Les Anglais et la mode : mais d’où leur vient ce mauvais goût très stylé ?<!-- --> | Atlantico.fr
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"Les Anglais s’enorgueillissent d’appartenir au club très select des nations les plus mal fringuées de la planète."
"Les Anglais s’enorgueillissent d’appartenir au club très select des nations les plus mal fringuées de la planète."
©Reuters

Manque de classe ?

C'est un cliché très répandu en France : les Anglais s'habillent comme des sacs ! Christian Roudaut montre que ce qui nous apparaît comme un manque de goût flagrant est, en fait, de l’autodérision et le symbole de l’ouverture d’esprit des Anglais. Extraits de « Ils sont fous ses anglais » (1/2).

Christian Roudaut

Christian Roudaut

Christian Roudaut a été correspondant à Londres pendant douze ans (Radio France, Arte). "Ils sont fous ces anglais" (Editions du Moment) est son quatrième livre.

Il collabore aujourd'hui au magazine européen d'Arte.

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Les Anglais s’enorgueillissent d’appartenir au club très select des nations les plus mal fringuées de la planète. C’est avec une pointe de délectation masochiste qu’ils reçoivent à la figure ces enquêtes d’opinion les reléguant systématiquement en bas de tableau. Chaussettes dans les sandales, maillots de foot moulants, tenues outrageusement légères, ventres rosissant à l’air… Hors de chez eux, les touristes anglais s’ingénient à jouer les ambassadeurs du mauvais goût vestimentaire. Loin de souffrir des sarcasmes de leurs voisins européens, ils s’en repaissent et invitent même les observateurs étrangers à venir se moquer publiquement de leur manque de classe.

L’an dernier, j’ai été contacté par la BBCI, la première chaîne de télévision du service public, pour réaliser un reportage sur le sujet. Ma mission, que j’avais acceptée avec grand plaisir, était de livrer mon regard critique de Français distingué sur les errements vestimentaires des Anglais. Mon enquête démarrait dans l’un de ces greacy spoon londoniens qui vous servent des breakfasts à l’anglaise hautement caloriques. Devant une assiette fumante et peu ragoûtante, j’affirmais, avec une effronterie gauloise de bon aloi, que le style des Anglais avait beau être déplorable, jamais il ne serait pire que leur gastronomie.

Après cette entrée en matière peu charitable, je me rattrapais en déclament mon admiration – sincère- pour leur je-m’en-foutisme vestimentaire et leur insensibilité au regard des autres. C’est vrai, les Anglais sont si à l’aise dans leurs chaussons que certains supermarchés doivent afficher à l’entrée des écriteaux invitant l’aimable clientèle à ne pas faire ses courses… en pyjama. Encore aujourd’hui, je ne cesse de m’émerveiller devant cette approche libérale de l’habillement qui fait cohabiter dans un même lieu les tenues les plus classiques avec les accoutrements les plus fantasques. La seule règle vestimentaire consiste à ne pas en avoir.

De même, un parfum de liberté se dégage des coupes de cheveux extravagantes, des tatouages et des piercings outranciers qui fleurissent sur les épidermes les plus inattendus. Dans le métro, les banques, les administrations, il n’est pas rare d’être servi par des agents arborant les témoignages extérieurs de cette excentricité. A se demander si la grande tolérance britannique concernant le port des signes religieux sur le lieu de travail ne tient pas tout autant à leur libéralisme vestimentaire qu’à leur approche dite « communautariste » de la société.

Sans être expert en la matière, il est difficile d’ignorer le succès des grands couturiers anglais qui ont fait souffler un petit vent de folie créatrice dans l’univers de la mode ces dernières années. Avec leur style souvent déjanté, toujours original, Vivienne Westwood, Paul Smith, John Galliano, Stella McCartney, feu Alexander Mc Queen, ont renouvelé le genre. En panne d’inspiration, les maisons parisiennes de haute couture ne s’y sont d’ailleurs pas trompées et ont récupéré à leur profit quelques-unes d’entre eux. Ce n’est pas un hasard si Jean-Paul Gauthier est le grand couturier français qui traverse le mieux la Manche : son esprit créatif affranchi du poids de la norme va comme un gant à l’extravagance anglaise.

[…]

Les Anglais ont un sens de l’humour, et plus précisément un goût de l’autodérision qui anesthésie la peur du regard de l’autre et, ce faisant, libère leur originalité. Certes, ils peuvent apparaître mal fagotés, négligés, excentriques et même grotesques mais jamais, ô grand jamais, ennuyeux ! Peut-être une leçon à méditer en France, où le poids de la norme et la crainte du ridicule empêchent trop souvent de s’affranchir des canons vestimentaires du moment…

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Extrait de "Ils sont fous ces anglais" aux Editions du Moment (31 mai 2012)

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