonstance complexe et tendue, le niveau des taux d’intérêts reste autour de 7% ce qui représente une gageure pour un pays à la croissance atone voire en situation de récession.

Le pays a heureusement quelques atouts : sa dette est détenue à près de 58% par ses résidents ce qui devrait, normalement, présenter un avantage. De même sa maturité est une des plus longues de l’Union avec une échéance moyenne de 7 ans. Ces points militent pour une appréciation contrastée de la situation.

Toutefois, au cœur de la machine, le conducteur Monti sait bien qu’il peut y avoir des tensions graves d’ici la fin de l’année et il a tenu, ici ou là, des propos qui ne fermaient nullement la porte à l’hypothèse d’une demande d’aide de l’Italie à l’Union.

Le 5 Juillet 2012, son gouvernement a pris des mesures visant à s’attaquer encore davantage aux dépenses publiques. Les décisions actées doivent permettre de réduire celles-ci de 5 milliards en 2012 et de 11 milliards en 2013 et en 2014.

Mario Monti a tenté de faire le maximum dans l’intelligence de ces solutions : il a ainsi déclaré «  Nous avons voulu éviter les coupes linéaires préférant le chemin plus compliqué, mais plus efficace sur le plan structurel, de l’analyse des dépenses ».

Il n’est pas interdit de relever que c’est un discours proche de celui tenu par notre ministre du budget sauf que Monsieur Jérôme Cahuzac a, sur son bureau, un objectif de rétablissement du solde des finances publiques de 33 milliards pour la seule année 2013 conformément aux vives préconisations du Rapport Migaud de la Cour des comptes remis début Juillet à Monsieur le Premier ministre.

Objectivement l’Italie inquiète (et ses spreads le démontrent ) mais la France pourrait elle aussi venir à nourrir des inquiétudes si l’on songe aux analyses conjoncturelles de la Banque de France qui annoncent notre prochaine entrée en récession.

Les banques et le reste de l’économie italienne

En Février 2012, fait hautement préoccupant, Standard & Poor’s a dégradé la note de 34 banques italiennes. Ceci avant même que les comptes annuels 2011 ne soient connus. On peut à bon droit se demander si tout est clair dans les comptes de certaines banques de la péninsule. Fortis mais surtout Dexia, Natixis et évidemment l’espagnole Bankia sont des exemples précis de certaines découvertes à valeur de profondes déconvenues et à valeur de chalumeau brûlant la confiance de la Place.

A côté de cette possible complication à forte connotation négative, il est impératif de noter un tournant issu des propos du président de la Banque centrale européenne. Monsieur Mario Draghi a en effet déclaré ( au journal Le Monde dans un article paru le 22 juillet ) que les contribuables avaient déjà fait beaucoup pour le redressement des comptes et qu'il fallait désormais envisager d'en appeler aux créanciers de premier rang. En clair, la sécurité nominale des créances est clairement attaquée par ce propos tenu le 22 Juillet dernier qui ouvre clairement la voie à des abandons partiels de créances, à des renégociations temporaires de dettes souveraines ou des palliatifs transitoires telles que des conventions d'anatocisme. Objectivement, c'est un tournant capital : que le premier grand argentier de notre zone monétaire brise le tabou de la sécurité du statut du créancier est une prise de position essentielle. Immense perspective de bouffée d'oxygène pour la Grèce, l'Espagne et l'Italie, cette déclaration va poser de véritables difficultés aux comités d'audits de certaines banques européennes ( ou autres ) qui ont réalisé des prêts à l'Italie. Devront-elles loyalement les déprécier ? Quels impacts sur leurs propres comptes ? Le tournant issu des dires de Monsieur Draghi pourrait bien avoir un effet de type boomerang sur la solvabilité de certains Etablissements.

Dès lors, il n’est pas irréaliste de penser que l’Italie pourrait faire appel aux mécanismes européens dans une proportion limitée pour sa dette publique et dans une proportion éventuellement conséquente pour un sauvetage de plusieurs banques : voir l’exemple des 100 milliards obtenus par l’Espagne pour la recapitalisation de son système bancaire.

Sauf incidents bancaires d’ampleur, la politique de Monsieur Monti peut fonctionner car elle ne semble pas guider le pays vers une austérité impitoyable mais vers une rigueur digne des approches chères à Raymond Barre.

Le chômage est en croissance et le pouvoir d’achat est déjà impacté mais ces variables semblent contenues dans leur évolution, en l’état actuel de nos connaissances.

En fait, et à titre de conclusion d’étape, ce qui serait véritablement pénalisant serait que le manque de liquidités ( dû à leur coût d’accès élevé voire exorbitant ) ne vienne engendrer un « credit-crunch ». Autrement dit, que les banques en mal de refinancement à des taux acceptables imposent au pays un resserrement du crédit.

L’Italie a un tissu de PME très important et dynamique qui sait exporter y compris en-dehors de l’Union européenne. Si cet atout des PME notamment du nord venait à être affecté, la récession serait plus accusée et alors le scénario assez sombre de Moody’s pourrait se déployer avant Noël.

Le peuple italien consent des sacrifices mais n’est pas atteint dans sa dignité et dans sa vie quotidienne comme son homologue espagnol. Souhaitons par conséquent que les mesures prises fonctionnent car sinon, comme toujours en économie politique, on retrouvera la phrase de Jean Giraudoux (La Guerre de Troie n’aura pas lieu, 1935 ) : « Le privilège des grands, c’est de voir les catastrophes d’une terrasse ».

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